jeudi 19 mai 2011

Jean Stout : Baloo, Petit Jean et les autres (Partie 3/3)

Pour lire la précédente partie de l'article (partie 2/3), veuillez cliquer ici   


CV MUSICAL DE JEAN STOUT

Rares sont les choristes studio à avoir un "CV". Jean Stout ne déroge pas à la règle. En guise de "bonus" de cette interview, j'ai donc tenté d'en établir une ébauche à partir de reconnaissances vocales personnelles, d'informations glanées sur internet, d'informations inédites données par Jean Stout dans mon interview, et de la collaboration de Jean Cussac, Anne Germain, Georges et Michel Costa que je tiens à remercier.

Formation

Né le 17 avril 1933 à Bordeaux. Conservatoires de Bordeaux et Paris (classe de Charles Panzera). Prix d'art lyrique, comédie, percussions, piano.

Classique

Plusieurs grands enregistrements pour Lorin Maazel (La Divine Comédie d' Henry Barraud), Pierre Boulez, etc.


Variétés : studio et tournées

Choeurs studio et tournées pour les chanteurs Guy Béart, Jean Ferrat, Gilbert Bécaud, Henri Salvador, Nicole Croisille, Georgette Plana, Marie Laforêt, Jerry Lewis, Jeane Manson, Dorothée, Sylvie Vartan, etc.
Choeurs studio au sein des groupes The Jumping Jacques, Rhesus O, etc. 

Choeurs studio pour les comédies musicales Paris Populi (Francis Lemarque), La Vie en Bleu (Pascal Stive), etc.

Organiste dans plusieurs formations musicales et pour plusieurs chanteurs (comme Jean Constantin)


Chanson "I"m a poor lonesome cowboy" du film d'animation Lucky Luke in Daisy Town (1971), interprétée par Pat Woods et les choeurs, dont Jean Stout (basse profonde)

Musiques de films et création de voix dans des films français


Pour Gérard Calvi :
Astérix et Cléopâtre (1968): voix du lion de Cléopâtre (à confirmer), chœur des fromages (chanson « quand l’appétit va tout va »)
Les 12 Travaux d’Astérix (1976) : voix d’un perroquet qui dit « Samba ! » dans la musique « La Samba d’Obélix »

Pour Claude Bolling :
Lucky Luke in Daisy Town (1971) : soliste de la chanson « The Daltons » (avec Jean Richard au fouet) et choriste leader de la chanson « I’m a poor lonesome cowboy » (chantée par Pat Woods)
La Ballade des Dalton (1978) : choriste dans le barbershop quartet

Pour Michel Legrand:
Les Demoiselles de Rochefort (1967) : voix chantée de Guillaume Lancien et choeurs

Pour Michel Magne :
Tout le monde il est beau tout le monde il est gentil (1972) : petits soli dans la chanson « Jesus San Francisco »  et choeurs

Pour François De Roubaix :
Boulevard du Rhum (1971) : choeurs

Génériques divers :
Arpad le Tzigane (soliste)
Minizup et Matouvu (soliste)
Perlipopette et Sacripan (soliste)
Muppet Babies (choriste)
Les Snorky (choriste)


Jean Stout chante en direct le génie de "Shang shang a lang" de Sylvie Vartan, entouré de Michel Barouille, ?, Jackye Castan, Danièle Bartoletti et Claude Chauvet

Enregistrements solistes divers

Chez AB Productions :
Dorothée: Une fille qu'est-ce que c'est? / Viens t'amuser (1980), voix de Henri Golo
Dorothée chante (1980), voix de Henri Golo
Les Schtroumpfs chantent Papa Noël (1983)
Vive Scrameustache (1984) 
Le hit parade des enfants (1989)

Chez Adès/Le Petit Ménestrel/Disneyland Records :
Le Livre de la Jungle (1968), chanson "Cherche le mini-minimum"
Le Livre de la Jungle, chanson (1979), chanson "Baloo's Blues" 
Mon petit âne (1980)
Les chansons de Pierrot (1981)
Vos chansons télé préférées (1981) 
Pierrot: La rencontre avec Boutitou (1981)
Pierrot: 150 millions de bougies pour Boutitou (1981)
La chanson de Zorro (1985) 
Enfin! Le petit lion chante! (1985)
Bon week-end Mickey (1985)
Les Snorky (1986) 
Rondes et chansons pour les Disney Babies, vol.3 (1987)
Le Chat Botté (1989)
L'anniversaire de P'tit Loup

Chez Barclay :
Paris Populi (1976), plusieurs petits soli 

Chez CBS:
Matouvu et Minizup
Joe Dassin: C'est la vie, Lily / Billy le bordelais (1970), voix du narrateur de "Billy le bordelais"

Chez La voix de son Maître/EMI :
Gilbert Bécaud: L'Orange / Don Juan (1964), plusieurs soli dans "L'Orange"

Chez Mélodie Productions :
Jean Stout: Marie, chants pour célébrer la vierge, chants pour pèlerinages (1985) 

Chez Philips :
André Blot : le letkiss de Grand-Papa, voix de Grand-Papa

Chez RCA :
Sylvie Vartan : Shang shang a lang (1975), voix du génie

Chez Saban Records:
Les animaux du monde: Toco le Toucan (1984)

Chez Vogue :
Jean Stout : Ballade de l'espace / Nous, c'était si doux (1972)
Bigeard, la France (1987) avec le Général Bigeard

Jean Stout joue le personnage d'Henri Golo dans Dorothée au Pays des Chansons (1980).

Télévision/Cinéma

Rôle de Henri Golo dans la VHS Dorothée au Pays des Chansons.

Participation comme choriste à la plupart des émissions de variétés des années 60 aux années 80.

Apparition comme choriste dans le film Mazel Tov ou Le Mariage (1969) de Claude Berri.



Jean Stout est la voix chantée de Petit Jean dans Robin des Bois (1973)

Doublage de films



Pour Georges Tzipine :
Le Livre de la Jungle (1968) : voix chantée de Baloo, Shere Kahn et un éléphant
L’Apprentie Sorcière (1971) : voix chantée d’un marchand
Robin des Bois (1973) : voix chantée de Petit Jean
Et chœurs pour la plupart des doublages qu’il a dirigés entre 1968 et 1980

Pour Bob Quibel :
Les Aventures de Winnie l’Ourson (années 80) : voix chantée de Porcinet, Bourriquet et Maître Hibou

Pour Guy Pedersen :
La Petite Boutique des Horreurs (1987) : voix chantée d’un personnage dans la chanson "Dans notre banlieue"

Pour Jean Cussac :
Dumbo (1979) : plusieurs petits soli et chœurs
Popeye (1981) : chœurs
Et chœurs pour la plupart des doublages qu’il a dirigés entre 1980 et 1992


La Belle et le Clochard (2ème doublage, 1989) où Jean Stout double et chante Tony, le gros cuisinier. Son assistant est doublé par Roger Carel pour les dialogues et Jean Cussac pour la chanson.

Pour Jacqueline Porel et Jean Cussac :
La Belle et le Clochard (1989, 2ème doublage) : voix parlée et chantée de Tony, voix parlée de Boris, choeurs

Pour Claude Lombard :
Cendrillon (1991) : voix chantée de Gus
Tom et Jerry le film (1992) : chœurs


2ème doublage de Peter Pan (1991). Jean Stout y fait la voix chantée du grand chef indien.

Pour Georges Costa :
Peter Pan (1991, 2ème doublage) : voix chantée du Grand Chef indien et choeurs
Bambi (1993, 3ème doublage) : choeurs
L’étrange Noël de Monsieur Jack (1993) : voix chantée de plusieurs habitants d’Halloween et chœurs
La Belle et le Clochard (1996, 3ème doublage) : choeurs
Aladdin et le Roi des Voleurs (1996) : voix chantée de plusieurs voleurs
Les Aventures de Winnie l’Ourson (1997, 2ème doublage) : plusieurs voix dans la chanson « Les Ephélants et les Nouifs » et chœurs
Anastasia (1997): voix chantée d’un sculpteur dans la chanson « Paris tu nous ouvres ton cœur »
Mélodie Cocktail (1998, 2ème doublage) : chœurs et petit solo dans la chanson « C’est un souvenir de décembre »
Mulan (1998) : chœurs
Le Roi Lion II (1998): voix chantée d’un hippopotame dans la chanson « L’un des nôtres »
La Petite Sirène (1998, 2ème doublage) : voix chantée d’un poisson dans la chanson « Sous l’océan »
Blanche-Neige et les Sept Nains (2001, 4ème doublage) : voix chantée de Timide dans la chanson « On pioche/Heigh Ho »
Et chœurs pour la plupart des doublages qu’il a dirigés entre 1991 et 2001

Directeurs artistiques et musicaux inconnus:
C'est la vie (années 60) : voix du narrateur
Oliver ! (1968) : voix chantée du rémouleur
Le Muppet Show : voix du cuisinier suédois (en remplacement de Roger Carel qui l’avait doublé pour la SOFI)


((c) Dans l'ombre des studios. Copie interdite)


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Jean Stout : Baloo, Petit Jean et les autres (Partie 2/3)

Pour lire la précédente partie de l'interview (partie 1/3), veuillez cliquer ici 


Dans l'ombre des studios : Nous allons maintenant aborder vos enregistrements de génériques et vos doublages, en commençant par Arpad le Tzigane !

Arpad le tzigane, ça a été un triomphe. Le disque a été enregistré chez Vogue ! J’ai fait aussi quelque chose dont on ne parle jamais, c’est le générique de Zorro. C’est moi qui l’ai enregistré.
Je faisais la voix de Zorro chantée, et aussi du gros couillon, le Sergent Garcia…


Générique de fin de la série Arpad le tzigane (1973) chanté par Jean Stout

DLODS : Nous parlions tout à l’heure de Danielle Licari. Vous avez enregistré le générique de Minizup et Matouvu avec elle !

Oui ! J’ai même au-dessus de mon téléphone un dessin dédicacé par Barberousse (créateur des personnages, ndlr). A l’origine c’était Louis Seigner de la Comédie-Française qui faisait la voix du chat Matouvu. Il était bien. Le problème c’est que ça l’emmerdait, il trouvait que c’était indigne de lui-même. C’était la vieille école. Quand on lui a dit « Maintenant il va falloir que tu essaies de chanter » il a dit « Ah bon ? Je veux bien être gentil mais là ça va trop loin ! Trouvez quelqu’un d’autre» et il les a laissé tomber. Et je me suis donc retrouvé à faire la voix de Matouvu. Et alors ils étaient tellement contents qu’après je me suis tapé tout un tas d’épisodes. C’était vraiment une bonne affaire ce truc. Et alors il y avait la souris qui était chantée par Danielle Licari, et doublée par Arlette Thomas.

DLODS : On peut reconnaître votre voix dans les choeurs de pas mal de musiques de films des années 60-70 comme par exemple Boulevard du Rhum composée par François de Roubaix…

Oui j’ai pas mal travaillé avec François de Roubaix jusqu’à sa mort, le pauvre. Il s’est noyé parce que son dada c’était la plongée sous-marine, et il explorait les grottes sous-marines. Pour ne pas se perdre il avait un fil à la patte, comme on dit et un jour le fil s’est cassé et il n’a pas retrouvé sa sortie. Voilà comment il est mort, François…

DLODS : Vous avez très certainement aussi participé aux chœurs de la musique du film Doucement les basses par Claude Bolling ?

Oui j’ai énormément travaillé avec Claude Bolling. J’ai fait les « Wi ohm » dans les chœurs de Lucky Luke !

DLODS : Je me demandais qui est ce chanteur, Pat Woods qui interprète « I’m a poor lonesome cowboy », et ce qu’il est devenu ?

C’était un canadien (il imite l’accent québécois). Mais je ne peux pas vous dire plus !

DLODS : Nous allons maintenant évoquer votre carrière dans le doublage. Comment avez-vous été amené à en faire ?

C’est Jean Cussac qui m’a fait rentrer dans les doublages de dessins animés. J’ai passé des essais, et le premier truc que j’ai fait pour Walt Disney, c’était une série de documentaires qui étaient projetés en première partie des films. Ca s’appelait C’est la vie. Dans cette série je ne chantais pas du tout, je faisais un commentaire très Comédie-Française, n’est-ce pas (il imite la voix des commentateurs de l’époque). Je me souviens d'un épisode qui s’appelait Le Grand Canyon et d’un autre qui s’appelait Appolossa, le cheval aux sabots d’or.

DLODS : Mais vous n’étiez pas comédien à l’époque ?

Oh si j’étais comédien ! J’ai un premier prix de comédie, un prix d’art lyrique, un premier prix de percussions, un premier prix de piano… Dans ma vie j’ai fait de tout. Par exemple je chantais à la synagogue. Je ne suis pas hébreu mais j’ai appris à lire phonétiquement. Ils aiment bien avoir des voix comme ça, ce qui fait que je me suis retrouvé dans des fêtes religieuses. Alors je mettais la kippa sur la tête, ce qui m’a valu d’être filmé en gros plan dans un film qui s’appelait Mazel Tov ou le Mariage (1969), avec Régine. C’était une histoire assez romancée, assez rigolote, où on voyait un mariage juif à la synagogue. Et alors le réalisateur ne savait pas du tout qui était la basse juive qu’on entendait si bien dans le film. Il m’a filmé en gros plan car j’avais l’air tellement plus juif que les autres ! On n’a vu que moi ! (rires)

DLODS : Rabbi Destouet !

C’est ça, si vous voulez ! (rires). C’est rigolo, hein ? Voilà comment je me suis retrouvé dans ce bain. Parce qu’après, qu’est ce que j’ai pu en faire, des réceptions juives! Je travaillais notamment pour l’orchestre d’un accordéoniste, ancien juif reconverti qui s’appelait Addash Starsky, il était d’origine polonaise. Un jour il y a eu une baronne juive, qui faisait le baise-main, tout ça, elle s’est arrêtée devant l’orchestre et elle a dit avec une voix à la Elvire Popesco « Addash, ton orchestre est formidable mais pourquoi tu ne fais pas travailler les frères ? » « Comment ça je ne fais pas travailler les frères ? », « Le seul juif, et Dieu sait s’il est beau et s’il joue bien, c’est ce garçon avec les lunettes ». Et elle m’a montré du doigt. Alors ils sont tous tombés à la renverse, car j’étais le seul goï de l’orchestre (rires).

DLODS : Donc vous avez fait de la comédie. Un peu de théâtre ?

Oui, je ne me souviens plus ce que j’avais fait, un ou deux trucs. Mais c’était très mal payé à l’époque. Pour gagner trois francs trois sous il fallait faire je ne sais pas combien de jours de répétition et moi qui faisais trois séances de chœurs par jour, parfois quatre, là ça allait du premier coup et je gagnais beaucoup d’argent. Alors j’ai dit non, ça ne va pas, ce n’est pas pour moi, et j’ai tourné la page.

DLODS : Pour en revenir au doublage, comment avez-vous eu votre premier rôle « chanté » ?

Monsieur Ketting qui était le directeur artistique pour Walt Disney a entendu ma voix parlée et a dit à Jean Cussac « Mais ce garçon, il ne chanterait pas, des fois ? » (rires), alors on a rigolé bien sûr. Et puis j’ai fait des essais avec quatre ou cinq chanteurs, ils m’ont pris et le premier truc que j’ai fait pour eux c’était certainement Le Livre de la Jungle où je faisais la voix chantée de l’ours Baloo. Et je fais aussi la voix chantée d’un des éléphants, le Colonel Hathi. Il disait « Je me souviens ma chère amie, etc. », s’appuyait sur sa canne, disait « en avant, marche ! » et les éléphants, discrets, partaient dévaster la forêt, c’était assez rigolo, et je crois qu’Anne Germain faisait la voix chantée du petit éléphant. A un autre moment il y a le tigre qui chante, Shere Kahn ! J’ai fait ça, mais il a juste une phrase dans son texte.


"Il en faut peu pour être heureux" (du film Le Livre de la Jungle (1968)) chanté en VF 
par Jean Stout (voix parlée: Claude Bertrand) et le petit Pascal Bressy

DLODS : Pour la voix chantée de Colonel Hathi, le générique donne le nom de Pierre Marret…

C’est des « planteries » de l’époque ça !

DLODS : Possible. En tout cas José Germain m’a dit qu’il doublait la voix chantée de Bagheera, or c’est Jean Cussac qui est crédité.

Ah, vous voyez ! Il y a des « planteries » de tous les côtés !

DLODS : Juste avant votre petite phrase de Shere Kahn, il y a un quatuor de vautours

Oui, c’est Jean Cussac qui s’en était occupé.

DLODS : Est-ce que vous faisiez la voix de basse dans le quatuor ?

Non je ne m’en souviens pas. Vous savez j’ai fait ça il y a tellement longtemps.

DLODS : Le Livre de la Jungle est-il votre meilleur souvenir de doublage?

Certainement. On avait bien rigolé avec les copains.

DLODS : Est-ce que vous savez ce qu’est devenu José Bartel ?

C’était un « swing man » lui, il faisait la voix de King Louie. Je m’en souviens, vous voyez, quand vous citez les noms ! Il me semble qu’il a quitté le métier et qu’il est décédé deux ou trois ans après.

DLODS : En 2003, avez-vous été contacté pour passer des essais sur « Le Livre de la Jungle 2 » ?

Non…

DLODS : Par contre, vous avez enregistré il y a quelques années une reprise d’ « Il en faut peu pour être heureux » aux côtés d’un petit garçon, Raphaël…

Oui, le guitariste Jean-Claude Oliver m’a pris pour deux ou trois choses avec son fils. Et il a fait un disque dans lequel son fils chante « la chanson de Baloo » et je chante avec lui.

DLODS : Dans les années 60, avez-vous été dirigé par André Theurer ?

Oui, il était responsable dans une société de doublage qui s’appelait la SPS ! Il était très ami avec Jean Cussac, et c’est lui qui lui faisait faire tous les petits rôles qu’on pouvait lui donner. Il a fait gagner pas mal d’argent à Jean.

DLODS : En 1975, je ne sais pas si vous avez participé au 2ème doublage de Pinocchio. Le comédien Mark Lesser qui était la voix de Pinocchio m’a dit que ce n’était pas lui qui le doublait dans les chansons.  Savez-vous de quelle choriste il s’agissait ?

Oui, j’ai fait Pinocchio. Il s’agissait peut-être de Michelle Dornay, je ne sais pas… En tout cas c’était dirigé par Georges Tzipine.

DLODS : Comment son frère Joseph et lui se répartissaient les rôles ?

C’est Georges qui dirigeait la musique et Joseph qui dirigeait les comédiens. Et Joseph, on l’appelait « le crocodile ».

DLODS : Pourquoi ?

Parce qu’il avait un tarin comme Cyrano de Bergerac ! (rires)

DLODS : Dans les années 80 vous avez enregistré le générique de la série des Winnie l’Ourson présentée par Jean Rochefort. Doubliez-vous aussi des personnages ?

Dans Winnie l’Ourson mon pauvre ami ce n’était pas difficile, j’ai fait toutes les voix, sauf Winnie, pour la bonne raison qu’aucun des comédiens ne chantait. Je me suis tapé le boulot de les imiter dans la dernière phrase qu’ils devaient dire pour raccorder avec le chant et ensuite je les imitais en chantant. Croyez-moi, ce n’était pas un cadeau ! Je ne me suis pas amusé, notamment parce qu’il y en a un qui a une voix très spéciale, Po-po-porcinet qui parlait comme ça (il imite Porcinet). Et il chantait, ce con ! Ce sont des choses où on ne me reconnaît pas du tout ! C’était Bob Quibel (chef d'orchestre des émissions de Jacques Martin, ndlr) qui dirigeait la musique. Je faisais aussi l’âne Bourriquet qui chantait plus dans les graves donc c’était plus facile comme c’était dans mon registre, et Maître Hibou.


Générique de Winnie l'Ourson chanté par Jean-Claude Corbel, Jean Stout et Claude Lombard

DLODS : Qui faisait la voix chantée de Tigrou ?

C’était un copain saxophoniste que j’avais mis là-dedans, Gérard Meissonnier. Voilà, et ma voix je l’ai aussi trafiquée dans Cendrillon. Il y a des petites souris qui cousent, vous savez ! Eh bien au milieu il y a une petite souris qui a comme un bonnet de nuit sur la tête et qui s’appelle Gugusse. Et c’est moi qui fais la voix de Gus.

DLODS : Uniquement dans les chansons ?

Non, parlée aussi ! La voix de comédie…

(NB: Bruno Lais, directeur artistique du doublage de Cendrillon me confirme que Jean Stout faisait bien la voix chantée de Gus. En revanche pour la voix parlée il maintient que c’était bien Jacques Frantz)

DLODS : Vous avez participé aussi en 1989 au redoublage de La Belle et le Clochard…

Dans La belle et le clochard je fais le chien afghan, Boris, qui chante dans la fourrière.

DLODS : Ca personne ne l’avait trouvé. Vous voyez que vous avez une bonne mémoire !

Ca me revient au fur et à mesure, d’en parler…Vous savez je suis entré dans des bains très spéciaux, comme j’avais une très grande mémoire, il y a un copain qui m’a dit « on aimerait bien t’avoir comme pianiste » parce que je suis pianiste aussi. Pianiste, organiste et contrebassiste. Alors évidemment il faut de tout si vous voulez manger tous les jours dans ce métier.

DLODS : Toujours dans La Belle et le Clochard, c’est bien vous qui doublez le gros cuisinier ?

Oui ! Le nom du gros cuisinier c’était Tony, qui engueule Roger Carel parce que Roger Carel dit « Un nonosse ? », alors je dis « Non ! Aujourd’hui c’est les spaghettis à la Tony » avec un accent bien sûr… et puis je chante « Nuit belle nuit », les deux chiens s’embrassent et c’est rigolo…

DLODS : Vient ensuite la période « Costa ». Avez-vous prêté votre voix au redoublage de Peter Pan ?

Ca me dit quelque chose, je crois que je faisais le grand chef indien.

DLODS : C’est ça ! Je n’identifiais pas votre voix à 100% !

Mais là c’était une voix un peu spéciale, une voix de dessin animé…

DLODS : Vous avez aussi participé il y a quelques années au dernier doublage de Blanche-Neige et les Sept Nains ?

Oui, c’est l’un des derniers dans lesquels j’ai travaillé. Et c’est la fille de Lucie Dolène, Virginie qui faisait la voix de la nouvelle Blanche-Neige…

DLODS : En fait il ne s’agissait pas de Virginie, mais d’une chanteuse qui s’appelle Rachel Pignot…

C’est fou, j’étais sûr que c’était Virginie car elle a vraiment la même voix que Lucie !

DLODS : Vous figurez au générique des 12 Travaux d’Astérix. C’est amusant car il me semble que vous ne dites qu’un mot : « samba », dans la « Samba d’Obélix » !

Alors là je ne m’en souviens plus du tout. Par contre je fais la voix d’Obélix dans Astérix et Cléopâtre, dans la chanson « Quand l’appétit va tout va »

DLODS : Curieux, je pense que Jacques Morel chante bien le rôle d’Obélix dans le film. Par contre c'est fort possible que vous fassiez partie du chœur des fromages de cette même chanson, et la voix du lion de Cléopâtre, à la Armstrong, ressemble beaucoup à la voix que vous preniez pour Maître Hibou dans Winnie !

C’est loin, vous savez… Mais pour Obélix je suis sûr de l’avoir fait au moins une fois, où il fallait raccorder avec du texte… Et pour le lion, c’est fort possible car j’imitais bien Armstrong.

DLODS : Avez-vous des souvenirs d’autres doublages de dessins animés ?

Alors là justement j’ai revu un truc en ce moment qui passe à la télé, je me suis dit « ils sont gonflés, ils passent ça encore ! »… C’est le Muppet Show. J’ai fait un tas de choses. Pas seulement chantées, parlées ! J’ai fait le cuisinier suédois…

DLODS : Vous êtes sûr de l’avoir doublé tout le temps ? Il me semble que c’était Roger Carel.

Ah mais c’est pas lui qui faisait le cuisinier suédois ! Il ne l’a jamais fait ! C’est lui qu’il vous l’a dit ? Les comédiens sont de grands cabots, vous savez ! Le pire c’est Pierre Tornade.  Il s’est fait avoir comme ça une fois parce où on lui avait demandé « C’est vous qui faites la voix chantée de l’ours, là ? » « Ah oui c’est moi, c’est moi » « Très bien ! » et on lui a mis la partition devant. Il s’est retrouvé comme un gros couillon, ce qu’il était d’ailleurs ! 

DLODS : Vous avez aussi participé à des doublages de films. On peut vous entendre dans Oliver ! (1968) doubler le rémouleur dans une chanson…

Oui, c’est vrai, c’était un chant très « classique ».

DLODS : Il m’a aussi semblé reconnaître votre voix dans La Petite Boutique des Horreurs (1986) dont la direction des chansons était confiée à Guy Pedersen…

… qui n’y connaissait rien, d’ailleurs. C’était un sacré bassiste, un sacré musicien, mais je me suis disputé avec lui car c'était son premier doublage, et il me demandait de refaire des boucles qui étaient bonnes. Jenny Gerard, la patronne de la boîte du doublage lui a dit « C’est bon, Stout a raison, c’est dans la boîte!» et il a répondu « Ah mais si ça ne vous fait rien c’est moi qui dirige »… et alors je l’ai envoyé chier, j’ai signé la feuille et je suis parti. Et après il a passé son temps à essayer de me saboter de tous les côtés.

DLODS : Touchez-vous des droits sur les doublages « chantés » ?

Des cacahuètes. Et encore, sans sucre ! On a la Spedidam qui nous défend pour la musique, et puis l’Adami. Mais vous savez ils sont un peu spéciaux à l’Adami dans le sens où ils font d’abord passer les comédiens avant toute chose. Alors quand vous êtes ni trop l’un ni trop l’autre, alors ça les emmerde ! Par contre en y allant une fois, j’ai retrouvé une fille formidable avec qui j’avais travaillé sur un truc classique, Brigitte Fossey. C’est une comédienne adorable. Quand elle me voyait elle me sautait au cou, m’embrassait, et les gens autour se disaient, « Mais qui c’est ce mec ? ». Elle était très mignonne, très gentille.

DLODS : Continuez-vous à chanter ?

Oh non, vous savez maintenant, j’ai quand même un certain âge, pour ne pas dire un âge certain. Alors de temps en temps on me téléphone de Paris quand ils reprennent un truc, quand il faut une certaine voix… Alors je leur demande de me payer le train en 1ère classe, le taxi, et ils le font. Et puis j’arrive à Montparnasse, on m’attend et on vient me chercher…

DLODS : Il y a moins de basses dans les chansons d’aujourd’hui…

Pour le style actuel, ils n’ont pas besoin de basses. En fait ils ont très peu besoin de choristes, ils font ça avec des machines, des synthétiseurs.

DLODS : Pour les doublages de Disney, Georges Costa prend maintenant Jean-Claude Briodin pour faire les voix de basse.

Oui mais c’est un baryton. Il était très très bien pour chanter détimbré, pour faire les chabada aigus avec beaucoup d’air. Mais il n’avait pas de timbre, c’était ça son truc. Et il est toujours en activité.

DLODS : Aujourd’hui, quels styles musicaux aimez-vous écouter ?

Comme j’ai une formation très classique, avec l’âge j’aime bien écouter les belles choses classiques, même ultra-modernes, mais classiques !

DLODS : Je sais qu’il y a encore quelques années vous composiez pour orgue. Composez-vous toujours ?

Non, j’ai perdu l’envie…

DLODS : Quelles sont vos occupations de retraité ?

J’ai une grande propriété donc avec ma femme on fait du jardinage, on s’occupe un peu de tout. Heureux ! Ca y est, vous avez pressé l’éponge ?

DLODS : Oui (rires). Par contre, auriez-vous une photo à me prêter pour illustrer l’interview ?

Non. Vous connaissez l’histoire du gars qui dit « Dis donc, est-ce que tu as des photos de ta femme à poil ? » «  – Non » «  – Eh bien, tu en veux ? »

DLODS : Tant pis, je me débrouillerai (rires) !


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Jean Stout : Baloo, Petit Jean et les autres (Partie 1/3)

Entretiens réalisés entre le 26 novembre 2009 et le 26 mars 2011
Remerciements à Bruno Lais et Jean Cussac
Le 20 décembre 1971, le film d’animation Lucky Luke in Daisy Town est projeté dans les salles obscures françaises. Il s’ouvre sur le thème « I’m a poor lonesome cowboy » composé par Claude Bolling. De cette chanson, on se souviendra peut-être plus de la voix de basse profonde impressionnante qui dirige le choeur, que de celle du chanteur folk Pat Woods qui chante la mélodie principale.
Ce choriste, c’est Jean Stout, « la » voix chantée de Baloo dans Le Livre de la Jungle (1968), seule et unique grande basse dans les chœurs de chansons de variétés, musiques et doublages de films du début des années 60 à la fin des années 90.

Retiré depuis une dizaine d’années sur la côte Atlantique dans la région qui l’a vu naître, Jean Stout a accepté de répondre par téléphone à mes questions.  


Dans l’ombre des studios : Pouvez-vous me raconter vos débuts ?

Ca ne date pas d’aujourd’hui, mon pauvre ami ! J’ai fait le conservatoire de Bordeaux, ensuite je suis monté à Paris où j’ai été au conservatoire, dans la classe de Charles Panzera.

DLODS : A quelle époque avez-vous choisi le pseudonyme de Jean Stout et pour quelles raisons ?

Ca date d’il y a longtemps. C’était à un grand dancing d’Arcachon qui s’appelait L’Olympia. Le patron m’avait demandé de monter un trio, et comme je m’appelle Destouet de mon vrai nom, il m’avait dit que pour la clientèle il fallait quelque chose d’un peu exotique donc on a cherché. Finalement à Destouet on a enlevé le « de » et en enlevant le « e » ça faisait Stout. Alors pour les gens ça venait d’ailleurs! Voilà, c’est tout bête !

DLODS : C’était un trio de jazz ?

Oui c’était du jazz, du « chabada ». Comme on disait à l’époque, ça « swinguait » !

DLODS : Et quand vous avez fait vos débuts dans le classique vous avez gardé « Stout » ?

J’avais un problème à cause de mon papa qui faisait de la politique. Il faisait partie du Parti Communiste Français, ce qui n’était pas du tout bien vu dans ma région, alors quand je suis monté à Paris pour faire mes études j’ai gardé Stout, comme ça je ne risquais pas d’avoir d’ennuis. Mais personne ne m’a rien demandé. Du moment que je faisais l’affaire ça allait au poil.


Jean Stout chante l'une de ses compositions: "Ballade de l'espace"

DLODS : En discutant avec vous je m’aperçois que vous avez un accent du Sud-Ouest assez prononcé, ce dont on ne se rend pas du tout compte quand on vous écoute chanter. Avez-vous travaillé pour le perdre ?

Oui, bien sûr. Après je me suis mis à faire très attention, et puis j’ai suivi une filière. Comme j’étais auteur-compositeur j’ai présenté mes chansons à  droite à gauche et puis, il y a un directeur artistique de chez Philips, qui m’a dit « Stout, tu sais, tes chansons elles sont difficiles à placer, par contre, ta voix j’en aurais bien besoin. Demain matin, est-ce que tu as quelque chose à faire ? ». Alors j’ai dit non et il m’a dit « Voilà, j’ai une séance d’enregistrement avec un accordéoniste, André Blot, j’aimerais bien que tu viennes dedans et comme il y a des chœurs tu ferais la voix du grand-papa ». La chanson s’appelait « Le letkiss de Grandpapa », vous voyez un peu l’œuvre !

DLODS : Qu’est-ce que le « letkiss » ?

C’est une danse de l’époque. Alors j’ai dit oui et je me suis retrouvé là avec trois jeunes femmes, remarquables chanteuses et musiciennes, qui s’appelaient Michelle Dornay, Jeanette Baucomont et Janine De Waleyne. J’ai fait mon numéro, on a discuté, elles ont pris mon numéro de téléphone. Et ces trois amies, parce qu’elles sont devenues des amies, m’ont fait travailler de tous les côtés dans la variété, pour des séances d’enregistrement. Et puis moi d’un autre côté, comme Philips m’a dit que ma voix les intéressait, ils m’ont mis sur un coup de classique. Comme j’avais appris le chant classique au départ, j’ai fait un premier enregistrement, et je suis allé chanter à l’Oratoire du Louvre à vue bien sûr, car je n’avais jamais chanté de chants liturgiques et ça a marché… Ensuite je suis allé m’occuper des chœurs de l’Opéra dans des grands concerts pour Lorin Maazel. C’est lui qui m’a fait confiance. Il m’a pris au pied levé comme ça et m’a fait chanter dans deux ou trois trucs dont un grand enregistrement qui a eu le grand prix du disque et qui s’appelait La divine comédie, sur un poème de Dante et une musique d’Henry Barraud, un grand compositeur de l’époque.

DLODS : Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience ?

Il y avait une équipe là-dedans, ce n’était pas de la rigolade! C’étaient les débuts de la musique disons pas sérielle mais très difficile, donc il fallait s’accrocher à sa partition ! Nous étions trois hommes et trois filles. On ramait comme des fous parce que c’était difficile, et malgré ça on a tellement fait l’affaire qu’ils ont fini deux jours avant ! Lorin Maazel était très content, car deux jours de gagnés pour lui ça signifiait qu’il pouvait faire encore autre chose. Il m’a refait faire trois ou quatre enregistrements, mais après je n’étais pas assez libre. Il voulait quelqu’un de plus disponible, donc notre collaboration s’est arrêtée là.

DLODS : Vous me parliez à l’instant des chansons que vous avez composées. Est-ce que certaines d’entre elles ont été interprétées par d’autres chanteurs que vous ?

Non, ce n’était jamais comme je voulais alors j’ai laissé tomber…

DLODS : Ensuite vous avez beaucoup travaillé comme choriste dans la variété. A l’époque, étiez-vous la seule basse sur le « marché »?

Il y en avait un, mais c’était un très vieux monsieur qui s’appelait Pierre Marret de l’Opéra-Comique, et qui avait la même voix que moi. Alors on a fait connaissance ce qui fait que quand il avait une affaire en double il me la repassait. Mais c’était un pur classique, on ne pouvait pas le mettre dans certains bains, dans certains morceaux de variétés.

DLODS : Au début des années 60, j’imagine que vous avez dû pas mal travailler pour Gilbert Bécaud, qui employait beaucoup de choristes. D’ailleurs, on reconnaît nettement votre voix dans « L’orange »…

Oh oui, Gilbert Bécaud j’en ai fait un paquet avec lui. Je les ai presque toutes faites, dont l’une de ses premières, « Le pays d’où je viens » (il chantonne). J’ai fait « L’Orange », mais ça ne date pas d’aujourd’hui ! « Qui a volé a volé a volé l’orange » (il chante), il y avait là-dedans Janine de Waleyne qui fait cette voix qui s’en va dans le suraigu et qui crie. Pour Bécaud, j’ai même tourné en Allemagne et dans toute l’Europe.

DLODS : Quels souvenirs gardez-vous de lui ? On l’imagine assez exigent et peu facile…


Oh non ! Du moment que vous faisiez le boulot comme il faut alors il était adorable, il était gentil comme tout. J’en garde des souvenirs formidables.




"Charlie, t'iras pas au paradis" de Gilbert Bécaud 
Choristes de gauche à droite: Claude Chauvet, Jean Stout, Annick Rippe, Catherine Garet, Bernard Houdy, Jackye Castan et Juanita Franklin (soliste). 


DLODS : Avec quels choristes partiez-vous en tournée avec lui ?

Il y avait Vincent Munro, un baryton d’origine québécoise. Il arrivait à détimbrer sa voix et à faire des effets, c’est pour ça que je l’avais avec moi. Il est mort, le pauvre. Et puis il y avait un garçon que j’ai fait entrer dans le métier : Olivier Constantin, le fils de Lucie Dolène.

DLODS : Parlez-moi un peu d’Olivier …

Je l’ai fait rentrer dans le bain à la demande de Christiane Legrand. C’est un gentil garçon, vous savez… Et doué !

DLODS : Avez-vous travaillé pour son père, l’auteur-compositeur-interprète Jean Constantin ?

Oui, et il m’a fait avoir la peur de ma vie ! Il m’avait engagé pour l’accompagner à l’orgue Hammond. Un jour il m’a dit « Tiens, tu es déjà monté dans ma voiture ? ». Il avait une Mazeretti. Je lui ai dit « - Non mais tu sais maintenant il faut que j’y aille… » « - Eh bien tu vas y aller, mais tu y seras un peu plus vite ! ». Il m’avait fait grimper dans son avion… Oh lala ! Je me cramponnais à la poignée. Croyez-moi, j’ai eu la peur de ma vie ! J’avais les jambes qui tremblaient en descendant. « Ca t’a plu ? » il m’a dit et je lui ai répondu « Eh bien jamais plus ! ». Il roulait à l’époque à 250, 300 ! Carrément ! A côté les autres avaient l’air d’être en panne ! Mais il avait composé de très belles chansons. Je me souviens de « Tendre Virginie » (il chante).

"Chanson de Delphine à Lancien" (du film Les Demoiselles de Rochefort (1967)) chantée par Anne Germain (Catherine Deneuve/Delphine) et Jean Stout (Jacques Riberolles/Lancien)

DLODS : A l’époque où vous fréquentiez tous ces choristes, vous avez été choisi pour être la voix chantée de l’un des personnages des Demoiselles de Rochefort.

J’ai été engagé au départ par Michel Legrand pour faire partie des chœurs, et puis ils se sont rendus compte que  Jacques Riberolles qui jouait le rôle de Guillaume Lancien chantait comme un pied alors finalement ils m’ont demandé de le faire…

DLODS : Parmi les chanteuses de variétés que vous avez accompagnées, il y a Jeane Manson. On reconnaît votre voix de basse profonde dans les choeurs de « La chapelle de Harlem ». Sur internet on peut voir Jeane Manson la chanter. Elle est accompagnée par une chorale de gospel, mais il semble qu’ils font presque du playback, et que les « vrais » choristes chantent derrière eux.

Oui, je m’en souviens il y avait les Fléchettes (les quatre choristes de Claude François, ndlr). Souvent pour faire bien à l’image on prenait des gens de couleur ou des chorales! Et nous on faisait ce qu’il y avait à faire, mais pas à l’image.

Jean Stout et Dorothée à l'Olympia (avril 1981)

DLODS : En variété, vous avez aussi enregistré au moins deux duos avec Dorothée, et vous avez même joué dans le téléfilm Dorothée au Pays des chansons !

Avec elle j’ai fait tout un tas de choses. Je l’aidais beaucoup car elle n’avait encore jamais fait de shows. Alors Jean-Luc Azoulay m’avait engagé pour faire un personnage très con qui s’appelait Henri Golo. Vachement intellectuel, hein ? Donc j’étais là pour l’aider parce qu’elle faisait du rentre-dedans avec les gosses mais elle ne se rappelait jamais de son texte et avait un trac terrible, alors comme j’étais censé danser avec elle, et que j’ai les épaules larges, je la tenais par la tête et en même temps je lui soufflais son texte dans l’oreille. Il y avait le célèbre « Mademoiselle, une fille qu’est-ce que c’est ? ».

DLODS : Parmi tous les chanteurs que vous avez accompagnés, par qui avez-vous été le plus impressionné ?

Peau de balle, vous me cueillez à froid ! J’ai fait des tours de chant de Jean Ferrat qui avait de très belles chansons mais comme chanteur il n’était pas terrible…

DLODS : Tout comme Janine de Waleyne, vous vous occupiez des régies de choeurs, pouvez-vous nous expliquer en quoi consistait votre travail ?

On  me disait « Jean, demain ou après-demain au studio Barclay, il me faut deux hommes, deux filles et toi » « Et c’est pour quoi faire ? » « C’est pour faire tel style, etc.», et en fonction de ça j’appelais les gens que je connaissais, qui lisaient la musique et qui chantaient juste. C’est ce qui était important.

DLODS : Ca ne devait pas être un rôle particulièrement facile ?

Non ce n’était pas commode. Il y a souvent des filles qui se figuraient qu’en me faisant des avances extrêmement précises elles étaient sûres de travailler !

DLODS : Quelle corvée (rires) ! Et quel est le ou la choriste qui vous impressionnait le plus à l’époque?

Je pense que c’était Danielle Licari (interprète du célèbre Concerto pour une voix, ndlr). Mais elle a fait très peu de doublages, parce qu’elle était sciée à la base par Christiane Legrand. Vous savez, la concurrence était féroce ! C’est avec Danielle que j'avais fait avec Jackie Castan et Olivier Constantin le spectacle de Jerry Lewis quand il était venu à Paris.

DLODS : Jerry Lewis chantait dans ses shows ?

Il y avait plein de chansons avec Jerry Lewis. Il avait demandé à son pianiste de me demander de trouver des chanteurs qui puissent chanter a capella. Pendant que Jerry faisait son numéro, il ne fallait pas bouger, et ensuite on reprenait avec l’orchestre.

DLODS : En fréquentant tous ces chanteurs qui faisaient partie des Swingle Singers, Double Six, etc. n’avez-vous pas été tenté de rejoindre l’une de ces formations ?

Non, ça ne me disait rien.

DLODS : Vous avez quand même chanté au sein d’un groupe vocal de scat qui s’appelait les Jumping Jacques ?

Oui bien sûr ! C’est moi qui faisais le « bododomdom », je chantais le son de la basse électrique. Il y avait Jean-Claude Briodin, très bon pour faire des voix détimbrées, qui chantait les guitares, trois filles qui faisaient les percussions « tchic boum tchic boum », et le restant de l’orchestre.

DLODS : Ca n’a pas marché ?

C’est un groupe qui n’a pas « existé » et qui n’était pas fait pour passer sur les ondes. C’était une opération, un « coup » comme on disait à l’époque. Les Jumping Jacques, c’était Jacques Hendrix qui avait décidé de faire ça. Et Francis Lemarque produisait.

DLODS : En parlant de Francis Lemarque vous avez participé en tant que choriste et soliste à une magnifique œuvre qu’il a composée et qui a été rééditée en disque il y a peu : Paris Populi (1976), aux côtés de nombreux chanteurs (Mouloudji, Serge Reggiani, Nicoletta, Serge Lama, etc.). Enregistriez-vous avec eux ?

Au départ je le faisais avec les chanteurs, et puis après je ne voulais plus car pour certains chanteurs il fallait recommencer dix ou vingt fois pour que ça soit juste alors que moi j’arrivais, crac, et c’était dans la boîte, donc je m’arrangeais pour faire mon truc sur une piste à part…

DLODS : Vous avez aussi participé à un enregistrement étonnant : un disque sur le Général Bigeard !

Effectivement ! Il ne voulait pas, c’est son aide-de-camp qui lui a dit « Mon général ça serait très bien que vous le fassiez » et il disait « Mais j’en suis incapable ! Trouvez moi quelqu’un qui puisse m’arranger le coup ! ». Ils se sont adressés à moi et c’est moi qui faisais la voix de Bigeard! « Bigeard, comme c’est Bigeard » (il imite Louis Jouvet). Alors c’est moi qui imitais sa voix. Et il avait dit « Il est très bien ce garçon, il le fait mieux que moi et il fait mieux moi que moi » (rires) !

DLODS : C’était quoi exactement, des lectures de textes ?

Oui il y avait des lectures de textes qu’il avait écrits lui et puis de la musique militaire, des « garde à vous » et voilà !

DLODS : Entre Francis Lemarque, chanteur proche du Parti Communiste, et le Général Bigeard, il y a de la marge ! Est-ce qu’il vous est arrivé de refuser du travail pour des chanteurs dont les idées ou le caractère ne vous convenaient pas ?

Je n’ai refusé que quand je n’étais pas libre, autrement j’assurais de tous les côtés, vous savez !


Pour lire la suite de l'interview (partie 2/3), veuillez cliquer ici


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lundi 2 mai 2011

Décès de la comédienne Claude Winter

Quelques semaines après le décès d'Elizabeth Taylor et de l'une des ses voix françaises, Nelly Benedetti, je viens d'apprendre par le site Rue du conservatoire le décès d'une autre grande voix française de l'actrice américaine, la comédienne Claude Winter. Entrée à la Comédie-Française en 1953, elle fût l'une des plus grandes comédiennes classiques de sa génération. Résumer une aussi belle carrière théâtrale en quelques mots étant difficile, je vous invite à lire sa biographie sur le site de la Comédie-Française. Comme beaucoup de pensionnaires et sociétaires de la Comédie-Française de l'époque (Bernard Dhéran, Georges Aminel, René Arrieu, etc.), Claude Winter prit part à de nombreux doublages, principalement à ses débuts dans les années 50-60. Elle fût notamment la voix de Janet Leigh dans Prince Vaillant (1954), d'Yvonne De Carlo dans Les Dix Commandements (1956), d'Elizabeth Taylor dans Cléopâtre (1963), Reflets dans un oeil d'or (1967) et trois ou quatre films, mais encore de Lady dans le premier doublage de La Belle et le Clochard (1955)*. Sa disparition est une triste nouvelle pour tous les passionnés de théâtre et les voxophiles passionnés par un certain âge d'or du doublage français... Mes plus sincères condoléances à sa famille.

*: Voxographie sur le Forum Doublage Francophone


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