mercredi 7 décembre 2022

Hommage à Jacques Ciron (1928-2022)

J'ai appris avec une immense tristesse, par sa famille, la disparition ce matin à Paris (20ème arrdt) de mon proche ami Jacques Ciron, figure incontournable du théâtre, mais également très présent au cinéma, à la télévision et au doublage. 

"Voilà comment on écrit l'histoire" : les amis de Jacques Ciron reconnaîtront facilement cette phrase prononcée par Jacques à chaque fois qu'il ponctuait une anecdote, c'est à dire très souvent. L'histoire de Jacques commence le 17 mai 1928 à Paris. Né dans une famille bourgeoise, le petit Jacques assiste à une foule de spectacles étant enfant, tandis que son père prend des cours de piano avec Marguerite Monnot. Dans le billard tenu par son oncle en Champagne, il conçoit des petits spectacles pour les clients et sa famille, et quand on lui demande ce qu'il veut faire comme métier il répond "des déguisements".

Recalé à l'entrée de son cours par René Simon qui le trouve trop jeune et trop chétif, Jacques s'inscrit au Cours Bauer-Thérond, puis suit les cours de Beatrix Dussane et de Maurice Escande, son mentor, dont il arborera souvent le chapeau après la disparition de celui-ci. Il débute alors une carrière longue et immense dans le théâtre, que ce soit du classique, du contemporain, ou du boulevard, où son sens comique (rythme, rupture de tons, expressions du visage, voix inimitable, etc.) et les personnages décalés qu'il interprète (personnages distingués à la Jacques François, et homos extravertis) font merveille.

Jacques dévore les planches aux côtés de Jean Le Poulain, Marthe Mercadier, Jean Marais, Jean-Paul Belmondo, Suzy Delair, Pierre Fresnay et Francis Blanche, avec talent, gentillesse et beaucoup d'humour. Les metteurs en scène dont il garde le meilleur souvenir ont pour nom Christian-Gérard, Raymond Rouleau et Jacques Charon. Jacques assistera ce dernier à la Comédie-Française, et participera en tant que comédien à des tournées de la troupe à l'étranger, mais Charon s'oppose à l'entrée de Ciron comme pensionnaire du Français. Une blessure pour cet amoureux de la maison de Molière.

Jacques chante dans "Attention, je pique" (1959)

A la télévision, il est "bon client" des émissions comme Alors, raconte ou Eh bien, raconte! qui invitent des gens du métier à raconter des anecdotes de tournages et tournées. Il joue dans d'innombrables téléfilms et dramatiques, mais aussi des seconds rôles au cinéma, comme dans Le Cerveau (1969) de Gérard Oury ou Les Ripoux (1984) de Claude Zidi. Son anglais parfait (lorsque James Ivory lui demande où il l'a appris, Jacques répond "In bed, sir!") le fait participer à des tournages en anglais comme Gigi (1958), Sept fois femme (1967), Mayerling (1968) ou Frantic (1988). Il garde un très bon souvenir de Harrison Ford, Peter Ustinov et Omar Sharif.

C'est en jouant au théâtre avec Serge Nadaud que ce dernier lui propose de faire du doublage. Jacques fait ses débuts dans l'un des innombrables films russes doublés à l'époque à la S.P.S. et devient vite un habitué de la synchro, avec sa voix haut perchée, abonnée aux aristocrates et maîtres d'hôtel distingués: Alfred dans les Batman (films et série d'animation des années 90), le Chapelier Toqué dans Alice au Pays des Merveilles (redoublage de 1974), Pompadour dans Babar, Pélinore dans Merlin l'enchanteur (1963), Tim Curry (l'inquiétant clown Grippe-Sou) dans Ca, etc. Ses meilleurs souvenirs de doublage? Meurtre au soleil avec son ami Peter Ustinov, et Zoobilee Zoo, série (introuvable en VF) qu'il a doublée avec Henri Salvador.

Mais Jacques ne vit que par et pour le théâtre, que ce soit sur scène ou dans le public (lorsqu'il ne joue pas, il sort tout le temps applaudir ses camarades, et j'ai la chance, à mes "débuts" à Paris, d'être invité par lui deux ou trois fois par mois au théâtre). Sa mémoire encyclopédique des distributions artistiques et de l'histoire du théâtre, sa passion pour les textes, sa bienveillance pour les acteurs, sont aimés de tous.


Jacques Ciron avec Claude Rollet, Sophie Faguin et Mathieu Serradell (piano) à ma soirée "Dans l'ombre des studios fête son non-anniversaire" (2016)

En 2015 et 2016, il accepte par amitié pour moi de monter une dernière fois sur scène, pour interpréter le Chapelier Toqué (la chanson du "Non-anniversaire" qu'il n'avait alors jamais chantée en public) lors de mes soirées hommages aux voix des doublages Disney. Les représentations sont un pur régal, quant aux répétitions, où le personnage déteint sur l'acteur, n'en parlons pas.

Partout où Jacques passe, il met de l'humour (les nombreux dîners que nous faisons occasionnent toujours un petit sketch qu'il improvise auprès de nos voisins de table), de la poésie, de la classe et sa grande gentillesse.
J'ai une très tendre pensée pour lui, ainsi que pour ses trois fils adoptifs (Denis Laustriat, Jacques Bachelier et Sébastien Saulnier).


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jeudi 24 novembre 2022

Version 2 des "Voix de l'ombre des films de Jacques Demy"

Il y a sept ans, je publiais sur mon blog un dossier sur les "voix de l'ombre" de l'oeuvre de Jacques Demy. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous proposer une version mise à jour et très "augmentée" de cet article grâce à de nombreuses découvertes. Pour la première fois: le listing complet des musiciens des "Parapluies de Cherbourg" et des "Sept Péchés Capitaux", le relevé de voix et le témoignage de choristes américains ayant enregistré la version anglaise des "Demoiselles de Rochefort" (les légendaires Jackie Ward, Sally Stevens, Ron Hicklin, Bob Tebow et Gene Merlino), les paroles originales de "La Fée des Lilas", des photos inédites des séances d'enregistrement, des informations sur les doublages étrangers des "Demoiselles de Rochefort" et de "Peau d'âne", une analyse des orchestrations avec les musicologues Michel Bosc et Michel Laplace, des témoignages rares de chanteurs, comédiens, musiciens, ingénieurs-du-son et copistes, etc.
Dans ce "Les Uns et les Autres" des musiciens et choristes de Michel Legrand, des anecdotes inédites qui vont de la séance d'enregistrement de "Milord" d'Edith Piaf aux séances de "West Side Story", des studios de Barcelone à ceux de Berlin-Est.
Un merci tout particulier pour cette grosse "mise à jour" à Danielle Ajoret, Norbert Aping, Slim Batteux, Mathieu Becquerelle, Alain Bernaud, Olivier Bonnet, Michel Bosc, Jean-Pierre Bouderlique, Philippe Bourdin, Lincoln Briney, Jean-Claude Casadesus, Maurice Cevrero, Olivier Constantin, Rosalie Corraface, Francis Darizcuren, Florence et Liliane Davis, Jean-Michel Defaye, Léa et Jean-Pierre Drouet, Claude Ermelin, Gilles Ermia, Romuald Figuier, Raymond Gimenes, Sylvio Gualda, Fabienne Guyon, Gilles Hané, Ron Hicklin, Jocelyne Janssen, François Justamand, Patricia Kelly, Michel Laplace, Louise Leterme, Jacques Levy, Michel Lorin, Sylviane Mathieu-Mahias, Michel Mella, John et Gene Merlino, Grégoire Philibert, Jacques Revaux, Jimmy Shuman, Sally Stevens, Roger Tallman, Bob Tebow, Iñaki Torre, Rosalie Varda, Kevin et Jackie Ward, etc.

Le lien : http://danslombredesstudios.blogspot.com/2015/11/les-voix-de-lombre-des-films-de-jacques.html

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dimanche 21 août 2022

Interview de Pat Woods (I'm a poor lonesome cowboy)

Ca faisait des années que je cherchais des informations sur sa vie, et un moyen de le retrouver et de le contacter. C'est finalement en trouvant ma reprise confinée d'"I'm a poor lonesome cowboy" sur Youtube, que Pat Woods, interprète original de cette chanson légendaire composée par Claude Bolling pour le film d'animation "Lucky Luke: Daisy Town" (1971), m'a contacté. Pat vivant à Dublin, j'ai eu le grand plaisir de l'interviewer par Zoom ces derniers jours, et d'actualiser cet article sur la musique de Lucky Luke que j'avais écrit il y a deux ans. Plongée dans le milieu folk des 60s et 70s: 
https://danslombredesstudios.blogspot.com/2020/04/video-confinee-n1-im-poor-lonesome.html


Message de Pat Woods aux lecteurs de Dans l'ombre des studios (2022)


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vendredi 22 juillet 2022

Hommage à Bénédicte Lécroart (1954-2022)

Nous avons appris avant-hier avec une très grande tristesse, par l'un de ses proches, le musicien Philippe Gibrat, la disparition de Bénédicte Lécroart ce 19 juillet 2022 à Bobigny, des suites d'une longue maladie. Chanteuse et comédienne, voix entre autres de Belle dans La Belle et la Bête, Bénédicte était une magnifique interprète et une belle et lumineuse personne, professionnelle, humble, discrète, pleine de gentillesse et de douceur. Elle avait participé plusieurs fois, avec une grande générosité, à des événements que j'avais organisés. Le 14 octobre 2016, de passage dans mon quartier, nous avions fait un petit entretien. 



Bénédicte Lécroart naît le 5 novembre 1954 à Paris. "Ma mère chantait tout le temps, c'était un robinet à musique. Elle avait été guide scout, une jeannette. Avec mon père, elle a découvert le chant choral, l'un commençait à chanter, et l'autre chantait l'harmonie. J'ai appris à chanter dans le ventre de ma mère."
Bénédicte chante des couplets en soliste à l'âge de sept ou huit ans, apprend la guitare pour s'accompagner, puis chante chez les scouts. "J'étais une grande timide, ce n'était pas évident, mais je maîtrisais ce que je faisais car c'était naturel, je ne me posais pas de questions."
Parallèlement, elle prend des cours de piano au conservatoire de Bourg-la-Reine.
Elle se passionne pour le répertoire folk: Joan Baez, Bob Dylan, Peter, Paul & Mary, etc. "A la guitare c'était facile à reproduire".


Bénédicte Lécroart et Phil Fromont en 1977

Après son bac, passé tardivement, en 1974, elle étudie la musicologie à la fac de Vincennes, et fait partie de nombreux groupes folk français (Pichtogorn, Plumes & Goudron, Fiddlededee, Morrigane, etc.), et devient progressivement professionnelle. Sa première télévision date du 27 décembre 1977, un spécial Folk et Folklore français, en duo avec Phil Fromont.  

Elle enchaîne ensuite, dans les années 80, les groupes de rock, de bals, et de jazz, chantant avec de nombreux big bands et remportant en 1989 le prix de la meilleure soliste au festival de jazz de La Défense. "A chaque fois qu'on me proposait d'apprendre de nouvelles choses, j'étais toujours partante." 


Bénédicte Lécroart en répétition au Festival de jazz de Creil en 1988

Les choeurs pour des chanteurs de variétés, sur scène et en studio, sont en revanche arrivés plus tard. "Je chantais au Club Twenty-One, un restaurant avec une salle de spectacle, où il y avait une formation piano, basse, batterie, et chanteuses. Comme c'était en face de l'Olympia, les musiciens qui jouaient à l'Olympia venaient souvent y boire un coup. Léonard Raponi (bassiste et arrangeur, ndlr) m'y a repérée et m'a dit qu'il faisait un groupe de reprises de Toto, Huey Lewis, etc. avec une section de cuivres super. Ils avaient une chanteuse qui ne pouvait pas faire toutes leurs dates et qu'ils devaient remplacer. J'ai appris tout le répertoire, et c'était un vrai bonheur. On a joué dans quelques endroits. Comme Léonard a été chef d'orchestre de plusieurs chanteurs, il m'a demandé d'être choriste, d'abord pour Sheila, avec Sophie Walter. J'ai commencé à faire du studio, des pubs, des maquettes de pubs et de chansons, c'était un très bon exercice, et on rencontre beaucoup de gens."

Bénédicte Lécroart (perruque brune) accompagne Gilbert Bécaud 
"Charlie t'iras pas au paradis"


Ayant "repéré" Bénédicte dans un "Charlie t'iras pas au paradis" de Gilbert Bécaud, où elle porte une perruque improbable, je lui demande d'évoquer cette télévision: "Un jour, Léonard Raponi m'appelle. Les musiciens de Gilbert Bécaud venaient de répéter pendant un mois, la choriste noire qui devait chanter le solo de "Charlie t'iras pas au paradis" était partie et il me demandait de la remplacer pour ce solo et d'apprendre tout le reste du répertoire, huit jours avant la première de ces trois semaines de concerts à l'Olympia, avec deux spectacles en alternance: le rouge et le bleu. Je connaissais la chanson, que j'avais entendue étant gamine, mais j'arrive tremblante et intimidée à la répétition, car ça ne faisait pas longtemps que je faisais des choeurs. On m'avait dit "Ce n'est pas compliqué, il faut hurler" (rires). Je l'ai fait, Bécaud s'est retourné vers les musiciens avec le pouce en l'air, et deux jours avant l'Olympia, on est allé faire cette télé, j'étais morte de trac. Il m'avait payé une perruque, je ne sais pas comment tu as fait pour me reconnaître (rires). Il m'avait demandé de saluer, il était très directif, savait ce qu'il voulait. On apprend énormément avec quelqu'un comme ça. Un compositeur, interprète, homme de scène. Il a l'oeil sur tout, l'éclairage, la mise en scène. Il avait énormément de recul et de présence, et la salle le suivait en un claquement de doigt. Un homme impressionnant. Un guerrier, avec une main de fer, mais un peu à l'ancienne. Le premier soir de l'Olympia on avait chacune un petit bouquet dans notre loge "avec tous mes compliments". J'ai fait d'autres choeurs avant ou après, je n'ai jamais eu ça. Vraiment sympa. Il savait s'effacer pour mettre en valeur ses choristes et musiciens. Alors que pour accompagner Elsa, j'avais une chemise blanche, on m'a dit que je bougeais trop, et on m'a mis dans l'ombre."

Bénédicte accompagne Sheila pendant vingt ans (plusieurs albums et tous les Olympia, jusqu'en 2009), Elsa, Patricia Kaas (plusieurs télés, promo de l'album Entrer dans la lumière en France et en Europe), plusieurs Taratata avec Fred Blondin, Sylvie Vartan, Native, etc. 


Sheila accompagnée par Bénédicte Lécroart, Gilles Morvan (choeurs) et Manu Chambo (piano) dans "L'écuyère" en 2008

Parallèlement à ses débuts de choriste, elle enregistre beaucoup de covers (disques de reprises), principalement pour Pat Benesta (pseudonyme de Patrick Oliver): "J'ai notamment chanté un titre de Céline Dion en duo avec Olivier Constantin. Ces covers, c'était plus ou moins illégal, ça se vendait dans les stations services. Il fallait imiter les voix originales, c'était quelque chose que je savais faire lorsque je chantais pour les bals, les mariages juifs, etc. C'est par ce biais là que Jean-Claude Corbel m'a proposé de passer l'audition pour La Belle et la Bête (1991)."

"Pour La Belle et la Bête, à l'époque, il n'y avait pas cette politique de prendre des gens connus. L'audition s'est passée en trois fois sur le chant -Laurence Saltiel et moi étions finalistes-, puis sur le "speak" comme on dit en doublage. J'adorais jouer la comédie, mais en amateur complet. Je n'avais jamais fait de doublage parlé. On a trouvé que je jouais la comédie suffisamment, mais les pauvres ont dû ramer au montage d'autant qu'à l'époque on découpait les bandes aux ciseaux. C'était une super expérience, mais ce qui m'a le plus plu, c'était le jeu. J'étais très bien dirigée par Bruno Lais, ça s'est bien passé entre nous, j'en garde un bon souvenir. Par contre j'enregistrais seule, j'étais frustrée, mais c'était peut-être mieux comme j'étais débutante. C'était assez perturbant d'entendre la voix anglaise de la Bête dans le casque pour vous répondre. On a eu droit à une projection privée à la fin du doublage, et c'est comme ça que j'ai rencontré Emmanuel Jacomy (voix de la Bête). Pour les chansons, j'avais travaillé ça avant, je n'avais que trois chansons, et on a fait ça en une journée. Par contre les dialogues, on a fait ça sur plusieurs jours, j'ai eu le temps de m'améliorer un peu entre le début et la fin."


Bénédicte Lécroart chante un medley La Belle et la Bête le 16/03/2015
avec Julien Mior, Vincent Gilliéron, Lauren Taylor Berkman, Lauren Van Kempen, Quentin Bruno (voix et choeurs), Mathieu Serradell (arrangement et piano).
Production et présentation: Rémi Carémel / Dans l'ombre des studios
(soirée "Dans l'ombre des studios : Mélodie Cocktail" à L'Auguste Théâtre)

Bénédicte Lécroart est ensuite appelée pour doubler les suites, jeux vidéos, etc. "Cette fois-là, je croisais mes partenaires. Les dessins animés c'est toujours jouissif, amusant. Pour un enregistrement de Holiday on Ice, vingt ans après, on m'a demandé de refaire Belle. Avec l'âge c'est compliqué de conserver son timbre de voix, chez les femmes, et même chez les hommes -le seul dont la voix n'a pas bougé depuis ses débuts, c'est Cabrel. Alors, pour retrouver la voix de Belle, j'ai trouvé un moyen de rajeunir ma voix, en la prenant par le haut. A part à ton spectacle (soirée "Dans l'ombre des studios: Mélodie Cocktail" en mars 2015, ndlr) je n'ai jamais chanté Belle sur scène. On m'a proposé de participer au spectacle à EuroDisney, mais j'habitais trop loin, c'était trop compliqué."

Le timbre de Bénédicte, doux et naturel (je lui disais qu'elle était le "trait d'union" générationnel entre Anne Germain et Rachel Pignot), sans "tic" de chant, presque intemporel, fait qu'elle est souvent appelée pour participer à des redoublages de vieux Disney. Dès ses débuts, Georges Costa la fait chanter dans les nouvelles versions françaises de Peter Pan (voix chantée de Wendy et soliste générique, 1992), Coquin de printemps (voix chantée de la harpe enchantée, 1992), Bambi (voix chantée de Féline, 1993), etc. "Dans Peter Pan, c'était assez court. Par contre, pour les suivants, les films d'animation Clochette (dirigés par Claude Lombard), je me suis régalée. Je fais de la musique irlandaise et les chansons étaient interprétées en V.O. par des chanteuses spécialisées dans la musique celtique, et c'était très agréable pour moi, car dans l'esprit irlandais."

Bénédicte Lécroart chante "Je chante pour toi" de Bambi le 16/03/2015
avec Mathieu Becquerelle, accompagnée au piano par Mathieu Serradell.
Production et présentation: Rémi Carémel / Dans l'ombre des studios
(soirée "Dans l'ombre des studios : Mélodie Cocktail" à L'Auguste Théâtre)

A partir du début des années 90 jusqu'en 2012, on l'entend assez régulièrement dans des doublages: la saga Le Cygne et la Princesse (voix chantée de Juliette, dont elle avait également fait un titre pop religieux), Joseph le roi des rêves (voix chantée d'Asenath), Excalibur l'épée magique (voix chantée de Kayley), Winnie l'ourson (soliste du film d'animation de 2011), La Belle et le Clochard 2 (voix chantée de Lady), etc.

Un bon souvenir: Sacré Robin des Bois (1993). "C'est une comédie de Mel Brooks. Lady Marianne prend son bain et chante une chanson. Les frères Costa me l'avaient fait enregistrer chez eux dans leur home studio. C'est un écrin pour les chanteurs, avec un son super dans le casque, on voit que c'est un studio qui a été fait par des chanteurs. J'ai adoré, j'ai un souvenir très sympa pour ça. J'ai fait par la suite beaucoup de doublages avec Georges et Michel Costa, c'est un vrai plaisir de travailler avec eux."

Autre bon souvenir: "Sur Happy Feet 2, au moment de l'enregistrement des choeurs, l'un des animateurs de La Belle et la Bête est venu en studio. C'était très émouvant de le rencontrer."

En dehors de son personnage de Belle, on ne propose pas à Bénédicte d'autres personnages parlés, le doublage parlé et le doublage chanté étant assez cloisonnés. Expérience à rapprocher d'Olivier Constantin et de L'Étrange Noël de Monsieur Jack. A propos de ce film (pour lequel elle est créditée par erreur au générique de la VHS): "J'avais passé les essais pour le rôle de Sally mais je n'ai pas été prise, ils cherchaient des gens un peu connus, et avaient pris une chanteuse, Nina Morato, qui chantait "Je suis la mieux". J'avais aussi passé les essais pour Pocahontas. C'est Laura Mayne de Native, qui a été prise. Je l'avais accompagnée comme choriste sur des télés pour une chanson, "Tu planes sur moi", elles avaient fait les choeurs en studio mais on était six choristes lors de télés et c'était super sympa." 


Bénédicte Lécroart et Faolan en 2011

Ces vingt dernières années, Bénédicte est principalement active au sein de formations jazz (principalement le Five O'Clock Jazz Group) et de groupes de musique traditionnelle irlandaise (notamment Faolan) co-créés avec son compagnon, le guitariste et bouzoukiste Philippe Hunsinger. 

Si elle est flattée par l'attention que lui portent les fans, répond toujours avec beaucoup de gentillesse aux sollicitations, etc. elle reste très discrète, "dans l'ombre des studios", éloignée de la lumière et des réseaux sociaux, fidèle à l'esprit artisanal de la musicienne folk de ses débuts.

Envolés "dans le bleu de l'espace", sa voix, son regard, son sourire, pleins de douceur et de lumière, vont énormément nous manquer.


"Plus loin que dans mes rêves" du film Le Cygne et la Princesse (1993)
chanté par Bénédicte Lécroart et Michel Chevalier


Message reçu de Georges Costa (directeur musical): "Bénédicte restera dans nos têtes et nos coeurs à jamais. C'est le plus joli timbre de voix que je connaisse et je ne suis pas le seul: pendant les enregistrements pour Disneyland Paris, le directeur artistique américain avait été surpris et enchanté dès qu'il l'avait entendue et m'avait dit "This is the prettiest voice I've ever heard". Repose en paix, Bénédicte. Et merci pour elle, Rémi. Très bel hommage, très complet, j'ai appris plein de choses."


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samedi 2 avril 2022

Hommage à Georges Blanès (1928-2021)

Alors que la saison se prête à chanter « Le Printemps » de Michel Fugain, j’ai la tristesse de vous faire part de la disparition de son co-compositeur, Georges Blanès, talentueux musicien, chanteur, comédien, voix chantée de Marc Michel dans Les Parapluies de Cherbourg, de Michel Piccoli dans Les Demoiselles de Rochefort et Une chambre en ville, et collaborateur artistique du Big Bazar de Michel Fugain. Il s’est éteint le 14 décembre 2021 dans une maison de repos à Vaucresson, et si mon amie Marie-Silvia Manuel qui l’y avait rencontré en y faisant un concert en octobre dernier ne l’avait pas appris récemment par la direction de l’établissement  (information confirmée par les archives de l'INSEE), je ne l'aurais peut-être jamais su.

Pour ma part, j’avais rencontré Georges Blanès dans son studio de la Marina Baie des anges (son épouse, la chanteuse Lucette Raillat, vivait dans le même immeuble, dans un autre appartement) de Villeneuve-Loubet le 8 août 2015. Au départ assez réticent à l’idée de se plonger dans son activité artistique passée, il ne m’avait accordé qu’un très court mais très sympathique entretien. Pour lui rendre hommage j'ai choisi de me replonger dans l'enregistrement de celui-ci, et de demander à Michel Fugain, Françoise Fabian, Jean Claudric, Alice Herald et Fabien Ruiz d'apporter quelques témoignages et anecdotes. Qu'ils en soient remerciés, ainsi que Marie-Silvia Manuel, Georges Costa, Serge Elhaïk et Gilles Ramage.


« On trouve déjà pas mal de choses sur moi sur internet, je ne sais pas trop ce que je peux vous apprendre de plus ». Et pourtant…
Georges Blanès naît le 18 juillet 1928 à Cherchell en Algérie. Il fait ses débuts comme chanteur dans l’orchestre de l’Hôtel Aletti, un palace d’Alger. « J’y suis resté jusqu’à l’âge de vingt-quatre ans »

Arrivé en France, Georges signe un contrat de chanteur soliste chez Polydor et fréquente le célèbre « marché aux musiciens » Place Pigalle. Tous les musiciens se retrouvent dans le quartier et les chefs d’orchestre font leur marché pour des remplacements, galas, etc. « A l’époque, j’étais surtout accordéoniste, clarinettiste, saxophoniste et chanteur. J’ai été repéré au marché des musiciens par Louis Vola, contrebassiste du Hot Club de France. Il avait l’affaire du Pré Catelan, un restaurant au Bois de Boulogne. Il m’a dit qu’il cherchait un batteur. Comme je touchais à tout, j’ai dit banco. Tous les soirs, il y avait je crois le Shah d’Iran, qui voulait que je chante le même air, et il me remerciait en me faisant passer un pourboire de cinquante balles par le maître d’hôtel. Je ne suis resté pas longtemps, ça a duré cinq mois, en 1957.»

Georges Blanès chante "Rio" en décembre 1956

Au Pré Catelan, Georges Blanès est repéré par le patron du Moulin-Rouge et de la Nouvelle Eve, qui lui propose d’être meneur de revue. Il passe une audition dirigée par Armand Migiani (alors chef d’un orchestre de neuf musiciens à la Nouvelle Eve) qui est validée et devient donc en 1958-1959 meneur de revue d'abord à la Nouvelle Eve, puis pendant sept mois au Casino du Liban (à Jounieh) avec la revue du Moulin-Rouge. 

En parallèle, de sa belle voix chaude de baryton, très crooner, il continue sa carrière discographique, alternant adaptations de chansons américaines, chansons "typiques" ou orientales, et un répertoire de chansons à texte plus personnelles. Passé chez Decca, Georges Blanès devient Blaness. Je n'en connais pas la raison, mais on peut présumer que, les règles orthographiques de l’époque faisant que les majuscules n’étaient jamais accentuées, son nom noté BLANES sur les pochettes de disques était parfois prononcé « Blane » par erreur, et lui ou sa maison de disque avaient préféré doubler le « s » final pour éviter les erreurs de prononciation. 

Si Armand Migiani fut l'un de ses premiers arrangeurs, le chef d'orchestre Jean Claudric ne tardera pas à travailler avec lui. Jean se souvient : "Je l’ai connu à Alger. J’étais pianiste de septembre 1952 jusqu’en septembre 1955 à Radio Alger, et Georges venait parfois chanter là-bas dans les émissions publiques présentées par Jacques Redson et Jacques Bedos, oncle de Guy. Je suis venu à Paris et on s’est revu. Un jour, il me dit : "j’ai fait une tournée avec Lucette Raillat, on est tombé amoureux l’un de l’autre, et elle cherche un pianiste, est-ce que tu serais libre pour l’accompagner" ? Ca a commencé comme ça et ça duré plus de quatre ans de tournée avec Lucette et Georges, c'étaient mes grands copains. Georges avait un timbre de voix magnifique. A la Villa d'Este, il y a très longtemps, il avait chanté l'une des chansons que j'avais composée, "Ma musique est mon amie", et il avait également chanté dans une opérette de mon ami Francis Lopez. Je garde des souvenirs fabuleux de ce grand artiste, et je suis très peiné d'apprendre sa disparition."

En tant que chanteur, Georges Blanès monte également un groupe vocal anonyme (Les Marines, avec Billy Nencioli et Nicole Croisille), participe à des séances de choeurs (il m'avait raconté que notre ami Jean-Claude Briodin lui avait fait faire un remplacement chez les Double Six et l'avait fait participer à pas mal de séances de variétés), des enregistrements de publicités, de disques de covers (sous pseudonyme) ou des doublages. "J'ai fait pas mal de doublage chanté avec les frères Tzipine, mais je ne me souviens absolument pas des titres, et n'ai conservé aucun papier. Ma femme en revanche, Lucette Raillat, chanteuse, qui a été vedette plusieurs fois à Bobino, en a fait pas mal, avec sa grande copine Lucie Dolène et leurs voix haut perchées."

A propos des publicités, Alice Herald se souvient: "A une époque, c'était la mode pour les compositeurs français de faire des séances d'enregistrement à Londres, avec des musiciens anglais. Nous étions allés enregistrer à Londres des publicités avec notamment Anne Germain, José Germain, Jean-Claude Briodin et Georges Blanès. Georges nous faisait beaucoup rire en faisant exprès de parler anglais avec l'accent pied-noir. Je l'entends encore, répondant à la cabine qui nous demandait "Are you ready?": "Je suis rrready!"".

Les rôles les plus marquants de Georges Blanès sont peut-être des rôles de l'ombre : ceux de mythiques personnages des films de Jacques Demy.
"Je n'avais encore jamais vraiment travaillé avec Michel Legrand et j'ai été appelé pour auditionner pour la voix chantée de Marc Michel (Roland Cassard) dans Les Parapluies de Cherbourg (1963). Il y avait du monde qui voulait chanter Les Parapluies, on était nombreux lors de l'audition. J'ai été retenu. J'avais une voix et je lisais la musique, donc ça s'est bien passé avec Michel, il disait "Ca y est les petits? A vous!" et on y allait. Après la sortie du film, j'ai enregistré "Ne fais pas comme", une chanson dont ma femme a écrit le texte et moi la musique, et qui commence par « Mon amour, je suis allé au cinéma, voir un film d’amour, Les Parapluies de Cherbourg ». Michel a écrit de très jolis mots au verso de la pochette de disque, je pourrais vous les faire lire mais je n'ai gardé aucun disque et aucune photo".

Georges Blanès chante "Ne fais pas comme" (arrangement pour une émission radio de 1967)

Les autres Demy s'enchaînent: Les Demoiselles de Rochefort (voix chantée de Michel Piccoli / Simon Dame, avec qui Georges avait fraternisé et dont la fille a rejoint plus tard le Big Bazar). "Avant j'étais baryton, maintenant je suis baryton-basse, je chante la chanson de Simon une octave en dessous". Il solfie l'air de la célèbre chanson (cf. extrait audio ci-dessous).

Georges Blanès solfiant la "Chanson de Simon" lors de notre interview (8/08/2015) avec le rire idiot de votre serviteur en prime
&
"La Chanson de Simon" (voix chantée: Georges Blanès) extraite du film Les Demoiselles de Rochefort (Jacques Demy, 1967)

Puis Peau d'âne (voix chantée d'un paysan dans "Les insultes": "La veille m'a dit sur l'heure, etc.", rôle pour lequel il n'était pas crédité, que j'ai pu identifier grâce à sa petite pointe d'accent pied noir et qu'il a pu me confirmer à l'écoute) et Une chambre en ville (voix de Michel Piccoli / Edmond, musique de Michel Colombier pour un film entièrement chanté). Dans ce dernier film, il joue également un rôle à l'image (le chef des C.R.S.).

Et le théâtre, dans tout ça? "J’étais très ami avec le metteur en scène et comédien Robert Manuel, Lucette et moi habitions Neauphle-le-Château pas loin de chez Claudine Coster et lui. Il me propose un rôle dans La Maison de Zaza au Théâtre des Nouveautés, on a joué six mois là-bas, puis au Théâtre des Variétés, c'est comme ça que je me suis lancé dans le théâtre."
Georges se mélange un petit peu dans les dates, La Maison de Zaza a été montée 1971 et il a déjà à l'époque pas mal de pièces à son actif, notamment avec ses amis pieds-noirs Philippe Clair, Marthe Villalonga, etc.
Françoise Fabian se souvient: "J'ai joué avec Georges Blanès dans La Parodie du Cid d'Edmond Brua, la pièce était une parodie du Cid dont l'histoire se passait à Alger. Elle était écrite en pataouète, une vraie langue, qui s'est perdue, venue du milieu populaire de la casbah arabo-française (personnellement ma famille ne la parlait pas), mélange à la fois de français, d'arabe et d'espagnol. Edmond Brua l'avait écrite en alexandrins, j'ai le disque, qui est très rare. C'était à Bobino en 1964, la générale avait été extraordinaire, la salle était debout. Je jouais "Chipette" (Chimène) et Georges Blanès jouait Alphonse, l'un de mes amoureux. Je n'ai pas eu l'occasion de le revoir beaucoup dans ma vie, mais c'était un être exquis, charmant, et un excellent et efficace comédien, qui avait du talent, on s'est beaucoup amusés. C'est une partie de ma vie..." 

Georges Blanès est très marqué par cette identité pied-noir. On raconte même que l'acteur Bruno Carette (membre de la troupe des Nuls), neveu de Georges Blanès (il fit d'ailleurs un passage dans le Big Bazar à ses débuts), se serait inspiré de son oncle dans ses personnages de pieds-noirs, en particulier Zeitoun, le cuisinier d'Objectif Nul (1987).
Les metteurs en scène et réalisateurs de cinéma et télévision en profitent pour faire jouer à Georges des rôles qui vont du pied-noir... à de multiples princes bédouins et cheiks. "Je parle arabe, je l'ai étudié au lycée. J'ai beaucoup tourné dans des films de Philippe Clair, des horreurs comme "Rodriguez au pays des merguez", "Plus beau que moi, tu meurs" ou "Par où t'es rentré? On t'a pas vu sortir". C'était alimentaire, mais je l'aime bien, et on se voit toujours quand il rend visite à sa première femme qui vit dans le Var. A chaque fois je viens chez eux et il s'écrit "Mon Jojo! Tu es encore vivant!" (rires). Quand je lui dis que pour "Par où t'es rentré? On t'a pas vu sortir" (1984) une anecdote relate que Jerry Lewis se serait trompé en acceptant de tourner le film, pensant tourner avec René Clair au lieu de Philippe Clair, il me répond: "Je pense que c'est une histoire inventée, Jerry Lewis savait très bien pour qui il tournait, il avait besoin de travailler. Il était venu un mois et demi. Philippe lui envoyait une voiture pour le chercher à son golf, il arrivait sur le plateau en disant "One "prise", please!". Il n'accordait qu'une prise, et il fallait faire avec..."

Un autre souvenir cinématographique: "J’avais composé et joué à l’accordéon la musique d’un film « Va mourire » (sic) de Nicolas Boukrieff, il y a notamment une valse que je joue et chante à celle qui joue ma fille dans le film. C'était très joli, on était tous très ému sur le plateau. Ma nièce a retrouvé le morceau sur internet, ça m'a fait plaisir. Aujourd'hui, j'ai arrêté la clarinette et le saxophone pour des raisons de santé, mais je joue parfois de l'accordéon jazz, un peu comme Galliano, avec des copains du conservatoire d'Antibes, et du clavier, pour ne pas perdre la main."

Chanson composée, interprétée (chant et accordéon)
par Georges Blanès dans le film Va mourire (1995)

Autre aspect important de la carrière de Georges Blanès, on le retrouve dans de nombreuses opérettes et comédies musicales, sur scène ou pour la télévision ("Elle court, elle court, l'opérette"), telles que Vincent et Margot sur la vie de Vincent Scotto ("Jackie Sardou avait été odieuse, et Paul Préboist s’était fâché avec elle"). Avec ses amis chanteurs d'opérettes, il monte un quatuor vocal: Les Poivre et Sel.
"A l'origine, je chantais dans une revue de la Tour Eiffel avec Francis Linel, Jacqueline Danno, Caroline Cler, etc. J'ai proposé à Francis de monter un groupe, et lui ai dit "pour le titre, laisse-moi faire" et j'ai eu l'idée des Poivre et Sel. Francis n'était pas musicien, il était obnubilé par la danse. On a travaillé à deux, monté un quatuor avec Dominique Tirmont et Robert Piquet, puis grâce à Madame Bismuth qui était la directrice du Big Bazar, on a fait les enregistrements avec des arrangements de Tony Rallo."
Lorsque je lui dis que les choeurs, plus mis en valeur que les voix du quatuor, sont très jeunes, proches du son des frères Costa, Georges Blanès sourit: "En effet, ce sont Francis Linel, Michel et Georges Costa et moi qui faisions les choeurs, et Dominique et Robert qui avaient des voix trop lyriques n'étaient là que pour les soli et l'image lors des télévisions, ils n'ont pas participé au disque." 
Tandis que des boys-band se sont montés avec des jeunes "doublés" par des choristes studio plus âgés, les Poivre et Sel étaient l'inverse: des quinquagénaires (d'où le "poivre et sel") à l'image doublés par de jeunes choristes. 
Avec Francis Linel, Georges Blanès continue l'aventure Poivre et Sel à deux pendant six ans, jusqu'en 1991: "C'était très sympa, on s'est bien entendu avec Francis, mais on faisait trois cabarets, L'Orée du Bois, L'âne rouge et La Belle Époque, dans une même soirée. A l'âge de la retraite, chanter pour des gens qui vous tournent le dos pendant le dîner-spectacle, ce n'est plus possible."

Les Poivre et Sel (chantant avec leurs vraies voix) en 1982

En parallèle de sa carrière de chanteur et comédien, Georges Blanès ne cesse de composer pour lui-même et pour les autres, avec pour paroliers son épouse Lucette Raillat, Billy Nencioli, Michel Rivgauche, Michel Jourdan, Jean Schmitt, etc. et comme co-compositeur Michel Fugain.
Ses chansons sont notamment interprétées par Annie Philippe (le tube sixties "Pas de taxi"), Frank Alamo, Petula Clark, Lucky Blondo, etc.
Fabien Ruiz (claquettiste et chorégraphe du film oscarisé The Artist) : "Je me souviens avoir rencontré Georges Blanès lorsque j'étais enfant dans les années 1960-70. Il venait dîner à la maison car mon père, Michel Rivgauche, avait écrit plusieurs textes de chansons pour lesquels il avait composé les musiques: “Il en Est“ (Fernandel), “Mon Livret“ (John William), “Le Souffleur de Verre“ (Annie Philippe)... Mon père, qui avait été lui aussi musicien, chanteur et fantaisiste, l'appréciait énormément, tant sur le plan artistique que humainement. Je me souviens de beaucoup de rires lors des dîners. L'annonce de la venue prochaine de Georges Blanès et Lucette Raillat chez nous mettait tout le monde en joie dans la maison ! Pour Lucette Raillat mon père avait écrit “La Pension Beauséjour“."

C'est grâce à Michel Fugain que Georges Blanès va mettre une corde supplémentaire à son arc: directeur artistique. Georges Blanès: "J'ai connu Michel Fugain aux Nouvelles Éditions Barclay à la fin des années 60, et nous avons eu de suite des rapports très amicaux. Plus tard, il m'a demandé de m'occuper de superviser les tournées et les enregistrements du Big Bazar. On tournait plusieurs mois dans l'année sous un chapiteau, avec des camions, etc. et il y avait un bureau aux Champs-Elysées qui nécessitait six employés à plein temps. Nous avons co-signé plein de chansons ensemble dont Le Printemps, Comme un soleil, l'hymne des Jeux Olympiques d'hiver de Grenoble en 1968, etc. J'ai aussi participé aux séances de choeurs, on me disait souvent "Georges, recule!" comme on entendait bien ma voix. Il y avait une chanteuse très douée dans l'équipe, Valentine Saint-Jean. Michel prend de mes nouvelles de temps en temps, et passe me voir quand il revient de Corse."

Pour conclure cet hommage à Georges Blanès, décédé le 14 décembre 2021 à Vaucresson, j'ai demandé à Michel Fugain d'évoquer pour nous son ami et sa collaboration avec lui. Il a accepté avec beaucoup de gentillesse cet entretien téléphonique:

Dans l'ombre des studios: Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Georges Blanès?
Michel Fugain: J'ai connu Georges bien avant le Big Bazar. On s’est rencontrés aux Nouvelles éditions Barclay, où il avait ses habitudes, et moi les miennes. Au bout d’un couloir, il y avait une pièce réservée aux créateurs, ça existait peut-être dans d'autres maisons d'édition mais je ne connaissais ça que là-bas. Dans cette pièce, il y avait un piano, une guitare et un revox. J’arrivais vers 10h30-11h, Georges lisait son courrier, passait ses coups de fil, on commençait à déconner et on y passait nos journées, avec Michel Jourdan et Jean Schmitt. On était quatre quasiment tout le temps dans cette pièce, de 1966 à 1968. On s'était baptisé les Incorruptibles et on faisait plein de chansons -dont quelques merdes (rires)- à flux tendu. Il y avait une sorte de "gentleman agreement" entre nous,  dès qu'il y en avait une qui avait une gueule de chanson, quelqu'un venait l'écouter, nous proposait de la présenter à untel et untel, etc. Et à partir du moment où on la chantait ensemble au moment de la création, on la co-signait. Dans ce lieu de travail, où beaucoup d'artistes passaient pour travailler et déconner, personne ne nous jetait. J'étais au début de ma vie musicale, j'avais le sentiment d'être dans le métier, pour un jeune mec comme moi c'était important. C'était une époque bénie où on travaillait tous ensemble, maintenant on ne côtoie plus personne, ça a disparu.
Notre cantine, c'était le Lamartine, rue de Miromesnil. Notre amitié, très forte, a débordé sur nos vies personnelles. Georges habitait à Neauphle-le-Château, j’y suis allé avant d’avoir une maison dans la Vallée de Chevreuse, il y avait chez lui sa femme Lucette Raillat qui était un personnage très particulier, qui avait un abattage incroyable. Elle avait fait un tube dans sa vie « C’est la môme aux bou-tons, tons… ». Cette chanson m’a toujours fait rire. 
Ensuite, j'ai monté ma propre maison d'édition, Le Minotaure, en 1968 avec ma collaboratrice, Rolande, qui était l'ancien bras droit de Gilbert Marouani aux Nouvelles éditions Barclay, j'ai été happé par la tâche du Big Bazar, et j'ai un peu perdu de vue Georges pendant quelques temps, on se voyait moins.


Lucette et Georges chantant en duo en 1980

Dans l'ombre des studios: Vous avez quand même continué à co-composer ensemble ponctuellement ("Comme un soleil", etc.) puis un jour, il a été contacté par vous et votre associée, Madame Bismuth, pour s'occuper des tournées du Big Bazar...
Michel Fugain: C'est amusant qu'il vous ait nommé Rolande "Madame Bismuth", mais c'est vrai qu'elle le vouvoyait. Georges était libre, mais il l'a toujours été. Un jour il passe au bureau, on préparait une tournée, et elle lui dit "Pourquoi ne feriez-vous pas la régie du Big Bazar?". C'était un barnum, un chapiteau dans lequel il fallait tout gérer. Il l'a fait magnifiquement, avec un esprit tellement pointu, il fait rigoler tout le monde. Un pied-noir avec une verve, une faconde pied-noir, délicieux à vivre, à côtoyer, je parle de lui au présent, formidable. C'est un très bon musicien, un mec à idées, très enthousiaste. Ca été un bonheur d’être son ami et de le côtoyer. J’étais content comme tout qu’il soit sur le tournée du Big Bazar. On travaillait huit mois sur la route par an. Le plaisir de ma vie. On fait une fois ça dans sa vie, mais pas deux ! (rires)

Dans l'ombre des studios: Il participait parfois aux choeurs des enregistrements studio du Big Bazar. Comme on entendait bien sa voix... il me disait qu'on lui demandait de s'éloigner du micro (rires).
Michel Fugain: Il chantait comme un malade, une vraie voix de basse, excessivement bien timbrée, donc dans les choeurs il y est tout le temps, je l'entends très bien. Ce n'est pas un hasard s'il chantait avec nous, sa voix avait une vraie utilité car elle mettait du grave là où il y avait pas mal de filles, ça rétablissait la balance.

Dans l'ombre des studios: Faisiez-vous parfois appel à des choristes professionnels pour les enregistrements studio du Big Bazar, en renforts de votre équipe?
Michel Fugain: Surtout pas car je ne voulais pas que ça chante comme des choristes, avec des voix légères et factices, mais comme des gens normaux, comme une troupe. 

Dans l'ombre des studios: Il devait donc y avoir pas mal de travail pour arriver à cette qualité de chant.
Michel Fugain: Oui, car à la base le Big Bazar c'était une bande de ringards qui ne dansaient et chantaient pas (rires). On travaillait quatre heures par jour, de 20h à minuit, au quatrième étage de l'Olympia. C'était une grande salle de danse dont Bruno Coquatrix ne pouvait rien faire car il y avait un bout de plancher abimé donc strictement interdit par les assurances, on avait mis un piano immonde par-dessus, et on est resté pendant sept ans gratuitement dans cette salle chauffée. On peut dire que Bruno Coquatrix a été notre mécène. Plein de gens venaient répéter, faire de la barre au sol, etc. Daniel Russo -on en reparlé il y a peu tous les deux dans Vivement dimanche! de Michel Drucker-, France Gall, Bernard Giraudeau, etc. 
Les auditions avaient lieu le vendredi, dans cette même salle, et Georges y assistait. C'était un danseur qui faisait ces auditions et souhaitait de très bons danseurs dans la troupe alors que nous préférions des personnalités donc il levait les yeux au ciel quand on faisait certains choix. 
Je ne sais pas si vous sentez tout ça. Beaucoup de monde se côtoyait, des amitiés qui ont perduré jusqu’à la fin. Avec un déconneur en chef : Georges.

Dans l'ombre des studios: Par sa différence d'âge avec la troupe, avait-il un côté un peu paternel?
Michel Fugain: Georges avait quatorze ans de plus que moi (Michel Fugain, né en 1942, fêtera ses 80 ans le 12 mai à Bobino, ndlr), donc il n'était pas de la même génération, je connaissais peu de choses de sa carrière avant de le connaître à part les Demy comme le « Monsieur Dame » des Demoiselles de Rochefort, mais on s'en foutait. On est saltimbanque ou on ne l'est pas, la différence elle est là. Par contre, c'est vrai qu'il était peut-être un peu un grand frère pour moi.

Dans l'ombre des studios: Parmi les dernières chansons que vous avez co-composées avec lui : "Le Printemps" (1976). Qui a eu l'idée de cette mélodie, et de cet arrangement très Europe de l'Est, un peu klezmer?
Michel Fugain: "Le Printemps" est l'un des derniers trucs que nous avons fait ensemble, Georges est arrivé avec un bout de mélodie, il nous a dit "j'ai une idée de début, mais je bloque". J'ai eu l'idée de la suite. On a cosigné la musique, on était comme des fous, tout ça avec des paroles de Maurice Vidalin qui était l'une des plus grandes plumes françaises. Comme Georges jouait de l'accordéon, on a enregistré la bande avec l'accordéon de Georges, et l'avons fait écouter à Jean Bouchety, qui grâce à l'accordéon a imaginé pour son arrangement quelque chose de judéo-slave. D'ailleurs c'est marrant, je ne me suis jamais demandé si Georges était juif ou pas, en discutant avec vous c'est la première fois que je me pose la question. Quand je la chante en spectacle, je n'en chante qu'un petit bout car c'est un truc de troupe, pas une chanson soliste, et les gens chantent et tapent dans les mains, c'est populaire et quasi folklorique. 

Le Printemps (1976) chanté par Michel Fugain et le Big Bazar

Dans l'ombre des studios: Vous êtes resté très fidèle à votre ami...
Michel Fugain: C’est une rencontre plus que forte, on est resté ami jusqu’à ce qu’il meure. Dans le monde d’avant la pandémie, je l’ai vu pour la dernière fois il y a peut-être quatre ans. Il était venu voir l'un de mes spectacles. Lorsque Lucette a été emmenée dans un EHPAD en région parisienne pour se rapprocher de son fils, il a quitté Villeneuve-Loubet et l'a suivie. Je savais qu'il ne le supporterait pas, quand on a goûté au sud c'est très difficile de retourner vivre à Paris. Il était assez heureux d'en terminer, et c'était tellement à l'envers de ce que je connaissais de lui, qui était une force de la nature et de la rigolade. Vous ne pouvez pas imaginer les fous-rires qu'on pouvait avoir.

Dans l'ombre des studios: Merci beaucoup pour ce témoignage.
Michel Fugain: Merci à vous, c'était un plaisir de parler de lui.


Georges Blanès rend hommage à Fragson (1981)


Georges Blanès, pour la chaîne Youtube Exil it, reprend au clavier en 2018
 la chanson de Roland Cassard dans Les Parapluies de Cherbourg


Article de Rémi Carémel.
Sources: entretien de Rémi Carémel enregistré chez Georges Blanès à Villeneuve-Loubet le 8/08/2015, entretiens téléphoniques de Rémi Carémel avec Michel Fugain, Françoise Fabian et Jean Claudric le 31/03/2022 et avec Alice Herald en 2015 et le 4/04/2022, message de Fabien Ruiz le 4/04/22.
Date et lieu de naissance et décès dans les archives de l'état-civil: 
https://deces.matchid.io/id/KVipN_QOvrpk
Discographie sur Discogs et Encyclopedisque, filmographie sur IMDB.


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mardi 1 mars 2022

Décès de Dominique Paturel (1931-2022)

C'est avec une profonde tristesse que j'ai appris cet après-midi par son épouse Marie la disparition hier soir (28 février 2022) à Saint-Brieuc de notre ami Dominique Paturel, merveilleux comédien. 


Né le 3 avril 1931 au Havre d'une famille de notables aux origines havraises et bretonnes, Dominique se passionne au collège pour le théâtre et entre à Paris au Centre d'art dramatique (rue Blanche) où il suit une formation complète de comédien (qui comprend des cours d'escrime, dont on comprendra l'importance dans la suite de sa carrière).

Par son talent, mais aussi une bonne étoile qui lui fait faire les bons choix et lui fait rencontrer les bonnes personnes au bon moment, Dominique fait ses débuts au théâtre dans la troupe du plus grand metteur en scène de l'époque, Jean Vilar, où il côtoie sur scène les plus grands, et devient même ami et traducteur de Duke Ellington (venu spécialement des États-Unis composer pour Turcaret une musique de scène inspirée des inflexions de voix de la troupe. Avoir une voix qui sert d'inspiration à Duke Ellington, n'est-ce pas "la" classe?).

Petite parenthèse avec son service militaire en Algérie. Dominique assure l'organisation de spectacles de music-hall pour l'armée, participe aux émissions radiophoniques de Radio Alger (il y rencontre un certain Jacques Loussier. Impressionné par une improvisation de Bach qu'il vient de lui jouer sur un piano d'une salle de répétition, Dominique a l'idée de le présenter à un ami à lui, producteur chez Decca, qui fait signer aussitôt à Loussier sur un coin de table... le contrat de Play Bach), présente le premier direct d'Alger le 27 septembre 1958: c'est a priori sa première télévision, associée en plus à une performance technique (un avion survole la ville pour assurer la retransmission) Dominique a du mal à se déplacer dans ce marché algérois avec on l'imagine une machinerie assez lourde qui le suit, mais il est malgré tout plein d'entrain (les images d'archives que j'avais retrouvées et qu'il n'avait jamais vues l'avaient fait beaucoup rire).

Première télévision en direct d'Alger (27/09/1958)


C'est aussi à cette occasion qu'il rencontre Pierre Sabbagh, lui donne l'idée de retransmettre une pièce de théâtre en public, ce qui donnera quelques années après Au théâtre ce soir. Cette petite "parenthèse" algérienne était importante dans la vie de Dominique, qui faisait partie d'une association de comédiens vétérans, et ne manquait pas d'être présent aux commémorations de comédiens et techniciens du spectacle morts au combat.

Sa vie sur les planches se poursuit au T.N.P. de Vilar puis dans la prestigieuse Compagnie Renaud-Barrault, mais aussi au boulevard.
Dominique alterne les lieux et les genres, du classique au contemporain, en passant par le théâtre de divertissement; des théâtres parisiens, tournées internationales, centres dramatiques régionaux, en passant par l'accompagnement de petites compagnies amateurs (dans les Côtes d'Armor) ou des lectures gratuites dans des conservatoires (à Antony ces dernières années, avec ses vieux amis de cours Michel Paulin et Jacqueline Lhorca (veuve de Serge)).
A la fois bel homme et pétillant d'humour, il est aussi à l'aise pour jouer les jeunes premiers que les "valets de comédie".

La télévision ne tarde pas à s'intéresser à lui. Avec Michel Le Royer (disparu trois jours avant lui), il forme le duo de héros du feuilleton Le Chevalier de Maison Rouge (1963). La série, regardée dans presque tous les foyers français, est un immense succès, et Dominique devient un grande figure populaire du jour au lendemain, et un habitué des feuilletons de capes et d'épée, comme Lagardère (1967), D'Artagnan (1969), etc.
Sans compter les innombrables participations à des séries, téléfilms, sketchs (notamment avec ses amis et complices Roger Pierre et Jean-Marc Thibault), émissions de théâtre télévisées (une dizaine d'Au théâtre ce soir), etc.

Au cinéma, sa carrière est un peu plus discrète, il l'expliquait selon lui par son succès à la télévision (les producteurs raisonnant ainsi: pourquoi les gens paieraient pour voir des acteurs qu'ils peuvent voir gratuitement à la télévision?).

En doublage, il prête sa voix à la fois élégante et pleine d'humour à Michael Caine (dans une quinzaine de films dont Le Limier), Terrence Hill (dans la plupart des Terrence Hill & Bud Spencer), Robert Wagner (Pour l'amour du risque), Dean Jones (la saga des Coccinelle), Lee Majors (L'homme qui valait trois milliards), Roy Thinnes (Les Envahisseurs) et ponctuellement à Anthony Hopkins (Elephant Man), Omar Sharif (La Nuit des Généraux), Hardy Krüger (Barry Lyndon), etc. 
Pour doubler George Peppard (Hannibal dans Agence tous risques), il se mordille le doigt pour simuler le mâchouillement du cigare au moment de prononcer "J'adore quand un plan se déroule sans accros". 
Évidemment, de tous, le rôle le plus connu est peut-être celui de Larry Hagman (J.R. Ewing dans Dallas). Dominique prenait un très grand plaisir à doubler cet odieux personnage, qui avait marqué le public à tel point que quand il montait sur une scène de théâtre on entendait chuchoter dans le public des "C'est J.R.!"

Mais pour votre serviteur, Dominique était tout simplement "le" héros de son enfance en ayant prêté sa voix au Robin des Bois de Walt Disney (1973). Dominique gardait d'excellents souvenirs de toute cette bande de joyeux copains qu'il retrouvait à la S.P.S. Il avait doublé relativement peu d'autres films d'animation, mais gardait une certaine fierté d'avoir doublé Les Fabuleuses Aventures du légendaire Baron de Münchhausen (1978) et enregistré le générique avec Michel Legrand.

Il y a parfois des doublages moins glorieux. Je lui retrouve un extrait de doublage de film pornographique des années 70 très prisé des amateurs de nanards comiques: "Je me souviens très bien de cette séance. On m'avait appelé pour ce doublage sans me dire ce que ce serait. Depuis ce jour, j'ai toujours demandé quel était le film que j'allais doubler avant de me déplacer (rires)."

Son activité était aussi très prolifique au disque (on lui doit notamment la narration des disques Star Wars) et à la radio (Les Maîtres du Mystère, dont le speaker annonçant les voix "par ordre d'entrée en ondes" était souvent, m'avait-il dit, son ami Jean Gastaut).

J'ai rencontré Dominique lorsque j'étais bénévole au Salon des Séries et du Doublage, puis l'avais convié à monter sur scène avec Paule Emanuèle lors de ma soirée Dans l'ombre des studios fête son non-anniversaire au Vingtième Théâtre (avril 2016). A partir de sa venue à cette soirée nous sommes devenus très amis et vus très régulièrement pendant un peu plus de trois ans, avant qu'il ne s'éloigne de Paris pour retrouver ses terres bretonnes.

Jean-Claude Casadesus, votre serviteur,
Jean-Jacques Debout et Dominique Paturel
(PHONO Museum, avril 2019)
Pour l'anecdote, je me souviens d'un concert de Jean-Jacques Debout au PHONO Museum où j'avais emmené Dominique et Marie. (Dominique était ravi de retrouver Jean-Jacques Debout qu'il avait connu à l'époque où ce dernier faisait du cabaret et passait juste avant Hubert Deschamps. Dominique jouait tous les soirs une pièce avec Hubert, véhiculait son copain (trop alcoolisé pour avoir une voiture) à son cabaret après la pièce, arrivait au moment du passage de Jean-Jacques et restait avec Jean-Jacques voir le numéro de Hubert).
Cinq minutes avant le début du concert, Jean-Jacques Debout apprend par mon ami Jalal (conservateur du PHONO Museum) que Dominique va assister au spectacle, s'absente, et retarde un peu le début du concert. Pendant la soirée, Jean-Jacques Debout dit au public qu'il a un vieil ami dans la salle, Dominique Paturel, et qu'apprenant sa venue il a réécrit une chanson pour lui ("Pauvre Georges-André" de Charles Trénet). Il demande au public de chanter ensemble le refrain "Dominique Paturel, comédien exceptionnel". Pendant toute la chanson, complètement délirante, Dominique est en larmes de rires, de joie et d'émotion.


Jean-Jacques Debout au PHONO Museum (avril 2019)

En septembre 2020, il était exceptionnellement revenu à Paris pour enregistrer cette très belle émission dont j'avais soufflé l'idée à France Musique et arrangé l'organisation:
https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/etonnez-moi-benoit/le-comedien-dominique-paturel-grande-figure-de-la-television-l-une-des-voix-les-plus-connues-du-cinema-3532589

Dominique avait tous les talents, et il était l'élégance, l'humour, la gentillesse et le charme incarnés. Veuf de la comédienne Nelly Benedetti, Dominique s'était remarié il y a quelques années avec sa compagne, Marie. Je pense très affectueusement à elle, ainsi qu'à toute la famille de Dominique.

Ses obsèques auront lieu vendredi à 14h30 à Pordic, village qui lui était très cher.



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lundi 21 février 2022

Table ronde à Avallon (Samedi 19/03/2022)

La Cité de la Voix (Vézelay) organise dans plusieurs communes de Bourgogne-Franche-Comté quatre week-ends consacrés à la comédie musicale.
Dans le cadre du week-end "Regardez (la comédie musicale)" je serai invité à participer à une table ronde autour du doublage de films musicaux samedi 19/03/2022 à 17h au cinéma Le Vauban d'Avallon, en compagnie des comédiens-chanteurs Léovanie Raud (voix de Mary Poppins dans Le Retour de Mary Poppins) et Guillaume Beaujolais (voix du Prince Hans dans La Reine des Neiges). 
Débat animé par Lisandro Nesis. Entrée libre. Programme complet ci-dessous. Au plaisir de vous retrouver!

Vendredi 18/03/2022 à 19h : Master class "Métamorphoses de la comédie musicale filmée" par N.T. Binh (Lieu: Cité de la Voix (Vézelay), gratuit, réservation conseillée au 03 86 94 84 30)

Samedi 19/03/2022, 5 ateliers de 10h à 16h : Ateliers tout public "Découverte du doublage" par Léovanie Raud et Guillaume Beaujolais 
(Lieu: Cité de la Voix (Vézelay), gratuit, sur inscription au 03 86 94 84 30)

Samedi 19/03/2022 à 15h : Projection de "La Reine des Neiges" (Lieu: Cinéma Le Vauban (Avallon), places 6€/4€ en vente le jour même au cinéma, renseignements au 03 86 48 23 03)

Samedi 19/03/2022 à 17h : Table ronde "Rencontre avec des voix françaises des comédies musicales" présentée par Lisandro Nesis avec Léovanie Raud (comédienne-chanteuse), Guillaume Beaujolais (comédien-chanteur) et Rémi Carémel (auteur du blog Dans l'ombre des studios)  
(Lieu: Cinéma Le Vauban (Avallon), gratuit, renseignements au 03 86 48 23 03)
https://www.lacitedelavoix.net/agenda/rencontre-avec-des-voix-francaises-des-comedies-musicales/

Samedi 19/03/2022 à 18h : Projection "La Nuit des Musicals"
Chantons sous la pluie (18h)
La La Land (20h)
Les Demoiselles de Rochefort (22h30)
Grease (1h)
(Lieu: Cinéma Le Vauban (Avallon), places 6€/1 séance, 10€/2 séances, 3 séances ou plus: 4€/séance, tarif étudiants/collégiens: 4€/séance, en vente le jour même au cinéma, renseignements au 03 86 48 23 03)


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