samedi 25 août 2012

Georges et Michel Costa : Musique Magique (Partie 4/4)


Pour lire la précédente partie de l'interview (partie 3/4), veuillez cliquer ici


Dans l’ombre des studios : En 1996, dans Le Bossu de Notre-Dame, vous avez dirigé Bernard Alane, qui est merveilleux en Clopin.

Georges Costa : Oui, il est très bon. Ca fait longtemps que je n’ai pas travaillé avec lui.

DLODS : La vidéo des « Cloches de Notre-Dame » en VF a été vue des centaines de milliers de fois sur Youtube, et notamment par des américains très admiratifs de son interprétation. Par contre, plusieurs pensent que la dernière note de Clopin, en voix de tête, a été prélevée sur la Version Originale chantée par Paul Kandel….

Georges Costa : Non, la dernière note c’est moi qui l’ai faite. Bernard Alane n’y arrivait pas donc je l’ai faite en voix de tête car c’est un ré très aigu. C’était en français, donc ils ne pouvaient pas prendre la version originale. Et j’ai fait pareil dans Shrek 3. A un moment le Prince Charmant s’étrangle et fait une note aigue. Lionel Tua (voix française du Prince, NDLR) n’y arrivait pas donc je l’ai fait et j’ai raccordé avec ma voix.

Reprise des "Cloches de Notre-Dame" du film Le Bossu de Notre-Dame (1996), interprétée par Bernard Alane (Clopin) et les choeurs de Georges Costa

DLODS : Dans les chœurs de vos doublages des années 90, il y avait encore une « vraie » basse, souvent profonde, à savoir Jean Stout.

Georges Costa : Jean Stout à une époque était quasiment incontournable. Quand il y avait une basse c’était lui.

Michel Costa : Il y avait aussi Jean-Claude Briodin, mais qui n’est pas une basse, c’est un baryton qui peut prendre une voix de basse, mais pas timbrée.

Georges Costa : Jean a perdu un peu des graves avec l’âge, mais c’est normal. Par contre j’ai vu Jean-Claude, on a fait une séance avec lui il y a deux mois pour Pierre Perret, et il a toujours le même timbre.

Michel Costa : Oui mais il n’a jamais eu vraiment de « timbre ». Il a un timbre assez neutre.

DLODS : Pourquoi n’y a-t-il plus de basses dans les chœurs d’aujourd’hui ? Est-ce un changement de mode ?

Georges Costa : Oui, c’est signe des temps. Ils écrivent maintenant les voix plutôt dans l’aigu.

Michel Costa : Justement c’était un marqueur des années 60/70. Alors maintenant quand vous entendez ça c’est pour faire rétro !

DLODS : Une autre mode dans les Disney des années 90 était de faire doubler les chansons du générique de fin, généralement une adaptation « pop » de l’une des chansons du film interprétée par une star… Enregistriez-vous ces chansons en studio de doublage ou en studio disques?

Michel Costa : On l’enregistre en doublage. Sauf Karine, qu’on avait enregistrée ici, dans notre studio, pour Aladdin.

Georges Costa : De toute façon un studio c’est un studio, c’est surtout le mixage qui change, mais à partir du moment où la prise de son est correcte, ce qui compte est la chanson et la manière de chanter des gens.

DLODS : Pourquoi ces chansons pop des génériques de fin ne sont plus doublées ?

Georges Costa : Avant on les enregistrait, mais maintenant on nous demande de ne plus les doubler, peut-être pour des raisons de budget. D’ailleurs j’ai trouvé un peu dommage qu’on n’ait pas doublé la chanson de fin d’Il était une fois. Elle fait partie de l’histoire…

Michel Costa : Peu avant Aladdin, ils avaient fait un essai peu concluant sur un film et n’étaient pas contents du résultat, les Américains ne reconnaissaient pas leur chanson. Du coup ils ont décidé d’arrêter de faire le doublage des chansons de fin, et Fred a réussi à les refaire doubler à partir d’Aladdin, parce qu’on leur a prouvé qu’on pouvait chanter des choses avec des gens un peu plus modernes. Et donc du coup c’est reparti, avec Karine Costa et Daniel Levi, et puis après il y a eu une période où on les doublait à nouveau (Pocahontas, Le Bossu de Notre-Dame, etc.). Depuis ils sont revenus sur cette décision, et les laissent en VO.

DLODS : Pourquoi avoir repris Karine pour le générique de fin d’Aladdin, alors qu’elle faisait déjà la voix chantée de Jasmine dans le film ?

Michel Costa : Ca c’est une jolie histoire. Karine avait été choisie pour faire la voix chantée de Jasmine avec Paolo Domingo qui faisait Aladdin. Elle avait enregistré « Ce rêve bleu », et le générique final (la même chanson, en version pop, NDLR) ne devait pas être doublé pour les raisons qu’on vient de vous expliquer. Et Fred Taïeb qui était en charge du film à l’époque me dit « J’aimerais bien que tu fasses essayer Karine sur le générique final parce que je suis sûr qu’elle peut le faire. Essaie de chanter la partition de Peabo Bryson et fais un duo avec elle ». J’ai rappelé à Fred que Karine n’avait que dix-sept ans mais il a insisté. Et donc on l’a enregistré en anglais parce qu’on n’avait même pas l’adaptation de la chanson. Fred l’a envoyée aux Américains, qui ont adoré et nous ont proposé d’en faire l’adaptation. Du coup comme c’était une chanson d’amour, je pouvais difficilement la chanter avec ma fille, donc on a cherché quelqu’un pour chanter le duo avec Karine, et on a eu beaucoup de mal car la chanson est très dure, c’est très haut, très bien chanté. On était en train d’essayer un chanteur qui ne plaisait pas à Fred et le preneur de son nous dit « J’ai vu un mec dans une comédie musicale de Catherine Lara qui chante vachement bien, peut-être que lui pourra le faire ». Et on a donc appelé Daniel Levi qui a passé un essai au studio, ça a plu tout de suite et il a enregistré la chanson. C’était dans un feeling moderne un peu pop.

Georges Costa : Daniel l’a fait et ça a très bien marché, un très gros succès.

Karine Costa et Daniel Levi invités par Michel Drucker à chanter "Ce rêve bleu", générique de fin du film Aladdin (1993)

DLODS : Ont-ils touché des droits dessus ?

Michel Costa : Oui c’était un contrat disque, avec des royautés. Ils ont fait des télés, les 20h30 des prime-time dans tous les sens, ça a très bien marché à l’époque.

Georges Costa : D’ailleurs on n’a pas refait de succès depuis. Il y a eu Le Roi Lion qui a été pas mal avec Debbie Davis, et ensuite l’habitude s’est perdue.

DLODS : Dans les « stars talents » que vous avez fait travailler dans des doublages, Annie Cordy était géniale dans Pocahontas

Michel Costa : Oui Annie était très bien.

Georges Costa : Et même Alain Chabat dans Shrek il est parfait.

Michel Costa : Par chanson il y a peut-être une ou deux personnes qui sont capables de la chanter mais les gens n’en sont pas toujours conscients.

Georges Costa : Je me souviens de la chanson d’Il était une fois qui s’appelle « Si près ». Pascal Lafarge l’a très bien chantée, on ne pouvait pas coller n’importe qui là-dessus.

DLODS : Comment se passent les droits pour les choristes et chanteurs dans des doublages?

Michel Costa : Il n’y en a pas (rires). Enfin si, il y en a mais ils sont inclus. Ils rajoutent 29% de plus sur le cachet pour un film, mais il n’y a pas de royautés en fonction du nombre de places, de DVD, etc.

DLODS : Je suis content que vous ayez pris Lucie Dolène dans James et la Pêche géante, où elle double la vieille luciole.

Georges Costa : Oui on l’avait prise et on a été ravi de son travail.

DLODS : Pour Le Livre de la Jungle 2 (2003), aviez-vous fait passer des essais à Jean Stout, voix chantée de Baloo dans le premier ?

Georges Costa : Non parce qu’il y avait le doublage des dialogues et des chansons. Et Jean avait perdu un peu de sa voix grave et ne pouvait pas doubler les dialogues, ça ne raccordait pas vraiment. Ils ont décidé de faire des essais, et j’ai pris Richard Darbois qui l’a super bien fait en plus. Par rapport à la VO c’est exactement pareil.

Michel Costa : Il faut dire que quand j’ai réécouté la VO, Jean n’était pas le meilleur choix au départ car il a une voix beaucoup plus grave. Tant mieux que ça se soit passé comme ça parce qu’il a quand même marqué Baloo d’une manière encore plus importante que dans la VO, mais si on écoute la VO…

Georges Costa : … Richard Darbois est plus proche de la VO et il swingue plus.

Michel Costa : Mais Jean a tellement marqué Baloo que c’est impossible de penser à Baloo sans lui.

DLODS : Actuellement vous travaillez pour Phineas et Ferb, une série d’animation Disney, dont on a parlé précédemment. Les conditions sont-elles les mêmes que pour un long-métrage ?

Georges Costa : Pour les séries, les budgets sont moins importants. Il faut donc que les chanteurs soient polyvalents.

DLODS : J’imagine que parmi les « stars » qui vous sont proposées par le marketing, vous avez eu de bonnes surprises… Jean Piat (Scar dans Le Roi Lion et Frollo dans Le Bossu de Notre-Dame) en faisait-il partie ?

Georges Costa : Très bien ! Il est extraordinaire. Il chante et joue très bien, il n’y a rien à dire. Quand ce sont des gens comme ça, chapeau !

Michel Costa : Il y a des bons dans chaque catégorie.

DLODS : Il me semble que pour Le Roi Lion, Bernard Tiphaine avait doublé au départ le rôle de Scar. Aviez-vous enregistré « Soyez prêtes » avec lui ?

Georges Costa : Oui on l’avait enregistrée, et au dernier moment il a été remplacé. Jean Piat ça s’est très bien passé. Dans le dernier Disney que j’ai doublé, La Princesse et la Grenouille, il y avait Anthony Kavanagh qui est très bon. Il a super bien chanté.

DLODS : A part Disney, pour quels « majors » avez-vous travaillé ?

Georges Costa : Pour la Fox, Dreamworks, et d’autres. Hors Disney, on a fait les films des Chipmunks. Pour la Fox, on a doublé Fantastic Mr. Fox, où j’ai fait chanter Olivier.

DLODS : Vous avez aussi doublé Poucelina

Georges Costa : Oui, ils voulaient quelque chose dans le style Disney et m’avaient demandé. J’ai demandé une autorisation à Fred Taïeb qui me l’a accordée, donc on l’a doublé avec Lori Rault qui supervise les Warner, et c’est elle qui a chanté le rôle principal.

DLODS : C’est étonnant de passer de superviseur à chanteuse pour un doublage. En a-t-elle fait d’autres ?

Georges Costa : Je ne sais pas…

DLODS : On retrouve aussi en voix chantée de la mère de Poucelina la chanteuse Svetlana que vous aviez accompagnée à l’Eurovision.

Georges Costa : Oui, elle faisait un chant assez classique d’ailleurs.

DLODS : Vous avez également dirigé les chansons des deux derniers Shrek.

Georges Costa : Ils m’ont appelé pour le 3 et le 4. Et en septembre on a fait des DVD bonus avec des chansons de Noël. L’une est chantée par Alain Chabat qui est super sympa et l’a très bien chantée. Il n’y avait pas grand-chose à faire, mais en une heure ça a été fait. Et le reste c’étaient des chansons de Noël avec plein de personnages. Par contre pour le 2ème DVD bonus il ne pouvait pas car il était sur un film, donc on l’a remplacé par son double officiel, Jean-Christophe Clément.

Michel Costa : Alain Chabat chante pas mal, on avait fait ses chœurs pour son film La Personne aux deux personnes, sur ce chanteur des années 80…

DLODS : Quel est votre plus beau souvenir en doublage ?

Georges Costa : Les débuts avec Fred Taïeb. Cette époque où l’on faisait tous ces redoublages de vieux cartoons, « Ce rêve un peu fou » dans Coquin de Printemps, deux ou trois films qu’on a doublé à Audiophase. L’Apprentie Sorcière et Peter et Elliott le Dragon, c’était très sympa à faire. J’aime bien les anciens Disney, il y avait un peu de magie. Le Roi Lion, c’était un bon souvenir, Hercule et Il était une fois aussi. Ca dépend beaucoup des chansons. Quand les chansons sont jolies ce sont de bons souvenirs.

DLODS : Et vous, Michel ?

Michel Costa : Il y avait la « Chanson de la pluie » dans Bambi qui était superbe. Et Peter Pan, avec « Tu t’envoles », où il y avait des ralentis très durs à mettre en place… Pour être ensemble ce n’était pas facile. Poucelina, c’était drôle, quand on faisait les trois crapauds avec l’accent mexicain. Aladdin aussi c’était super. A Sonodi, il y avait du monde ! Après Le Roi Lion on n’a plus eu de « tubes » qui sont passés au-delà du film, à part Tarzan

"La Chanson de la pluie" du film Bambi (redoublage du début des années 90) interprétée par les choeurs de Georges Costa

DLODS : Dans la VF de Tarzan, Phil Collins chantait en français. Avez-vous travaillé avec lui ?

Michel Costa : Non. Et Karine a enregistré dans le n°2, mais ils n’ont pas enregistré ensemble.

DLODS : Gardez-vous des archives avec les noms des choristes que vous employez pour chaque film ? Parce que par exemple, les choristes ne figurent pas au générique du Roi Lion, c’est dommage…

Georges Costa : Je ne garde pas d’archives. Même les partitions je les garde un an et puis après je m’en débarrasse parce que sinon ça fait énormément de cartons. Et je n’ai pas de trace des noms de chanteurs, parce que ça se décide au dernier moment et ça change souvent.

Michel Costa : Mais en général on s’en souvient quand même un peu.

Georges Costa : Pas forcément, quand il y a douze ou seize choristes ce n’est pas facile. Par exemple je ne me rappelle plus des choristes du Roi Lion. Il devait y avoir Jean Stout, Jean-Claude Briodin, nous deux, Olivier ça fait cinq, peut-être Jean-Claude Corbel, et puis dans les deux autres certainement Michel Barouille. Il y a toujours une indécision. Et parmi les huit filles il devait y avoir les quatre Fléchettes, et peut-être Grazziella Madrigal. Ce n’est pas évident de s’en souvenir, il y a des trucs qu’on a complètement oublié.

DLODS : Heureusement que vous pouvez compter sur nous pour faire des recherches! (rires)

Georges Costa : Voilà ! On a un très bon ami,  Jean-Philippe Denac qui était à RTL2 et qui est à RFM maintenant. Il est fan de jingles, et connaît mieux nos jingles que nous ! Il me sort des trucs, je ne me rappelle même plus qu’on les avait faits. C’est bien qu’il y ait des passionnés comme vous…



BONUS VIDÉO

Les Costa et les Fléchettes accompagnent Dorothée et Ray Charles


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Georges et Michel Costa : Musique Magique (Partie 3/4)


Pour lire la précédente partie de l'interview (partie 2/4), veuillez cliquer ici


Dans l’ombre des studios : Quels sont les premiers doublages de chansons que vous avez dirigés ?

Georges Costa : Il s’agissait de redoublages, et ils avaient perdu les partitions originales, donc il fallait tout relever. Il y avait notamment Mélodie Cocktail avec Petit Toot et des cartoons avec des chœurs très old school, genre Andrew Sisters ou Hi Lows, très pointus. J’ai passé des journées à relever les notes, et ce n’était pas évident. Peter Pan aussi.

DLODS : Vous avez en effet beaucoup effectué de redoublages de vieux Disney dans les années 90. Quand on compare les différents doublages d’un même film, on peut parfois remarquer des différences dans l’écriture des chœurs entre les différentes époques ou langues: pupitres ajoutés ou enlevés, etc. Quel est votre degré de liberté ?

Michel Costa : Théoriquement on n’a pas de libertés.

Georges Costa : Mais pour Peter Pan, comme je n’avais pas de partitions, j’ai tout relevé. Donc ça veut dire que les autres pays aussi n’avaient pas de partitions, alors du coup ils relèvent ce qu’ils entendent.

Michel Costa : Et si c’est quelqu’un qui n’entend pas grand-chose (rires)

Georges Costa : J’ai entendu des versions de Peter Pan à l’unisson alors que ce n’est pas du tout à l’unisson. C’est harmonisé, mais il y en a qui ne s’embêtent pas, et qui simplifient.

Michel Costa : Pour les films récents, en principe tout le monde a les mêmes partitions. Pour les redoublages de films anciens, ça dépend plutôt du doubleur et des moyens qu’il a.

Georges Costa : Par exemple, pour La Belle et le Clochard, on a refait le doublage et on avait les partitions, donc on les a respectées fidèlement.

Michel Costa : Et puis il y a autre chose : vous vous rendez compte quand vous refaites un doublage que le doublage qui avait été fait à l’époque et qui avait marqué des générations n’était pas fidèle à l’original. Or comme on redouble à chaque fois par rapport à l’original, de temps en temps ça donne quelque chose de différent, mais en fait on est plus proche de la VO.

DLODS : Ecoutez-vous le ou les précédents doublages d’un film que vous allez redoubler ?

Georges Costa : Non, parce qu’on ne les a pas, et puis si on nous demande de refaire le doublage c’est qu’il y a une bonne raison. Donc on écoute la V.O, qu’on a toujours.

DLODS : Il semble me souvenir, Georges, que vous avez beaucoup aimé travailler sur le redoublage de Coquin de Printemps

Georges Costa : Je trouve que les chansons étaient très jolies. Un peu old school mais avec beaucoup de charme. C’était au début de notre collaboration avec Fred Taïeb. On s’était régalé à chanter ces chansons et Marie Ruggeri (narratrice et chanteuse de la séquence Bongo, roi du cirque, NDLR) était super.

Michel Costa : Quand on a refait tous les vieux cartoons c’était le plus drôle à faire, franchement…

Georges Costa : C’est ce qu’il y a de plus compliqué d’ailleurs. Maintenant les gens croient que tout est simple parce qu’il n’y a justement plus ces trucs difficiles à doubler.

Michel Costa : Il n’y a pas beaucoup de gens qui pouvaient le faire !

"Ce n'est qu'un rêve un peu fou" du redoublage du film Coquin de Printemps, interprétée par Marie Ruggeri et les choeurs de Georges Costa

DLODS : Redoubler les chansons de films d’animation des années 40 ou 50 est un vrai challenge. Il faut faire quelque chose de neuf, avec des voix « modernes », tout en essayant qu’il n’y ait pas de décalage entre le style de l’image et celui des voix…

Georges Costa : Oui, d’ailleurs ils trafiquaient un peu le son, ils le passaient dans des equalizers pour faire un peu vieux,  avec plus ou moins de réussite parce que on n’arrive pas à trouver les micros et le matériel d’enregistrement de l’époque. Mais ils s’évertuaient à faire ça.

DLODS : Alors que les redoublages ont tendance à prendre une distribution complètement différente des doublages précédents, j’ai apprécié que pour votre doublage de La Belle et le Clochard en 1997 vous repreniez dans le rôle de Peg Marie Ruggeri, qui l’avait fait en 1989.

Georges Costa : Si je l’ai prise c’est que c’était bien, en plus elle l’avait déjà fait et sa voix n’avait pas trop vieilli. Parce que c’est aussi ça le problème : entre un film qui a été doublé en 60 et un autre en 80 il se passe vingt ans et les voix changent.

Michel Costa : Il n’y a pas de volonté de changer à tout prix, c’est juste que on va écouter la VO et se demander ce qu’on ferait pour en être la plus proche. Et on peut de temps en temps tomber sur la même personne.

DLODS : En dehors de ces redoublages que vous avez commencé dès vos débuts, quels sont les premiers « nouveaux » long-métrage que vous avez doublés ?

Georges Costa : Le premier gros nouveau film qu’on a fait c’était Aladdin, et comme Aladdin s’est bien passé on a continué. On a commencé à Télétota, boulevard Berthier, où Fred travaillait, puis à Dubbing Brothers à Epinay Saint Denis. Puis ils ont construit les grands studios Dubbing Brothers à La Plaine Saint-Denis. D’ailleurs on a essuyé les plâtres avec Le Roi Lion. Ils ont installé le 24 pistes dans la nuit dans l’auditorium n°1, la veille qu’on fasse les chœurs.

Michel Costa : Je m’en souviens, j’amenais ma machine à café (rires).

Georges Costa : Donc c’est eux qui ont installé ça dans la nuit, et j’étais assez miné car je me disais que si ça ne marchait pas le lendemain, il y avait quand même seize choristes convoqués (huit hommes, huit femmes). La veille j’ai appelé Fred et je lui ai demandé « Qu’est-ce qu’on fait ? On le fait au Palais des Congrès ou à Dubbing ? » et il m’a répondu « On le fait à Dubbing ! ».

DLODS : Dans Le Roi Lion, il y avait en plus des chansons adaptées dans la langue de chaque pays, de superbes chœurs dans des langues africaines qui étaient issus, j’imagine, de la Version Originale. Vous arrive-t-il de réenregistrer en France des chœurs étrangers (africains dans Le Roi Lion, latins dans Le Bossu de Notre-Dame) ou en onomatopées, ou est-ce qu’ils se trouvent sur la Version Internationale, avec les musiques, les bruitages, etc. ?

Georges Costa : C’est ce qu’on appelle les chœurs neutres. En principe ils nous les fournissent. Mais une fois ils n’avaient pas les droits dessus et on a été obligé de les refaire.

Michel Costa : Ou alors quand c’est trop enchaîné avec une chanson ou du texte en français on est obligé de les refaire.

"L'histoire de la vie" du Roi Lion (1994) interprétée par Debbie Davis, les choeurs africains de la Version Originale, et les choeurs français sous la direction de Georges Costa

DLODS : Vous est-il arrivé de refaire des instruments manquants sur une Version Internationale ?

Michel Costa : Oui, dans un film quelqu’un jouait de la guitare en chantant. Le son de sa voix et la guitare avaient été pris en live, et ne se trouvaient pas sur la Version Internationale.

Georges Costa : Du coup j’ai fait venir un guitariste. On avait même désaccordé la guitare pour qu’elle ne sonne pas trop juste, comme le guitariste du film en question était censé être un peu amateur. Mais ça arrive très rarement. Par contre, ce qui arrive souvent, c’est que vous avez des chœurs a capella qui ont été faits sur un playback à l’origine… sauf que quand vous recevez la bande il n’y a plus de playback. Et donc vous chantez dans le vide, ce qui n’est pas possible. Alors vous reconstituez une espèce de playback au piano pour pouvoir chanter, on le passe dans le casque, et on ne le retrouve pas dans la version finale.

DLODS : Michel, dans Le Roi Lion, vous êtes crédité à la direction musicale avec Georges. En dehors des chœurs, participez-vous de temps en temps au travail de direction musicale, avec votre frère ?

Michel Costa : Non. Pour Le Roi Lion, il y avait beaucoup de choses et c’était le début donc je lui ai donné un coup de main.

Georges Costa : Tu m’as aidé pour Hercule aussi.

Michel Costa : Oui, pour Hercule, car c’était un grand film, où il y avait beaucoup de monde.

Georges Costa : Et puis il y avait les cinq muses. Comme les chanteuses qui les doublaient ne lisaient pas la musique, j’avais demandé à Michel de s’occuper de leur apprendre leurs voix. 

Michel Costa : On est toujours les deux sur tout mais Georges est plus sur le doublage et moi sur les jingles. Je m’occupe de notre studio avec Nicolas (fils de Georges Costa, NDLR) pour la partie technique.

DLODS : A l’époque du Roi Lion, vous avez dirigé le doublage des chansons de L’Etrange Noël de Monsieur Jack. Olivier Constantin, l’un de vos chanteurs solistes et choristes habituels double superbement Jack pour les chansons… et les dialogues !
Tandis que les directeurs artistiques vous proposent des comédiens qui peuvent chanter leurs rôles, j’ai l’impression que l’inverse est assez rare : à part Olivier Constantin/Jack, Dominique Poulain/Cendrillon, Bénédicte Lécroart/Belle et Jean-Claude Corbel/Le Fou, peu de chanteurs ont assuré des rôles parlés…

Michel Costa : Vous avez raison de poser la question, c’est très rare qu’on dise « Voilà c’est un chanteur,  il pourrait faire aussi la partie comédie ». De temps en temps, il arrive qu’on nous dise « Au fait, il fait la comédie… mais il chante aussi ! », mais c’est rare que ça marche dans l’autre sens.

Georges Costa : Même Olivier qui a fait tout le rôle de Jack, on ne l’appelle jamais comme comédien, parce qu’il est étiqueté chanteur alors qu’il pourrait très bien faire de temps en temps de la comédie.

Michel Costa : Il avait fait les dialogues parce que le rôle chanté était tellement énorme et tellement imbriqué dans le film que c’était difficile de prendre deux voix différentes, alors on avait essayé de voir s’il pouvait faire les dialogues.

Daniel Beretta
Georges Costa : En même temps les comédiens qui doivent chanter, c’est pareil : ce n’est pas leur boulot. Quand ce n’est pas très compliqué ils peuvent le faire. Mais quand c’est vraiment des chansons, ils ne peuvent pas. Et c’est vrai que les comédiens-chanteurs qui peuvent aussi bien faire l’un que l’autre il n’y en a pas cent cinquante. Il y a Bernard Alane, Daniel Beretta, Gérard Rinaldi…

Michel Costa : Et puis il y a toujours cette barrière. Karine avait commencé à faire du doublage, comme Olivier. Fred avait à doubler un téléfilm qui s’appelait Polly, avec un personnage de petite black qui chantait et qui parlait très souvent. Il m’a proposé d’essayer Karine pour les deux, dialogues et chant. Elle l’a fait et elle s’en est très bien sortie, mais ça n’est pas allé plus loin. On l’appelait quand il y avait une chanson et non pas un dialogue.

Georges Costa : Il n’y a qu’une chanteuse qui a réussi à bien s’imposer en comédie c’est Claire Guyot. Mais peut-être qu’elle avait commencé la comédie avant…

DLODS : Toujours dans L’Etrange Noël de Monsieur Jack, Philippe Videcoq, l’adaptateur des dialogues et chansons, est aussi crédité comme voix parlée et chantée de personnages…

Georges Costa : Oui il a fait un personnage de temps en temps. Je me rappelle qu’il avait fait quelque chose à Epinay, en remplacement d’Eric Metayer (Iago dans Le Retour de Jafar, NDLR). C’est un très bon adaptateur de dialogues et de chansons. Je trouve qu’il écrit très bien, et c’est super synchro. C’est quelque chose qui s’est un peu perdu, je trouve.

DLODS : Vous avez aussi beaucoup travaillé avec l’adaptateur Luc Aulivier…

Georges Costa : Oui mais on ne sait pas ce qu’il est devenu. Un jour il a disparu. J’ai essayé de le joindre à un moment parce qu’il y avait une chanson à ajouter pour un DVD bonus de Pocahontas, et je n’ai pas réussi. Finalement c’est moi qui ai fait l’adaptation, et depuis je n’en ai plus entendu parler.
Par contre Philippe à l’époque travaillait moins pour les doublages de chansons, et là ils l’ont repris pour celles de La Princesse et la Grenouille, et on a donc retravaillé ensemble. Il ne fait pas de fautes de  synchronisme, de pieds, etc. On avait collaboré ensemble sur Aladdin.

 Chanson du film La Princesse et la Grenouille (2009) interprétée par Olivier Constantin


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Georges et Michel Costa : Musique Magique (Partie 2/4)


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Dans l’ombre des studios : Avez-vous déjà accompagné des chanteurs américains de passage à Paris ?

Georges Costa : On avait accompagné Stevie Wonder pour le centenaire de la Tour Eiffel.

Michel Costa : Il avait un grand chœur de gospel qui n’était pas bien en place, et on nous a appelés au dernier moment.


Stevie Wonder en concert sur le parvis de la Tour Eiffel en 1989, accompagné par un choeur amateur (en blanc) et quelques choristes professionnels (en noir) dont les Costa

Georges Costa : On a aussi accompagné Perry Como dans un show qui était tourné chez Maxim’s, avec Jean-Claude Briodin et Olivier Constantin. On jouait les serveurs et on chantait.

Michel Costa : On avait chanté pour le playback, c’était assez pointu. Et les serveurs n’arrivaient pas à être synchrones. Donc on nous a demandé « vous ne voulez pas faire les serveurs ? ». On a dit oui et on avait des espèces de toques.

DLODS : Perry Como reflétait une certaine image de douceur et de modestie.

Georges Costa : Il était très sympa. Les Américains sont adorables. Et à la télé on avait accompagné Ray Charles en direct dans une émission de Dorothée, avec les Fléchettes.

DLODS : Vous avez souvent travaillé avec Dorothée ?

Georges Costa : Oui car à une époque on travaillait beaucoup pour AB, on enregistrait beaucoup de génériques pour ses émissions. On a accompagné Dorothée en studio et pour des shows télé, mais pas pour les spectacles.

DLODS : Avez-vous participé à la création de la chaîne « AB » IDF1 ?

Michel Costa : Oui, on a enregistré des trucs pour eux. On est allé voir Dorothée pour son retour à l’Olympia, elle est avec une nouvelle équipe qui est très sympa.

DLODS : A côté de toute cette activité de choristes qui est devenue votre activité principale, écriviez-vous des chansons et enregistriez-vous encore des disques en duo?

Georges Costa : On a arrêté les disques en duo parce qu’on avait trop de boulot, mais on faisait quand même des chansons pour les autres.

Michel Costa : On faisait beaucoup de pubs, de chœurs, de chansons. Et en 1980, Georges a une bonne idée, il trouve « Cocotiers ». On a produit ce titre de A à Z et on l’a enregistré chez un pote qui avait son propre studio, Celmar Engel, et on a rajouté Slim Pezin (grand guitariste studio, NDLR).

Georges Costa : « Cocotiers » est beaucoup passée en radio, on en a vendu 100.000 disques, donc ça a été un mini-tube, et on a enchaîné avec « Musique Magique » qui a pas mal marché aussi.

Michel Costa : Oui, on a fait pas mal de télés : 20h30, Drucker. Puis après le troisième a moins bien marché, donc on a un peu arrêté.

Georges Costa : Et comme à cette période on faisait beaucoup de pubs en tant que compositeurs, ConfiPote, Afflelou, etc.

DLODS : Radio et télé ?

Georges Costa : Oui, les deux…


Michel et Georges Costa chantent "Musique Magique"

DLODS : Comment vous répartissez-vous la composition entre vous?

Georges Costa : On compose toujours ensemble.

Michel Costa : Ou l’un commence et l’autre termine. Ou alors il y a un qui fait tout, mais on signe à deux. On a toujours tout partagé, c’est ce qui était convenu au départ… Donc on a fait de tout, et surtout quelque chose dont on ne se doutait pas qu’il nous amènerait à un grand tournant de notre vie : les jingles de NRJ, qui étaient un genre de boutade au départ. C’était la première radio libre, qui passait beaucoup notre disque, en 81.

DLODS : Avez-vous participé à la création de NRJ ?

Michel Costa : Non. Carrère qui était notre maison de disques à l’époque nous appelle et nous dit : « Voilà, il y a une radio libre (on les appelait comme ça à l’époque) qui passe beaucoup votre disque. » NRJ passait notre disque à tout berzingue, et le ton était très sympa, ça nous rappelait les radios américaines qu’on écoutait dans notre jeunesse. On s’est dit ça c’est sympa, ils n’ont aucun habillage pour l’instant car c’est fait de bric et de broc, on va leur proposer des jingles. Et donc on a fait une dizaine de jingles qui ont marqué l’histoire de NRJ, qui sont devenus « le » son NRJ de l’époque, mais nous à l’époque on ne le savait même pas, on avait fait ça comme ça. Ca leur a tellement plu qu’ils nous ont demandé une deuxième vague pour le disque d’après, et puis après on ne s’en est plus occupé, on était trop pris par d’autres choses et on ne faisait plus de disques. Et pas mal d’années plus tard, dans les années 90, NRJ est devenu quelque chose d’énorme sans qu’on s’en soit rendu compte. Max Guazzini voulait retrouver le son original de NRJ et nous cherchait sans savoir que c’étaient nous qui avions fait ces fameux jingles. Par l’intermédiaire d’une fille de pub qui nous connaissait, on s’est retrouvé, et du coup on a refait des habillages pour NRJ. Ce faisant, le groupe a pris beaucoup d’importance, il a acquis Chérie FM, donc on a fait des jingles pour Chérie FM. Comme c’étaient les deux plus grosses radios, plein d’autres radios locales nous ont demandé de faire leur habillage. On a fait Europe 2, Sud Radio, RTL2, RFM, ça n’a pas arrêté. NRJ a racheté Nostalgie, Rire et Chansons donc on a fait les jingles de toutes ces radios. C’est maintenant notre activité majeure avec le doublage.

DLODS : Les jingles sont relativement courts… Comment arrivez-vous à vous renouveler à chaque fois ?

Georges Costa : Il faut se creuser la tête, mais c’est comme dans tout…

Michel Costa : On essaie de jouer sur les couleurs, les instruments, les manières de composer, les styles, les solistes qu’on change assez souvent : ma fille Karine Costa chante pour Chérie FM, on a plutôt des blacks pour NRJ. On essaie de varier les couleurs des timbres et les mélodies. C’est vrai que ce qu’on entend bien souvent, ce sont des extraits de jingles qui font cinq secondes, mais le jingle en général fait une quinzaine de secondes dans c’est quand même une petite chanson au départ. Et avec les tempos qui changent, les instrumentations, des cuivres, des guitares, des choses comme ça, on arrive à en faire pas mal.

DLODS : Les jingles que vous faits pour Nostalgie sont très sympas, ce sont des « pastiches » de chansons des années 60/70/80 (Elvis Presley, les Rolling Stones, Boney M, etc.). Vous avez dû vous amuser à les réaliser ?

Michel Costa : Oui, c’est rigolo, parce que ce sont des clins d’œil, des clichés, donc évidemment la direction est plus facile à prendre. Mais dans les autres, sur NRJ c’est plus du son de maintenant, donc on travaille beaucoup plus avec les sequencers, les synthétiseurs. Sur RTL 2 c’est plus pop rock donc on sort toutes les guitares, RFM c’est plus de la pop, donc plus funky. On a l’impression que ce sont un peu les mêmes mais il y a toujours des variantes. 

 
Jingles pour Nostalgie composés et interprétés par les Costa

DLODS : Quels sont les chanteurs que vous engagez ?

Michel Costa : Les chanteurs ce sont nous à 80%, avec aussi Jean-Marie Marrier, et pour les filles on prend beaucoup Karine, Joniece Jamison, Mimi Felixine et Sylvie N’Doumbé.

DLODS : J’ai vu dans votre studio d’enregistrement un banjo, un tambourin, des guitares, une balalaïka. De quel instrument jouez-vous personnellement?

Georges Costa : Un peu de guitare, et de piano. Et pas très bien, mais maintenant avec les ordinateurs, pas besoin de bien jouer. L’essentiel est de savoir ce qu’on fait.

DLODS : Avez-vous des concurrents pour cette activité de jingles ?

Michel Costa : Bien sûr. Mais on a des concurrents en choristes, en doublage -Claude Lombard et d’autres-, c’est comme partout…

DLODS : Vous vous occupez quand même de presque toutes les radios privées, à part peut-être RTL…

Michel Costa : Oui. Et encore, on ne compose pas les jingles de RTL… mais on les chante (rires) ! Ce sont nos voix qu’on entend.

DLODS : Après cette activité de jingles qui a pris beaucoup d'importance dans votre carrière, comment en êtes-vous venus à la direction musicale de doublages ?

Georges Costa : En 1989, Fred Taïeb (ancien responsable des doublages Disney, et fondateur des studios Dubbing Brothers, NDLR) nous a appelés pour travailler sur Davy Crockett, où il y avait quelques chansons à doubler.

DLODS : Vous étiez engagés pour en faire la direction musicale ou en tant que choristes seulement?

Michel Costa : Non en tant que choristes. Il avait un problème : il avait du mal à trouver le son qu’il fallait, n’était pas satisfait du résultat… Il nous a dit « on ne vous connaît pas, mais vous pourriez essayer de faire cette série ». On l’a fait, ça lui a plu. Il nous a donné toute la série à faire et a proposé ensuite à Georges de prendre la direction musicale des nouveaux Disney.

DLODS : A cette même période vous avez travaillé en tant que simples choristes pour Le Triomphe de Babar et Astérix et le Coup du Menhir, où l’on peut reconnaître vos voix dans la chanson « Zonked »…

Georges Costa : Pour Babar, Fred nous a recommandé à Georges Claisse. Il y avait deux ou trois chansons, des chœurs, et il fallait faire chanter Jacques Balutin à un moment. Et pour Astérix, c’est Michel Colombier qu’on connaissait depuis longtemps qui nous a appelés. On a enregistré ça au Palais des Congrès.

 "Chanson de Zephyr" du Triomphe de Babar (1989) interprétée par Jacques Balutin et les choeurs (Dominique Poulain, Francine Chantereau, les Costa, Olivier Constantin, Jean-Claude Briodin)

DLODS : Avez-vous reçu une formation particulière pour la direction musicale de doublages ?

Georges Costa : Non, parce que la direction musicale, qu’est-ce que c’est: lire la musique, les partitions, choisir ou en tout cas proposer des gens pour les rôles solistes. Et il faut pour les chœurs que ce soit juste et en place. Et ça, ça fait partie du métier de musicien, que ce soit pour un doublage ou une publicité, pour un jingle ou la chanson, c’est pareil. Soit c’est juste et en place, soit ça ne l’est pas.

Michel Costa : Il y a des orientations naturelles. Il y a des gens qui naturellement écrivent bien les cuivres, les entendent bien, il y a des arrangeurs qui sont plus spécialisés dans des violons. C’est vrai que pour diriger des chœurs, c’est plus facile pour un chanteur lui-même parce qu’on sait quelle est la difficulté, bien plus qu’un musicien. Mais à part ça, il y a certainement de mauvais directeurs musicaux choristes et de très bons directeurs musicaux pianistes.

DLODS : Quel est précisément le travail d’un directeur musical de doublages ?

G. Costa dirigeant La Maison de Mickey
Georges Costa : On reçoit un DVD préliminaire avec les chansons qui ne sont pas forcément finies, parfois même ils les échangent en cours, j’écoute déjà de quoi il s’agit afin de penser à un casting, et on procède à ce casting. Le décideur choisit les solistes qu’il veut en fonction de ce casting. Et de mon côté je choisis les choristes en fonction des partitions et de ce qu’il y a à faire, je convoque les artistes et dirige les séances de doublage.

DLODS : Dans quelles circonstances faites-vous passer des essais ?

Georges Costa : Pour les gros films il y a des essais, et pour les séries il n’y en a pas car c’est le générique qui les intéresse principalement.

DLDS : Et comment choisissez-vous les chanteurs à qui vous faites passer ces essais ?

Georges Costa : Il y a des gens qui m’envoient des CDs et des MP3 que j’écoute. Et puis je me dis « tiens, il est intéressant », je garde le disque et quand il y a un essai à faire je réécoute mes CD, vois si ça peut coller éventuellement.

Michel Costa : Les castings ça se fait un peu au feeling. Parfois un choriste me dit « Tiens il y a une chanteuse que je connais, je ne sais pas si tu la connais, je vais t’envoyer un CD, etc. ». Et vous ne les connaissez pas toutes. C’est impossible de connaître tout le monde.

Georges Costa : Je regrette qu’il n’y ait pas plus de castings.

Michel Costa : Mais de temps en temps les castings pour un film nous servent pour une fois d’après.

DLODS : Et pour les choristes avec qui vous avez l’habitude de travailler : gardez-vous des échantillons de leurs voix ?

Georges Costa : On connaît leurs voix donc on n’a pas besoin de castings, on a suffisamment travaillé avec eux.

Michel Costa : Moi je connais bien ma fille Karine (rires), mais elle a quand même fait le casting pour Aladdin. C’était d’ailleurs drôle comme affaire, car Georges n’avait pas du tout pensé à elle, et elle a insisté pour le faire. Les castings, c’est l’occasion de découvrir des gens.

DLODS : A vos débuts à la direction de doublages, avez-vous recruté des choristes qui faisaient partie des équipes des directeurs musicaux qui vous ont précédé pour faire une sorte de transition, ou avez-vous directement commencé avec une jeune équipe ?

Georges Costa : J’écoutais la VO et je me demandais qui était le plus approprié à faire ça. Quand c’était un peu entre guillemets un peu « vieillot », je prenais des voix un peu de l’époque, quand c’était plus moderne, je prenais d’autres personnes.

Michel Costa : En doublage on a travaillé principalement avec des gens avec qui on avait l’habitude de travailler en studio.

Georges Costa : Par contre pour les solistes c’est totalement ouvert. C’est celui qui correspond le mieux.

DLODS : Pour les chœurs, est-ce toujours le même type de formations ? (exemple : 3 ténors, 2 barytons, une basse, etc.) Est-ce vous qui le déterminez ou recevez-vous des consignes ?

Georges Costa : Non, ça dépend. Pour les gros films j’essaie de respecter ce qu’ils mettent sur la creative letter : par exemple, trois barytons, trois ténors, trois alti, etc. Pour les séries, comme ils n’ont pas de budget, on réduit un peu les coûts : deux hommes et deux femmes au lieu de 4+4.

Michel Costa : Pour Phineas et Ferb, la série Disney qu’on double actuellement, il y a énormément de chansons, c’est de la pop moderne…

Georges Costa : Et comme il y a beaucoup de chœurs d’hommes souvent on fait les chœurs Michel et moi, dans le style Beach Boys, Beatles.

Michel Costa : Et pour les solistes on essaie de coller au plus proche de l’original.

Olivier Constantin
DLODS : Et quels sont les solistes ?

Georges Costa : Pour Phineas, si c’est rock je prends souvent Jean-Marie Marrier ou Christophe Berthier. Si c’est plus jazzy ou plus soft, cela peut être Olivier Constantin ou Pascal Lafarge. Il y a Donald Reignoux qui chante aussi puisqu’il fait la voix d’un personnage dedans, et Brenda Hervé, qui est la voix chantée de Candice et Karine qui fait Baljeet.

DLODS : Avant l’enregistrement des long-métrages, envoyez-vous les partitions aux choristes ?

Georges Costa : Non, pas pour les choristes en tout cas. Pour les solistes oui car il faut qu’ils se mettent dans le bain, qu’ils découvrent la chanson, surtout qu’à 99% ils ne savent pas lire la musique, donc il vaut mieux qu’ils apprennent la chanson et je corrige sur place les erreurs qu’ils peuvent faire, notamment sur le tempo. Et puis après il y a l’édition, il faut éditer les notes qui ne sont pas toujours les bonnes.

DLODS : Dans tous les doublages que Georges a dirigés vous êtes crédités tous les deux comme choristes. Avez-vous de temps en temps des petits soli, ou des rôles qui nous permettraient d’identifier vos voix individuellement ?

Michel Costa : J’ai chanté en soliste le générique de fin du film La Bande à Picsou, le film : Le Trésor de la Lampe perdue (interprété dans la série par Jean-Claude Corbel, NDLR). Dans Toy Story 2 j’ai fait un générique, avec une espèce de cheval. Et il y en pas mal dans des séries, pour Phineas et Ferb par exemple on en fait très régulièrement. On a souvent doublé Tic et Tac dans les chansons, Pip et Pop dans Tibère et la maison bleue

Georges Costa : Dans Le Noël des Muppets on a fait pas mal de voix, dans Anastasia aussi, dans la chanson sur Saint-Petersbourg. Dans L’étrange Noël de Monsieur Jack je doublais le loup-garou en truquant ma voix et Michel faisait la voix parlée et chantée de l’un des vampires. Souvent ce sont des personnages qu’on fait nous-mêmes pour ne pas appeler d’autres chanteurs pour des raisons de budget.


"Bienvenue à Halloween" du film L'étrange Noël de Monsieur Jack (1993) interprétée par les choeurs sous la direction de Georges Costa

DLODS : Vous servez-vous de la bande rythmo comme pour le doublage « parlé » ?

Georges Costa : Pour les chœurs, non.

Michel Costa : Sauf des phrases de temps en temps, quand il n’y a pas de tempo.

Georges Costa : Et même, quand il n’y a pas de tempo, je fais un clic d’abord, on se base sur le clic et on vérifie à l’image s’il n’y a pas de problème. Parce que parfois l’image n’est pas forcément synchro avec le son, etc.

Michel Costa : Vous ne pouvez pas regarder la rythmo, car une fois le tempo parti, c’est lui qui est maître…

Georges Costa : Les gens ont des notes à chanter, souvent difficiles. Ils ne peuvent pas en même temps regarder la rythmo, les notes, chanter juste, être en place avec le voisin…
Par contre pour les solistes, ça dépend des chansons. Il y a toujours une rythmo, ne serait-ce que pour se repérer. Mais si la chanson est bien en place et très rythmique, il n’y a pratiquement pas besoin de rythmo. Si par contre il y a des chansons plus « comédie » que chantées, là ils se servent pas mal de la rythmo, ça les aide, quitte à remplacer ensuite les choses. Je leur demande avant ce qu’ils préfèrent, il y en a qui aiment bien avoir la VO dans le casque parce que ça les aide. Il n’y a pas de loi, l’essentiel c’est que ce soit bien réglé.

DLODS : Jean Cussac se plaignait à l’époque où il dirigeait des doublages de chansons, de la différence de qualité sonore entre un enregistrement en studio de doublage et un enregistrement dans un « vrai » studio.

Georges Costa : Je ne suis pas vraiment d’accord. Ca dépend….

Michel Costa : Par contre il y a une petite différence de conception entre les chansons et le doublage parlé, à savoir que pour le doublage parlé ils partent du principe que vous avez le micro assez loin. Alors que pour le doublage chanté, on est plus dans des conditions d’enregistrement d’un disque. Vous êtes à proximité du micro, vous vous mêlez de la réverbe, etc. Encore que pour certaines choses, quand c’est dans l’action, on fait un mélange entre les deux : de temps en temps c’est une vraie chanson, donc c’est enregistré dans les conditions d’une chanson, et quand tout à coup le personnage arrive dans une pièce, on n’a plus de réverbe car ça serait ridicule.

Pour lire la suite de l'interview (partie 3/4), veuillez cliquer ici


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