samedi 25 août 2012

Georges et Michel Costa : Musique Magique (Partie 3/4)


Pour lire la précédente partie de l'interview (partie 2/4), veuillez cliquer ici


Dans l’ombre des studios : Quels sont les premiers doublages de chansons que vous avez dirigés ?

Georges Costa : Il s’agissait de redoublages, et ils avaient perdu les partitions originales, donc il fallait tout relever. Il y avait notamment Mélodie Cocktail avec Petit Toot et des cartoons avec des chœurs très old school, genre Andrew Sisters ou Hi Lows, très pointus. J’ai passé des journées à relever les notes, et ce n’était pas évident. Peter Pan aussi.

DLODS : Vous avez en effet beaucoup effectué de redoublages de vieux Disney dans les années 90. Quand on compare les différents doublages d’un même film, on peut parfois remarquer des différences dans l’écriture des chœurs entre les différentes époques ou langues: pupitres ajoutés ou enlevés, etc. Quel est votre degré de liberté ?

Michel Costa : Théoriquement on n’a pas de libertés.

Georges Costa : Mais pour Peter Pan, comme je n’avais pas de partitions, j’ai tout relevé. Donc ça veut dire que les autres pays aussi n’avaient pas de partitions, alors du coup ils relèvent ce qu’ils entendent.

Michel Costa : Et si c’est quelqu’un qui n’entend pas grand-chose (rires)

Georges Costa : J’ai entendu des versions de Peter Pan à l’unisson alors que ce n’est pas du tout à l’unisson. C’est harmonisé, mais il y en a qui ne s’embêtent pas, et qui simplifient.

Michel Costa : Pour les films récents, en principe tout le monde a les mêmes partitions. Pour les redoublages de films anciens, ça dépend plutôt du doubleur et des moyens qu’il a.

Georges Costa : Par exemple, pour La Belle et le Clochard, on a refait le doublage et on avait les partitions, donc on les a respectées fidèlement.

Michel Costa : Et puis il y a autre chose : vous vous rendez compte quand vous refaites un doublage que le doublage qui avait été fait à l’époque et qui avait marqué des générations n’était pas fidèle à l’original. Or comme on redouble à chaque fois par rapport à l’original, de temps en temps ça donne quelque chose de différent, mais en fait on est plus proche de la VO.

DLODS : Ecoutez-vous le ou les précédents doublages d’un film que vous allez redoubler ?

Georges Costa : Non, parce qu’on ne les a pas, et puis si on nous demande de refaire le doublage c’est qu’il y a une bonne raison. Donc on écoute la V.O, qu’on a toujours.

DLODS : Il semble me souvenir, Georges, que vous avez beaucoup aimé travailler sur le redoublage de Coquin de Printemps

Georges Costa : Je trouve que les chansons étaient très jolies. Un peu old school mais avec beaucoup de charme. C’était au début de notre collaboration avec Fred Taïeb. On s’était régalé à chanter ces chansons et Marie Ruggeri (narratrice et chanteuse de la séquence Bongo, roi du cirque, NDLR) était super.

Michel Costa : Quand on a refait tous les vieux cartoons c’était le plus drôle à faire, franchement…

Georges Costa : C’est ce qu’il y a de plus compliqué d’ailleurs. Maintenant les gens croient que tout est simple parce qu’il n’y a justement plus ces trucs difficiles à doubler.

Michel Costa : Il n’y a pas beaucoup de gens qui pouvaient le faire !

"Ce n'est qu'un rêve un peu fou" du redoublage du film Coquin de Printemps, interprétée par Marie Ruggeri et les choeurs de Georges Costa

DLODS : Redoubler les chansons de films d’animation des années 40 ou 50 est un vrai challenge. Il faut faire quelque chose de neuf, avec des voix « modernes », tout en essayant qu’il n’y ait pas de décalage entre le style de l’image et celui des voix…

Georges Costa : Oui, d’ailleurs ils trafiquaient un peu le son, ils le passaient dans des equalizers pour faire un peu vieux,  avec plus ou moins de réussite parce que on n’arrive pas à trouver les micros et le matériel d’enregistrement de l’époque. Mais ils s’évertuaient à faire ça.

DLODS : Alors que les redoublages ont tendance à prendre une distribution complètement différente des doublages précédents, j’ai apprécié que pour votre doublage de La Belle et le Clochard en 1997 vous repreniez dans le rôle de Peg Marie Ruggeri, qui l’avait fait en 1989.

Georges Costa : Si je l’ai prise c’est que c’était bien, en plus elle l’avait déjà fait et sa voix n’avait pas trop vieilli. Parce que c’est aussi ça le problème : entre un film qui a été doublé en 60 et un autre en 80 il se passe vingt ans et les voix changent.

Michel Costa : Il n’y a pas de volonté de changer à tout prix, c’est juste que on va écouter la VO et se demander ce qu’on ferait pour en être la plus proche. Et on peut de temps en temps tomber sur la même personne.

DLODS : En dehors de ces redoublages que vous avez commencé dès vos débuts, quels sont les premiers « nouveaux » long-métrage que vous avez doublés ?

Georges Costa : Le premier gros nouveau film qu’on a fait c’était Aladdin, et comme Aladdin s’est bien passé on a continué. On a commencé à Télétota, boulevard Berthier, où Fred travaillait, puis à Dubbing Brothers à Epinay Saint Denis. Puis ils ont construit les grands studios Dubbing Brothers à La Plaine Saint-Denis. D’ailleurs on a essuyé les plâtres avec Le Roi Lion. Ils ont installé le 24 pistes dans la nuit dans l’auditorium n°1, la veille qu’on fasse les chœurs.

Michel Costa : Je m’en souviens, j’amenais ma machine à café (rires).

Georges Costa : Donc c’est eux qui ont installé ça dans la nuit, et j’étais assez miné car je me disais que si ça ne marchait pas le lendemain, il y avait quand même seize choristes convoqués (huit hommes, huit femmes). La veille j’ai appelé Fred et je lui ai demandé « Qu’est-ce qu’on fait ? On le fait au Palais des Congrès ou à Dubbing ? » et il m’a répondu « On le fait à Dubbing ! ».

DLODS : Dans Le Roi Lion, il y avait en plus des chansons adaptées dans la langue de chaque pays, de superbes chœurs dans des langues africaines qui étaient issus, j’imagine, de la Version Originale. Vous arrive-t-il de réenregistrer en France des chœurs étrangers (africains dans Le Roi Lion, latins dans Le Bossu de Notre-Dame) ou en onomatopées, ou est-ce qu’ils se trouvent sur la Version Internationale, avec les musiques, les bruitages, etc. ?

Georges Costa : C’est ce qu’on appelle les chœurs neutres. En principe ils nous les fournissent. Mais une fois ils n’avaient pas les droits dessus et on a été obligé de les refaire.

Michel Costa : Ou alors quand c’est trop enchaîné avec une chanson ou du texte en français on est obligé de les refaire.

"L'histoire de la vie" du Roi Lion (1994) interprétée par Debbie Davis, les choeurs africains de la Version Originale, et les choeurs français sous la direction de Georges Costa

DLODS : Vous est-il arrivé de refaire des instruments manquants sur une Version Internationale ?

Michel Costa : Oui, dans un film quelqu’un jouait de la guitare en chantant. Le son de sa voix et la guitare avaient été pris en live, et ne se trouvaient pas sur la Version Internationale.

Georges Costa : Du coup j’ai fait venir un guitariste. On avait même désaccordé la guitare pour qu’elle ne sonne pas trop juste, comme le guitariste du film en question était censé être un peu amateur. Mais ça arrive très rarement. Par contre, ce qui arrive souvent, c’est que vous avez des chœurs a capella qui ont été faits sur un playback à l’origine… sauf que quand vous recevez la bande il n’y a plus de playback. Et donc vous chantez dans le vide, ce qui n’est pas possible. Alors vous reconstituez une espèce de playback au piano pour pouvoir chanter, on le passe dans le casque, et on ne le retrouve pas dans la version finale.

DLODS : Michel, dans Le Roi Lion, vous êtes crédité à la direction musicale avec Georges. En dehors des chœurs, participez-vous de temps en temps au travail de direction musicale, avec votre frère ?

Michel Costa : Non. Pour Le Roi Lion, il y avait beaucoup de choses et c’était le début donc je lui ai donné un coup de main.

Georges Costa : Tu m’as aidé pour Hercule aussi.

Michel Costa : Oui, pour Hercule, car c’était un grand film, où il y avait beaucoup de monde.

Georges Costa : Et puis il y avait les cinq muses. Comme les chanteuses qui les doublaient ne lisaient pas la musique, j’avais demandé à Michel de s’occuper de leur apprendre leurs voix. 

Michel Costa : On est toujours les deux sur tout mais Georges est plus sur le doublage et moi sur les jingles. Je m’occupe de notre studio avec Nicolas (fils de Georges Costa, NDLR) pour la partie technique.

DLODS : A l’époque du Roi Lion, vous avez dirigé le doublage des chansons de L’Etrange Noël de Monsieur Jack. Olivier Constantin, l’un de vos chanteurs solistes et choristes habituels double superbement Jack pour les chansons… et les dialogues !
Tandis que les directeurs artistiques vous proposent des comédiens qui peuvent chanter leurs rôles, j’ai l’impression que l’inverse est assez rare : à part Olivier Constantin/Jack, Dominique Poulain/Cendrillon, Bénédicte Lécroart/Belle et Jean-Claude Corbel/Le Fou, peu de chanteurs ont assuré des rôles parlés…

Michel Costa : Vous avez raison de poser la question, c’est très rare qu’on dise « Voilà c’est un chanteur,  il pourrait faire aussi la partie comédie ». De temps en temps, il arrive qu’on nous dise « Au fait, il fait la comédie… mais il chante aussi ! », mais c’est rare que ça marche dans l’autre sens.

Georges Costa : Même Olivier qui a fait tout le rôle de Jack, on ne l’appelle jamais comme comédien, parce qu’il est étiqueté chanteur alors qu’il pourrait très bien faire de temps en temps de la comédie.

Michel Costa : Il avait fait les dialogues parce que le rôle chanté était tellement énorme et tellement imbriqué dans le film que c’était difficile de prendre deux voix différentes, alors on avait essayé de voir s’il pouvait faire les dialogues.

Daniel Beretta
Georges Costa : En même temps les comédiens qui doivent chanter, c’est pareil : ce n’est pas leur boulot. Quand ce n’est pas très compliqué ils peuvent le faire. Mais quand c’est vraiment des chansons, ils ne peuvent pas. Et c’est vrai que les comédiens-chanteurs qui peuvent aussi bien faire l’un que l’autre il n’y en a pas cent cinquante. Il y a Bernard Alane, Daniel Beretta, Gérard Rinaldi…

Michel Costa : Et puis il y a toujours cette barrière. Karine avait commencé à faire du doublage, comme Olivier. Fred avait à doubler un téléfilm qui s’appelait Polly, avec un personnage de petite black qui chantait et qui parlait très souvent. Il m’a proposé d’essayer Karine pour les deux, dialogues et chant. Elle l’a fait et elle s’en est très bien sortie, mais ça n’est pas allé plus loin. On l’appelait quand il y avait une chanson et non pas un dialogue.

Georges Costa : Il n’y a qu’une chanteuse qui a réussi à bien s’imposer en comédie c’est Claire Guyot. Mais peut-être qu’elle avait commencé la comédie avant…

DLODS : Toujours dans L’Etrange Noël de Monsieur Jack, Philippe Videcoq, l’adaptateur des dialogues et chansons, est aussi crédité comme voix parlée et chantée de personnages…

Georges Costa : Oui il a fait un personnage de temps en temps. Je me rappelle qu’il avait fait quelque chose à Epinay, en remplacement d’Eric Metayer (Iago dans Le Retour de Jafar, NDLR). C’est un très bon adaptateur de dialogues et de chansons. Je trouve qu’il écrit très bien, et c’est super synchro. C’est quelque chose qui s’est un peu perdu, je trouve.

DLODS : Vous avez aussi beaucoup travaillé avec l’adaptateur Luc Aulivier…

Georges Costa : Oui mais on ne sait pas ce qu’il est devenu. Un jour il a disparu. J’ai essayé de le joindre à un moment parce qu’il y avait une chanson à ajouter pour un DVD bonus de Pocahontas, et je n’ai pas réussi. Finalement c’est moi qui ai fait l’adaptation, et depuis je n’en ai plus entendu parler.
Par contre Philippe à l’époque travaillait moins pour les doublages de chansons, et là ils l’ont repris pour celles de La Princesse et la Grenouille, et on a donc retravaillé ensemble. Il ne fait pas de fautes de  synchronisme, de pieds, etc. On avait collaboré ensemble sur Aladdin.

 Chanson du film La Princesse et la Grenouille (2009) interprétée par Olivier Constantin


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