mercredi 18 décembre 2019

Décès de Jeanette Baucomont (1926-2019)

Je viens tout juste d'apprendre avec tristesse, par sa famille, la disparition de Jeanette Baucomont (membre fondatrice des Swingle Singers).

Jeanette Baucomont naît Jeanne Duclaux le 28 septembre 1926 à Clermont-Ferrand, mais grandit dans le sud de la France. Elle obtient des premiers prix en chant, piano et solfège au Conservatoire de Montpellier, et monte à Paris.
Les renseignements sur ses débuts sont rares, mais on sait que, soprano soliste, elle chante à l'Opéra et à l'Opéra-Comique, enregistre quelques disques lyriques et fait partie de la Société de Musique Ancienne de la Comtesse de Chambure.

Au milieu des années 50, Jeanette Baucomont intègre les équipes de choristes de variétés qui viennent de se constituer autour de Janine de Waleyne, Mimi Perrin et Christiane Legrand, participation au départ épisodique (car elle est étiquetée "lyrique") puis de plus en plus régulière. Sans avoir la position de soprano soliste et lead de Christiane Legrand ou Janine de Waleyne (ou plus tard Danielle Licari et Françoise Walle), elle devient néanmoins, avec talent, l'une des choristes les plus actives dans la période 1956-1968, et encourage les débuts de plusieurs choristes comme Jean Stout ou Jackye Castan. "Jeanette faisait partie de mes amies préférées parmi notre groupe de chanteurs" se souvient Bob Smart. "Elle était douce, gentille, et avait une voix magnifique."


Jean Leccia et son orchestre (1960)
Choristes: Claude Germain, Inconnu, Jean-Claude Briodin, Jacques Hendrix
Christiane Legrand, Jeanette Baucomont, Janine de Waleyne, Mimi Perrin

Jeanette Baucomont accompagne en studio la plupart des chanteurs de l'époque (Léo Ferré, Eddy Mitchell, Johnny Hallyday, Fernandel, John William, etc.). On la retrouve aussi dans bon nombre de groupes vocaux (Les Fontana, Les Barclay, Les Riff, etc.), musiques de film (Ginny dans Les Parapluies de Cherbourg (M. Legrand), Le Gendarme de Saint-Tropez (R. Lefebvre), etc.), disques orchestraux (vocalise solo de "Oui, devant Dieu" dans Douce ambiance rêve et danse de Jean-Michel Defaye (merci Serge Elhaïk)) et doublages de films musicaux (choeurs de Mary Poppins, Shirley Temple's Storybook, etc.) de cette époque, ainsi que dans quelques créations contemporaines (Laborintus II de Luciano Berio, avec Christiane Legrand et Claudine Meunier).
En soliste, elle chante dans plusieurs titres de l'orchestre Jacques Hélian dans la période 1961-1963.


Jeanette Baucomont (voix de Ginny) dans Les Parapluies de Cherbourg (1964)

En 1963, elle fait partie (comme soprano) de la création des Swingle Singers aux côtés de Christiane Legrand (soprano soliste), Anne Germain et Claudine Meunier (altos), Ward Swingle et Claude Germain (ténors) et Jean Cussac et Jean-Claude Briodin (basses).
Séance d'enregistrement
des Swingle Singers (c.1964)
Jusqu'en 1968, elle enregistre avec le groupe 11 albums (de Jazz Sebastian Bach à Noëls sans passeport) et participe à toutes les tournées (concert à la Maison-Blanche, campagne électorale de Lyndon Johnson à travers les Etats-Unis, création du Sinfonia de Luciano Berio avec Leonard Bernstein). Des ennuis de santé au cours desquels elle perd partiellement ses aigus, lui font quitter le groupe en 1969 (elle est remplacée par Nicole Darde).


The Swingle Singers: Suite anglaise n°2 de Bach (c. 1963)
J.-C. Briodin, J. Baucomont, C. Germain, C. Meunier, 
J. Cussac, C. Legrand, W. Swingle, A. Germain



Enregistrement de Boulevard du Rhum
F. de Roubaix (banjo), M. Barouille,
H. Czarniak, C. Germain, J. Baucomont,
M. Dornay (cachée),
H. Tallourd et J. Stout
(c) Archives François de Roubaix
(Remerciements: Gilles Loison)

Après les Swingle Singers, elle continue pendant quelques années les séances (on la retrouve comme choriste dans les B.O. de Boulevard du Rhum (François de Roubaix), Doucement les basses (Claude Bolling), etc.). Claude Chauvet, qui débute dans les choeurs à ce moment-là, en garde le souvenir d'une "grande pro, un peu intimidante". Mais elle fait partie des choristes progressivement mises sur la touche en raison de l'évolution de la façon de chanter (les voix timbrées laissent la place à des voix beaucoup plus éthérées) et l'arrivée d'une nouvelle génération de choristes pouvant répondre à ce changement.

Son amie Michèle Conti et elle deviennent professeures de piano dans le même conservatoire (Soisy-sur-Seine). En dehors de Claudine Meunier et Alice Herald, elle garde assez peu de contacts dans le "métier". Il y a une dizaine d'années, je partage un échange téléphonique très sympathique avec elle mais elle refusera quelques années plus tard de m'accorder un entretien complet, ayant définitivement tiré un trait sur ses années de studio.

Jeanette Beaucomont s'est éteinte le 1er juillet 2019 à Paris (la nouvelle n'a pas été communiquée à ses amis du métier, je ne l'ai apprise que le week-end dernier, par son petit-fils). Elle était veuve du footballeur Robert Baucomont, et laisse dans la peine trois enfants et plusieurs petits-enfants. Mes pensées vont vers eux.


Jeanette Baucomont interviewée avec les autres Swingle Singers sur ses loisirs
(Le temps des loisirs, 1968)


Jacques Hélian et son nouvel orchestre: Les filles du midi (avril 1961)
Solistes: Jeanette Baucomont et a priori Hubert Giraud et Vasso Marco
(4CD Festival Jacques Hélian et son nouvel orchestre : intégrale 1960-1969, Marianne Mélodie)


Suivez toute l'actualité de "Dans l'ombre des studios" en cliquant sur "j'aime" sur la page Facebook.

mercredi 4 décembre 2019

Décès de Francette Vernillat (1937-2019)


J'ai appris avec tristesse (par Jean-François Guyot (AFP) et par Vincent Vernillat, qui m'a apporté des informations complémentaires) la disparition de la comédienne Francette Vernillat (mythique voix française de Tom Sawyer) lundi 2 décembre 2019 à Fontenay-lès-Briis. 

Francette Vernillat (de son vrai nom France Benitte) naît le 16 avril 1937 d'une mère harpiste, musicologue et future directrice de production 
(France Vernillat) et d'un père médecin des armées. Encouragée par ses parents, la petite Francette brûle les planches dès l'âge de sept ans. En véritable enfant de la balle, elle touche à plusieurs aspects de la comédie: cinéma (Monsieur Vincent de Maurice Cloche, qui reçoit un Oscar d'honneur ou Thérèse Raquin de Marcel Carné), théâtre (deux ans au Théâtre de l'Odéon (Louison dans Le Malade Imaginaire, etc.) et des grandes créations dans des théâtres privés, comme Les Sorcières de Salem avec Yves Montand), radio (participation au Club d'essai de la R.T.F., des dizaines d'enregistrements de pièces radiophoniques où elle côtoie Pierre Brasseur, Marcel Aymé, etc.) et doublage (Autant en emporte le vent et Bambi à la Libération)... 
En 1955, à 18 ans, Francette met au monde son fils aîné, Vincent, et aura dans les années qui suivent neuf autres enfants. Pendant cette période, sa carrière artistique est en pointillés, même si elle participe occasionnellement à des doublages et à des tournées théâtrales. A la mort de son mari en 1980, ses amis du doublage la soutiennent, et font appel à son talent. Elle devient l'une des voix de petits garçons les plus célèbres dans les années 80, notamment dans les dessins animés doublés à la SOFI: Bouba le petit ourson (Bouba), Tom Sawyer (Tom Sawyer), Petit Boy (Clémentine), etc.
Au début des années 2000, elle est heureuse d'avoir l'opportunité de doubler enfin un rôle important correspondant à son âge, la mère de Tony Soprano dans la série Les Soprano, mais quelques années après elle s'éloigne définitivement des plateaux de doublage.
Lundi 2 décembre 2019, elle s'éteint à Fontenay-lès-Briis, laissant une grande famille et toute une génération de "fans" dans la tristesse.
Ses obsèques auront lieu lundi 9 décembre 219 à 10h, Eglise Sainte-Trinité, à Montlhéry (91310).

Evelyn Selena m'a écrit ce mot, que je reproduis ici avec son accord: "Il y a quelques jours j'ai repensé à elle et à nous en regardant à la télévision "Les Sorcières de Salem", elle ne jouait pas dans le film mais avait participé à la création de la pièce avec la même troupe, quand elle avait 15 ans. Francette était la générosité même, toujours disponible pour ceux qui avaient besoin d'aide. Elle a été pour moi une amie comme on n'en fait plus, jusqu'au jour où elle a quitté sa maison pour une autre, dans une banlieue plus lointaine. Je l'ai remerciée et la remercie encore pour tout ce qu'elle a fait pour moi.Je l'ai connue sur le doublage de "Dallas" à la SOFI où elle faisait la voix de mon fils. Les sociétés du doublage lui confiaient uniquement des voix de petits garçons ; seul Jean-Pierre Steimer (Synchro Mondiale) lui faisait aussi doubler des actrices de son âge..."


Suivez toute l'actualité de "Dans l'ombre des studios" en cliquant sur "j'aime" sur la page Facebook.