samedi 10 mars 2018

Evelyn Selena : Rencontre avec une drôle de dame (Partie 3/3)

Troisième partie de mon interview d'Evelyn Selena (Première partie ici et Deuxième partie ici).


Dans l'ombre des studios : Au doublage, on vous a aussi souvent retrouvée sur des grands rôles de séries, principalement pour un studio bien connu des voxophiles, qui s’appelait la S.O.F.I…

J’ai rencontré par hasard Pierre Salva (patron de la S.O.F.I., père de Michel Salva qui a ensuite pris sa succession, ndlr) dans un café, il m’a demandé « Comment ça se fait que vous soyez là tous les soirs ? », il a dû penser que j’étais une entraîneuse (rires). Je lui réponds « Parce que je travaille en face, je joue au théâtre ». Il m’a alors dit qu’il cherchait des voix nouvelles et j’ai commencé à vraiment travailler au doublage grâce à la S.O.F.I. On me donnait de petits rôles à chaque fois différents, pour voir comment je réagissais. Certains comédiens ont joué le même rôle toute leur vie au doublage, on leur a donné une profession, « Si c’est un médecin légiste, on va prendre René Beriard » (rires). Ca n’a pas été mon cas.  J’avais une voix tellement claire, fraîche, il me mettait sur des personnages parfois un peu trop lourds pour moi, je m’en accommodais en essayant de baisser un peu ma voix, mais je n’atteignais pas les graves que je voulais à l’époque. C’est comme ça que j’ai commencé à gravir les échelons dans le monde de la série.

DLODS : Plus tard pour la S.O.F.I., vous avez doublé Jaclyn Smith (Kelly) dans la série Drôles de Dames.

C’était très sympa, un beau souvenir. Le jour des essais j’étais aphone, pas un son ne sortait de ma gorge, j’ai téléphoné au bureau avec le peu de voix que j’avais, on m’a dit « Viens quand même ». En arrivant, quand Michel Salva m’a vue dans cet état-là, il m’a dispensée d’essais et j’ai été acceptée de suite. Perrette et Béatrice ont passé les essais, et le client (Jacqueline Joubert) a mis un moment avant de décider qui doublerait qui. Le choix est finalement devenu celui que vous connaissez aujourd’hui, et heureusement car quand vous entendez Béatrice sur Farah Fawcett, c’est une telle réussite… Quand ça passe à la télévision, je réécoute, je trouve qu’il y a un peps extraordinaire, nous sommes toutes sur le coup, il y a une joie de vivre qui ressort de ces enregistrements et qu’on ne retrouve plus nulle part.

Evelyn Selena, Perrette Pradier, Béatrice Delfe, Jean Berger, Philippe Dumat 
et d'autres comédiens sur le doublage de Drôles de Dames (1977)

DLODS : Qui dirigeait la série ?

Pierre et Michel Salva et Jacques Torrens au début. Puis à partir de 1985, toute une vague de comédiens devenus directeurs artistiques à la S.O.F.I.: Francis Lax, Gérard Dessalles, Philippe Ogouz, Maurice Sarfati, Bernard Tiphaine, etc.

DLODS : Avez-vous gardé des liens proches avec ces « drôles de dames » ?

Je travaille de temps en temps avec Béatrice Delfe, qui est restée une amie. A ses débuts, c’était un exemple de droiture, d’exigence, de courage. Elle était plus jeune que moi, mais elle osait faire des choses auxquelles je ne pensais même pas.

Perrette Pradier n’est plus là. A l’époque, c’était elle la star dans tous les studios : chez Michel Salva (S.O.F.I.), Michel Gast, Jenny Gerard et Jean Droze (S.N.D./P.M./L’Européenne de Doublage), Gérard Cohen (Record Films), etc. Elle travaillait comme une folle, arrivait souvent en premier choix, Béatrice en deuxième et moi en troisième.

DLODS : Dans Drôles de Dames, il y avait aussi Philippe Dumat (Bosley)…

Je l’ai d’abord connu en jouant à ses côtés dans une pièce de Dominique Nohain, il jouait un inspecteur de police. On s’était retrouvé à Villefranche-sur-mer, sur le port, on faisait des photos ensemble. Lui et moi avons immédiatement sympathisé. J’aimais son humour, sa tournure d’esprit, son talent pour raconter des histoires débiles pour le plaisir de nous faire mourir de rire. C’était vraiment quelqu’un de bien. On a énormément travaillé ensemble, il avait une bouche en caoutchouc mousse, il arrivait à « remplir » quand il manquait des mots sur la rythmo.
Dans Docteur Quinn, femme médecin où je doublais Jane Seymour, lorsque Michel Gudin a arrêté de doubler Orson Bean (Loren) et a été remplacé par Raymond Baillet, j’ai été ravie que Philippe prenne le relais (à partir du début de la troisième saison, ndlr).

DLODS : Parmi les personnages célèbres que vous avez doublés, Sue Ellen (Linda Gray) dans Dallas. Quels souvenirs gardez-vous de ce doublage ?

Linda Gray (Sue Ellen)
Au début c’était très sérieux, on se réunissait tous les quinze jours dans le café du trottoir d’en face, rue Mermoz. Michel Salva, qui dirigeait la série, disait « J’ai regardé ce qu’on a fait hier. Dominique, je n’ai rien à te dire, tu es dedans, formidable. Philippe, fais attention, Bobby c’est pas un faux-cul, c’est quelqu’un qui est droit, c’est le contraire de son frère. » Donc il donnait des indications à tout le monde. Arrive mon tour « -Toi, tu vas arrêter de pleurer » «-Oui, mais elle pleure tout le temps », « -Tu laisses l’image. Tu as une émotion, tu as un sanglot, mais je ne veux pas entendre de larmes dans ta voix ». Il avait raison.
Après c’est allé à vau-l’eau car il a laissé la direction à des comédiens pas prêts ni formés à diriger. Chacun faisait à sa façon, pas toujours dans la bonne direction.

DLODS : Le suivi des voix dans les doublages réalisés à la S.O.F.I. était très aléatoire, on s’en rend compte notamment sur des dessins animés, avec des personnages réguliers parfois doublés par trois ou quatre comédiens différents.

C’étaient les secrétaires de la S.O.F.I. qui établissaient les distributions pour les rôles secondaires, sans qu’il y ait aucun suivi. Parfois une secrétaire me demandait « Evelyn, il y a un personnage qui revient, gros, moustachu, par qui il était doublé ? », j’étais devenue l’encyclopédie du doublage de Dallas (rires).
William Sabatier doublait dans Dallas Howard Keel, un acteur que j’adorais pour l’avoir vu dans des films hawaïens (au Maroc on nous passait tous les films hawaïens, avec des comédiennes maquillées comme des camions volés, et des fleurs sur la tête comme Hedy Lamarr, ça nous faisait rêver). Puis dans la série le personnage joué par Howard Keel disparaît, et ils prévoient de mettre William Sabatier sur un autre Howard, Howard Duff, avec les cheveux grisonnants alors que Howard Keel avait les cheveux blanc. J’ai posé la question mais personne ne s'était rendu compte de rien, ils n’ont pas la mémoire des visages, ni l’oreille musicale.

Par ailleurs, sur les plans de travail il y avait les noms des récurrents, et parfois sur certains rôles c’était noté « Michel Salva », ce qui voulait dire « Débrouillez-vous sur le plateau ». Alors quand il y avait Francis Lax sur le plateau, il le faisait en disant que personne n’allait le reconnaître. Je lui disais « Tu rigoles ? Tu fais tout pour qu’on te reconnaisse, avec ton « n’est-ce pas ? » que tu cases tout le temps. Il sert à quoi ce « n’est-ce pas » ? » « -Ca sert ! » (rires).

DLODS : Pourquoi les directeurs de plateau n’étaient-ils pas plus impliqués ?

C’est lié à la création de la Cinq en 1985. Il y a eu un afflux énorme de nouvelles séries en France, et le travail est devenu gigantesque pour les studios de doublage: on travaillait le dimanche, le soir jusqu’à minuit, les jours fériés, etc. et on manquait de comédiens et de directeurs artistiques. Du coup, il y a eu toute une vague de ringards qui a commencé à travailler à ce moment-là (on prenait n’importe qui, même des maîtres-nageurs, profs de sport, etc.), et de nombreux comédiens (comme Philippe Ogouz, Jean-Claude Montalban, Pierre Trabaud, etc.) sont devenus directeurs de plateau à la S.O.F.I. Certains sont restés sympas, comme Francis Lax, et d’autres ont pris la grosse tête.

Une fois, dans un téléfilm ou je doublais Jaclyn Smith qui arrive comme ambassadrice dans un pays de l’Est, Dominique Paturel devait me dire « Je m’appelle Mike Slade, je suis votre subordonné, si vous avez besoin de quoi que ce soit je suis là. Entre nous, mes amis m’appellent Mike ». Pour le remettre à sa place, lui faire comprendre que je n’étais pas son ami, je devais lui répondre « -Très bien, bonsoir Monsieur Slade ». Et le chef de plateau voulait que je dise « Bonsoir, Monsieur Mike », ce qui ne voulait rien dire (on ne dit pas « Madame Evelyn »), et changeait complètement le sens. Je lui ai dit que je refusais de le faire, car on m’aurait fait revenir pour un retake qui m’aurait coûté de l’argent en déplacement, alors que lui aurait été sur un autre plateau pendant ce temps-là en train de gagner de l’argent. Il s’est mis en colère « Toi, l’étrangère, va faire du doublage à Tombouctou et fiche-moi la paix!».

Une autre fois, ce chef de plateau a dit à Bernard Lescrauwaet, ingénieur du son aux auditoriums de Mermoz qui avait une oreille musicale étonnante et des doigts de fée : « Voilà ce qu’on va faire aujourd’hui, tu passes la boucle une fois, on enregistre et on ne réécoute pas ». Bernard, qui était très zen, est devenu écarlate, il n’a pas répondu. « -T’as entendu, je te parle » « -Je m’en vais » « -Pourquoi ? » « -Jusqu’à maintenant j’ai essayé de faire du bon travail, j’ai eu des grands metteurs en scène sur le plateau, des grands réalisateurs français, personne ne m’a demandé une connerie pareille, ce n’est pas maintenant avec toi que je vais commencer à faire de la merde, alors je me tire ».

Un autre de ces directeurs artistiques (qui était venu nous « expliquer nos personnages » sur Drôles de Dames alors que ça faisait cinq ans qu’on doublait la série) a eu une fois, sur un film allemand, plus de retakes que de lignage.

DLODS : Pour en revenir à Dallas, c’était une série tellement populaire, que vous avez parfois reçu du public des réactions assez… inattendues.

On m’a dit un jour, en me jugeant de la tête au pied « Je peux vous poser une question, Madame ? Quand on est mariée à un homme comme J.R. qui vous donne tout ce que vous voulez, vous croyez que c’est bien de le tromper ? ». Une autre fois : « Madame, quand on a un petit enfant, on ne le laisse pas tout seul dans son lit. Ce n’est pas un jardin que vous avez, c’est un parc. Les chevaux ils sont dehors, ça oui. Mais votre bébé, jamais il ne voit le jour. »
C’était vrai car on ne voyait jamais cet enfant dehors, ni même à table pour l’apéritif, dans son landau.
Un jour je vais chez une copine qui tenait une boutique de vêtements. Elle me demande « -Alors, tu viens de Dallas, qu’est-ce qu’il se passe ? » «- Alors là ça tourne à la rigolade » « -Ah bon pourquoi ? » « -Parce qu’elle s’est tapée le père et maintenant il y a le fils qui est là, il est amoureux d’elle, malheureusement il a eu un accident d’avion alors il roule dans une petite charrette ». J’étais morte de rire, et une cliente me dit avec la gorge nouée « Je ne vois pas ce qui vous fait rire, Madame, franchement. » Je regarde ma copine en me demandant ce que j’ai dit de mal. La femme se met à pleurer. « Mon gendre c’est ce qui lui est arrivé. Et la belle-mère, ça ne l’a pas empêché d’avoir le cancer du sein. »
Les gens s’identifiaient à tout ça, à la famille Ewing et il ne fallait pas en dire du mal, pas critiquer, car ils retrouvaient leur propre histoire.

Dominique Paturel et Evelyn Selena rencontrent Larry Hagman et Linda Gray 
dans l'émission Champs Elysées (1986)

DLODS : Vous avez eu l’occasion de rencontrer Linda Gray sur le plateau de l’émission Champs-Elysées de Michel Drucker, avez-vous pu rencontrer d’autres actrices que vous avez doublées ?

Non, la seule actrice que j’ai rencontrée était Linda Gray, que j’ai vue pendant un court moment sur le plateau de Drucker avec Larry Hagman et Dominique Paturel, je ne l’ai même pas vue en dehors. Quand je suis sortie de ma loge, j’ai vu Michel Drucker assis dans une immense loge où il se faisait démaquiller.  « -Excusez-moi, où sont descendus Larry Hagman et Linda Gray ? » « -Pour quoi faire ? » «- Pour les remercier de leur gentillesse, les Américains sont des gens à part, ils vous parlent comme s’ils vous connaissaient depuis des années, j’aurais aimé dire des gentillesses à Linda Gray » « -Qui êtes-vous ? » « -Comment ça, qui je suis ? Evelyn Selena. Je suis la voix de Linda Gray, vous m’avez interviewée il y a quelques minutes à peine, sur votre plateau en direct ». Il ne me regardait que dans son miroir, ne voulant pas se retourner : «-Si vous n’avez rien d’autre à faire ce soir on organise une fête à l’hôtel » « -Paturel est invité ? » « -Oui » « -Vous êtes très gentil mais comme les autres ont reçu un bristol… ». Je suis partie, et ne suis pas allée à la soirée.

DLODS : En 2012, donc bien des années après l’arrêt de la série, Dallas est revenue avec une nouvelle saison…

Ca m’a fait de la peine de voir ces gens qui étaient si brillants dans la première mouture devenir aussi ravagés. Larry Hagman était brillant à l’époque et là il n’avait plus sa voix ni son regard, il avait perdu beaucoup de poids, ses cheveux. Linda Gray avait déjà été traficotée à l’époque, mais on ne le voyait pas ; là avec les injections tout est ressorti, on a vu tout ce qui avait été fait avant. Il ne restait que ses tics : le mordillement des lèvres, le balancier de hanches quand elle marchait, etc. La fiancée de Bobby ressemblait à un mannequin en plastique qu’on voit dans les vitrines. Je me suis dit « à quoi ça sert, tout ça ? ».
Quant au décor, il était à l'époque très kitch et peut-être signe de mauvais goût, mais on voyait que ça venait de baraques friquées. Là dans la dernière saison quand j’ai vu le décor j’ai dit à Barbara Tissier « Mais ils ont tourné ça à Ikea ? » (rires).

DLODS : Vous avez quand même eu du plaisir à retrouver Dominique Paturel…

Oui, car c’est un bonheur de travailler avec lui. Je déteste les gens qui le remplacent, je ne le supporte pas. Je ne sais pas qui double Michael Caine en ce moment, mais c’est décevant.
Il faut arrêter de prendre les gens pour des cons, le public n’est peut-être pas comédien mais il a de l’oreille. Mon immeuble est grand, et certains savent que je fais du doublage, quelque fois quand un film sortait, on venait m’engueuler « Pourquoi vous n’avez pas doublé « Sur la route de Madison », vous étiez où ? Il est mauvais, ce doublage… ». Une fois je demande dans un magasin « C’est à quel étage, les canapés ? » et là le vendeur me regarde, tétanisé : « Vous n’êtes pas la voix du Docteur Quinn ? » (rires).

DLODS : Cela doit vous épater qu’il y ait de vrais passionnés de doublage.

Oui, je trouve formidable qu’il y ait des gens comme vous ou David Gential qui soient passionnés, convaincus, entêtés, et qui fassent toutes ces recherches bénévolement. Quand David a commencé à contacter des comédiennes, une grande partie l’a envoyée valdinguer. Qu’est-ce que ça fait de perdre un peu temps pour enrichir la passion de quelqu’un ? Qu’on ne dise pas après ça que je suis méchante. Ou alors, il ne faut pas me demander mon avis quand on n’est pas sûr que je donne la réponse attendue.

DLODS : Je sais que vous gardez un bon souvenir de la mini-série franco-irlandaise Les Roses de Dublin (1981), où vous doubliez Bernice Toolan…

Le réalisateur, Lazare Iglesis, voulait un vrai enfant de dix ans pour doubler celui qui jouait mon fils car il en avait marre d’entendre des femmes trop âgées doubler des enfants. Il a fait venir de vrais enfants, et c’était encore plus inécoutable car ce n'étaient pas des comédiens.
Au moment de passer mon essai, Jean Droze me dit « Tu ne connais pas quelqu’un qui pourrait doubler ton fils ? », je lui réponds « -Jackie Berger » « -Je lui en ai déjà parlé mais il n’en veut pas, c’est une fille » et là le réalisateur me dit « -De qui parlez-vous, tous les deux ? » « -De Jackie Berger. Vous devriez la faire auditionner en tournant le dos et en vous laissant guider par sa voix, vous verrez, sur les garçons de 12-13 ans maximum c’est troublant, j’y crois dur comme fer ». J’ai insisté et, avec le soutien de Jean Droze, il a accepté.
Je crois que Jackie fonctionne comme moi, c’est une battante, elle a donné le maximum, et a été prise.
Elle a fait un travail magnifique sur ce petit garçon qui était tellement craquant à l’image, avec des scènes difficiles et bouleversantes. En voix d’enfants c’était la meilleure, elle avait fait une vraie composition de personnage, qu’elle a su garder et adapter. Pendant des années, Francette Vernillat a fait de très jolies choses, mais la voix s’altère au fil des ans.

DLODS : On peut vous entendre aussi dans quelques films d’animation Disney comme Alice au Pays des merveilles (la sœur d’Alice, redoublage de 1974), Pinocchio (la Fée bleue, redoublage de 1975) ou La Belle et le Clochard (Peg, redoublage de 1989)…

J’ai beaucoup aimé La Belle et le Clochard. Patrick Poivey fait partie de ceux que j’aime, qui ont du talent, qui apportent quelque chose d’original. Dans ce film, je ne chantais pas. Je ne comprends pas qu’on ne fasse pas passer des essais aux comédiens sur les chansons, et qu’on prenne souvent des choristes avec des voix très différentes de la voix parlée. Les Claude Bertrand, Philippe Dumat, Roger Carel chantaient bien, et ils étaient souvent remplacés. Dans Les Aristochats, quand Michèle André chante, il y a un phrasé musical d’une justesse incroyable.

DLODS : Vous êtes justement tombée sur un contre-exemple, car c’est une choriste, mon amie Anne Germain, qui chante à la place de Michèle André dans Les Aristochats

Dans ce cas bravo à cette choriste, le raccord était parfait et je me suis fait avoir.

DLODS : Aimiez-vous doubler des dessins animés ?

Pas vraiment, car je n’arrivais pas à modifier ma voix. Sachant que j’ai un tempérament vif dans la vie, on me donnait des hystériques qui beuglaient comme des folles, alors je perdais ma voix, et certains directeurs artistiques s’en fichaient. Il y en a quand même un qui m’amusait, c’était Clémentine, où pour doubler une chienne de la haute société, très snob, j’avais fait une imitation de Jacqueline Porel, avec ce côté « J’ai été élevée par une nurse anglaise et j’ai fait mes études aux Etats-Unis ». Un jour Jacqueline m’appelle : « -Je perds la mémoire, je viens de voir un dessin animé que je ne me souvenais même pas avoir fait, et pourtant c’est ma voix » «- Non, c’est moi, Jacqueline, j’ai voulu te rendre hommage en t’imitant » « -Mais c’est pas possible ! ». Elle était vexée comme un pou (rires).

DLODS : Parmi les hystériques en question, j’ai un petit faible pour votre Milady de Winter dans Albert le cinquième mousquetaire (1994).

L’enregistrement s’est fait dans des conditions particulières. La chaîne voulait des grands noms du théâtre et de la télé donc ils ont pris (en plus de Gérard Hernandez, Francis Lax, etc.) Roland Giraud, Corinne Le Poulain, Christian Alers, Michel Le Royer… et une comédienne connue qui était adorable, pleine d’émotion au cinéma, mais avait une voix étouffée qui ne collait pas avec celle de cette cinglée de Milady, qui est censée hurler sans arrêt. Le studio n’a pas eu le courage de le lui dire, donc ils m’ont demandé de venir tous les soirs pour refaire le travail qu’elle venait de faire dans la journée.
Plus tard ils ont dit à cette comédienne que le dessinateur avait enlevé le personnage de la série. J’aurais préféré qu’ils lui disent la vérité, qu’elle ne pouvait pas abîmer sa voix.
Evidemment c’est retombé sur moi, car quand je me suis mise à enregistrer avec les autres, Roland Giraud ne comprenait pas ce que je faisais là. Gérard Hernandez leur a expliqué la situation, il m’a défendu. Les gens se sont rendus à l’évidence, je n’étais pas une usurpatrice.
Suite à ce doublage, le producteur, Christophe Izard, m’a envoyé un courrier de remerciements et de félicitations.

DLODS : Dans l’équipe il y avait également Serge Lhorca, qui prêtait sa voix à Porthos…

Ah, Serge Lhorca… Je n’ai jamais entendu quelqu’un qui parlait aussi juste, avec autant de sensibilité, c’était une splendeur. Il était dans son monde, il ne comprenait pas l’anglais, l’allemand encore moins. Il parlait espagnol, c’était sa langue. Quand on lui passait la boucle en V.O. il n’écoutait pas : « Ca sert à quoi ? Je ne comprends pas ce qu’il dit » et devant la rythmo il lisait le texte avec un naturel, comme si c’était lui qui avait écrit le texte et qu’il savait ce qui s’était passé avant, ce qui allait venir après, etc. Je ne l’ai jamais vu déjeuner, je lui disais à chaque fois « -Allez, Serge, viens avec nous, on va se retrouver tous ensemble ça va être sympa » «- Non, je vais aller faire ma promenade… », il allait faire une heure de marche et il revenait. Son fils, Denis Llorca, est devenu metteur en scène.

DLODS : Puisqu’on parle de compréhension de l’anglais, je crois savoir que vous appréciez beaucoup Michel Mella…

Michel Mella
J’aime beaucoup Michel Mella, c’est un garçon extraordinaire, plein de pudeurs dans la vie, mais avec un cœur gros comme une maison, d’une générosité pas possible, et quand il joue la comédie il a un naturel -je ne sais pas d’où ça vient- que je lui envie, cette façon de dire les choses de manière quotidienne, c’est magnifique. Je ne sais pas pourquoi il n’est pas employé davantage. Je pense qu’il est trop doué (notamment parce qu’il est complètement bilingue, donc il entend quand il y a des approximations dans l’adaptation), et aujourd’hui il faut prendre des gens qui ferment leur gueule.

DLODS : Avez-vous essayé de faire de la direction artistique ?

Cela ne m’a jamais tenté. Par contre je m’étais dit qu’il faudrait que j’apprenne pour le cas où –cette prévision s’est réalisée, je dois être sorcière !- il m’arrivait quelque chose, que je travaille beaucoup moins et que j’aie besoin d’une porte de sortie. Jacques Barclay m’a dit  « Je n’ai rien à t’apprendre sur la direction d’acteurs car tu es une très bonne comédienne, par contre il faudrait que tu apprennes comment faire un plan de travail et tout ce qui est technique une fois que tu as le film en main ».
J’en ai parlé à Jacqueline Porel, elle a préparé une rame de papier, on aurait dit qu’il y en avait pour cinquante personnes avec cinquante pages chacun. « -Qu’est-ce qu’on fait, Jacqueline ? » «-Tu veux apprendre à diriger ? » « -Oh tu sais, il n’y a rien d’urgent » « -Ah bon, c’est comme tu veux » « -Puisqu’on y est on va le faire », et là elle a gardé le silence, m’a regardé fixement et m’a dit « On ne fait rien, on va déjeuner ». On n’en a jamais reparlé, j’ai su qu’elle avait été beaucoup plus patiente pour apprendre le métier à d’autres comédiens. Parfois il faut laisser tomber et ne pas insister.

DLODS : Avez-vous des regrets dans votre carrière ?

Il y a eu beaucoup d’actes manqués dans ma carrière. J’aurais aimé faire plus de théâtre, de cinéma, et un peu plus de télé comme tout le monde, malheureusement cela n’a pas été possible. Le cinéma, je ne connaissais personne. Le théâtre ce n’était même pas la peine de se présenter, il fallait avoir un nom susceptible de faire venir les spectateurs, être une « tête d’affiche », les gens ne se déplaçaient que pour des personnalités.
Pour ce qui est de la télévision, on parle beaucoup de harcèlement sexuel en ce moment, mais c’était ça tout le temps.
Un jour, un réalisateur médiocre me propose un rôle important dans une mini-série : « -Vous avez un permis de conduire ? » « -Non. » « -Ce n’est pas grave, je peux l’obtenir dans les deux jours, c’est une formalité. Vous savez nager ? » « -Oui. ».
Dans le scénario, il fallait que je parte en voiture sur une route en lacets de Nice à Menton, d’un côté c’était la montagne, de l’autre c’était le précipice… avec le caméraman arrimé sur le capot de la voiture ! Dans ces conditions je devais arriver jusqu’au bord de mer, prendre un canot qui explosait au large, nager jusqu’au rivage, poursuivie par un hors-bord qui ne me rattrapait pas tellement je nageais vite. Je lui dis : « -Même aux jeux olympiques, on ne réussirait pas ce prodige… » « -C’est le miracle du cinéma ! ». Tout était réglé, et là il m’invite à déjeuner pour reparler du rôle. En montant l’étage pour accéder au restaurant il soulève ma robe « -Vous êtes malade ou quoi ?» « -Comment voulez-vous que je vous dirige si je ne vous connais pas bibliquement ?» « -S’il fallait que je couche avec tous les réalisateurs de le la télé pour avoir un rôle je n’en finirais pas !».
Une autre fois, alors que j’étais encore au conservatoire, j’apprends qu’on monte pour la télé On ne badine pas avec l’amour, que je connaissais bien car je l’avais répété pour mon entrée au conservatoire et Georges Chamarat avait été adorable et m’avait distribué quand il avait monté le spectacle. Je vais voir le metteur en scène de la télévision avec un paquet de photos, il les bat comme on bat un jeu de cartes et me dit : « -Et à poil, vous n’avez rien ? » « -Pour le rôle de Camille ? » «-Pour le rôle de Camille… ou un autre » «- Non, j’y penserai peut-être, mais je n’ai encore jamais vu de filles à poil à la télévision ». Finalement, il a pris sa femme, qui n’avait ni l’âge ni le physique du rôle. Quelle chance je peux avoir, moi, là-dedans ? Si vous n’avez pas un appui sérieux qui dit au réalisateur « Allons, tu ne vas pas prendre ta femme pour ce rôle-là, elle pourrait jouer la mère supérieure mais pas Camille… », c’est foutu.
Une autre fois, l'un des plus grands réalisateurs de la télévision m’avait appelée pour un essai. Il y avait une foule devant sa porte, on aurait dit que c’était la guerre et qu’on allait distribuer des morceaux de pain. Alors que j’étais l’une des dernières arrivées, il me fait entrer, et me fait attendre pendant plusieurs heures sans me faire passer d’audition, pour finalement m’avouer : « -Je suis obligé de faire semblant de faire passer des auditions mais on m’a conseillé telle comédienne, car elle est imposée par untel. Mais je vais t’inviter à dîner, je suis sûre que tu n’es jamais montée dans une Mercedes 190 SL » « -Je n’en ai rien à foutre, je veux partir ! ». Il m’a proposé de me raccompagner et j’ai refusé, alors que le quartier des Buttes-Chaumont était dangereux à l’époque, à part les studios de télévision il n’y avait rien, pas d’habitations, et pas de station de taxi.

J’ai tourné un téléfilm, Celui qui n’y croyait pas (1965) pour Jean-Paul Carrère, un monsieur très élégant, très « Jacques Barclay ». Quelques temps après ce tournage, il me convoque pour me dire « -Je cherche un couple de comédiens pour tourner dans une adaptation des « Hauts de Hurlevent », vous avez le tempérament de Catherine, est-ce que ça vous intéresse ? » « -Oh oui, depuis que j’ai vu ce film j’ai toujours rêvé de jouer Catherine, c’est une battante, une fonceuse. » « -J’ai pensé à un comédien pour Heathcliff, mais je ne suis pas sûr de moi, il fait trop bûcheron. Voyez-vous quelqu’un qui ait ce gabarit là tout en étant élégant ? ». Et je lui parle de mon ami Claude Titre, qu’il ne connaissait pas, et lui donne ses coordonnées.
Je venais régulièrement de Nogent-sur-Marne à Paris pour parler avec lui de l’avancée du projet, mais il hésitait encore à me choisir :  « -Vous êtes tellement brune que ça me fait peur !» « -Merle Oberon aussi était brune dans le film… » «-Oui, mais c’était une erreur. » «-Je ne suis pas de votre avis, il ressort physiquement ce qu’elle a intérieurement, elle devient hystérique pour défendre celui qu’elle aime. »
Je n’en entends plus parler, et un jour je vois que ça passe à la télévision. Il avait pris Geneviève Casile, qui est sublime. Et devinez quoi, alors qu’il me reprochait d’être brune, il avait mis à Geneviève Casile, qui est blonde… une perruque brune ! Et Claude Titre jouait Heathcliff, comme il est superstitieux il ne m’avait pas dit qu’il avait participé au tournage, et ne m’a jamais cru quand je lui ai dit que c’était grâce à moi qu’il avait été choisi, il ne s’imaginait pas que je puisse influencer un metteur en scène.
Tout a été tourné en studio, quand les gens marchaient ça faisait « boum » « boum » car tout était en bois. Au début du film, ça commence dans la lande irlandaise avec le vent qui souffle. Heathcliff marche difficilement avec un vent de face, s’arrête devant la maison et quelqu’un vient lui ouvrir en tenant une bougie. Dans le film avec Laurence Olivier, la bougie était protégée du vent par une cage en verre, alors que dans le téléfilm français il n’y avait aucune protection, et la bougie ne bougeait pas, imperturbable. C’était la cata (rires).

DLODS : Que pensez-vous du doublage aujourd’hui ?

Je trouve qu’il y a un manque d’implication, de rigueur, de professionnalisme, d’intérêt au métier, et de lucidité face à la chance immense que nous avons, chance qui est d’autant plus grande pour des comédiens qui débutent, que maintenant qu’il y a internet, des bases de données, etc. vous avez parfois la possibilité de garder à vie –hélas parfois- un comédien que vous doublez. Les directeurs de plateau ont le pouvoir. Alors que peu ont l’oreille musicale, on les croit comme si c’était le bon dieu qui parlait.

Je me souviens encore de cette séance dans les années 90, peu de temps après la grève, Michel Roux est convoqué à 14h et arrive à 12h50, il se pose dans le studio et ferme les yeux : «- Vous dormez ? » «- Non, je ne dors pas ». Je n’avais jamais osé le tutoyer, je n’avais pas souvent travaillé avec lui, à part des petites choses dans Amicalement vôtre ou La Légende des Strauss où je débutais et où il avait toujours été très bienveillant.
Après avoir entendu la première boucle, où les jeunes qui étaient là ne savaient pas ce qu’il se passait dans le film et n’avaient pas l’air intéressés par ce qu’ils faisaient, le directeur artistique leur dit « Amour, joie, bonheur, (son slogan), première boucle, one take. C’est-y pas merveilleux ? ». Il n’avait donné aucune indication, deux ou trois scènes se passent comme ça avec les autres, et puis tout d’un coup arrive notre tour à Michel et à moi. Michel Roux doublait Tony Curtis et moi je ne sais plus qui. A l’image, Tony Curtis arrive en nage et en colère. On fait une première prise, Michel ne bouge pas d’un poil, toujours très statique devant un micro, et fait quelque chose de parfait.  Et là le directeur artistique, pour montrer qu’il est un grand metteur en scène de théâtre, un auteur dramatique et directeur de plateau avisé lui dit : « -Michel, je voulais vous demander : vous avez vu sa jugulaire ? » «- Non, pourquoi? » « - Je pense que si vous l’aviez vue vous ne l’auriez pas jouée comme ça. Quand on a la jugulaire gonflée comme ça, ça veut dire qu’on est très très très en colère » «- Ah» « -Bon, on la refait». On refait la scène et là il lui dit « Eh bien voilà, il suffisait simplement de vous parler de sa jugulaire ». Il n’arrêtait pas de dire des conneries. Michel, imperturbable s’assoit, et me dit pendant le changement de bobine : « Ca a bien changé, le doublage !» (rires).

DLODS : Vous avez quand même participé à quelques beaux doublages, et dans de bonnes conditions, ces derniers temps ?

Virginie Méry
Oui, les derniers se sont bien passés : Le Crime de l’Orient-Express (Judi Dench) pour Michel Derain avec qui je travaille souvent, deux Glenn Close (un pour Olivia Luccioni, que j’ai connue toute petite et un pour Franck Louis qui connaît merveilleusement son sujet), Sandy Wexler (Jane Seymour) pour Isabelle Leprince que je ne connaissais pas.
Et dans quelques jours je vais doubler Helen Mirren dans un film d’horreur, sous la direction de Virginie Méry. J’aime travailler avec Virginie, elle est dynamique, vous pousse à vous dépasser. Je l’ai découverte il y a longtemps comme comédienne chez Alter Ego (société de doublage d’Hervé Icovic, ndlr) pour un film que je doublais avec Patrick Floersheim. Elle doublait une petite jeune fille avec une émotion à fleur de peau : en un plan séquence elle témoignait au tribunal contre son père qui avait violé ses petites sœurs et elle, et finissait par tout raconter avec une espèce de courage, qui sortait comme un vomissement, tout en restant très pudique. Virginie venait de s’enquiller trois scènes sans bavure, sans cafouillage, avec toutes les nuances, et quand elle a fini sa boucle, tout le monde faisait un silence de mort sur le plateau, on était scotché.
Et là j’entends la directrice artistique qui lui dit « -On va la refaire… » «-Ah bon ? » « -Oui, la labiale n’était pas en place », j’étais au fond du studio, et ça a été plus fort que moi, je n’ai pas pu m’empêcher de crier un « Oh non ! » de désespoir. Parce que la labiale n’était pas en place, la directrice de plateau allait foutre en l’air ce travail plein d’émotion, de pudeur, tout y était. Tout ça pour demander à Virginie de refaire de façon mécanique une scène qui méritait d’être gardée telle quelle.

Je regrette qu’on me fasse souvent enregistrer seule, mais il paraît que je « terrifie » certains comédiens. De toute façon, on me regarde de travers dans tous les cas, donc autant dire ce que je pense. En tout cas, sur le dernier Unter Verdacht que j’ai doublé pour Claudio Ventura, je me suis détestée, c’était d’une tristesse à mourir, on sentait que j’étais seule et que je ne parlais à personne. J’ai dit à Claudio que pour le prochain épisode (la comédienne dit à chaque fois qu’elle arrête, et ne peut s’empêcher de continuer), si aucun comédien n’est là pour enregistrer avec moi je quitterai le plateau.

DLODS : Vous accordez aussi beaucoup d’importance à la technique.

Chez les ingénieurs du son, j’adore Emmanuel Mertens, c’est une merveille, digne de Pierre Davanture avec qui j’avais fait La Guerre des Etoiles. Il a une poésie, un amour du travail bien fait, il est avec vous (les comédiens et le directeur artistique), il joue, participe, c’est comme ça que je comprends le métier, ce n’est pas chacun dans son coin, où tu te fais engueuler « -Hé, pourquoi tu parles à l’ingénieur du son ! » «-Pour savoir si ma voix passe… » «-Tu n’as qu’à le demander à moi ! ».
J’ai également un souvenir fantastique de Benoît Jolly, qui était ingénieur du son chez Dubbing Brothers, puis qui a travaillé en solitaire comme monteur à Epinay. Je travaillais pour la première fois avec lui à Dubbing, et au moment de finir, je vais lui dire « -Au revoir et merci » « -C’est normal, j’ai fait mon métier » « -Tant mieux si vous considérez la chose comme ça, mais j’avais la voix dans un triste état, j’avais l’impression d’entendre une roulette dès que j’ouvrais la bouche, et vous avez fait du très bon boulot… » « -Je ne vous connaissais pas, Evelyn. A présent qu’on ne s’avise pas de dire devant moi du mal de vous sinon je lui casse la gueule ; j’ai travaillé avec une vraie professionnelle ».  Sur le chemin du retour, je me retenais pour ne pas partir en sanglots. Il a fallu attendre que ce soient des gens avec qui je travaille pour la première fois pour qu’elles me disent des gentillesses, contrairement à certains avec qui j’ai fait toute ma carrière…

DLODS : On parlait il y a quelques instants de votre regret de ne pas avoir un peu plus joué au théâtre, au cinéma ou à la télévision. Parmi toutes les comédiennes que vous avez doublées, est-ce que vous vous êtes sentie plus « proche » de l’une d’entre elles en terme de personnalité, à tel point que vous auriez presque pu jouer le rôle à sa place si vous en aviez eu l’occasion ?

Glenn Close
Celle dans laquelle je suis rentrée le plus facilement c’était Jaclyn Smith, c’était gentil mais il n’y avait pas grand-chose à prouver.
Les autres, ça serait prétentieux de ma part de dire qu’elles me correspondaient et que j’aurais pu jouer leur rôle. C’est pour ça que j’aime ce métier. Elles étaient tellement sublimes comme Glenn Close, Meryl Streep dans Out of Africa (à ses débuts dans Kramer contre Kramer, doublée par Annie Sinigalia, je la trouvais formidable, et je l’ai moins aimée dans d’autres films qui ont suivi, où elle reprenait les « tics » de ses débuts), ou la géniale Helen Mirren. Mais toutes ces comédiennes que j’ai doublées m’ont permis d’être moi, différente. Etre un jour une pute, une aristo, une intello, une cinglée… De Brigitte Nielsen qui braille comme une folle à Helen Mirren ou Glenn Close, toutes en nuances. Je n’ai jamais eu le même rôle, c’était toujours différent, il fallait trouver au fond de soi cette chose qui correspondait au personnage qui était en face de nous. Cette chance on ne la donne pas aux comédiens, surtout en France, où au théâtre on ne m’a distribuée que dans des rôles de « filles du soleil ». Aux Etats-Unis, les comédiens se déplacent, un jour ils jouent un gangster, le lendemain un ministre de l’intérieur, alors qu’en France, une fois que vous avez été remarquée dans un rôle vous ne pouvez plus en bouger. Et vous ne pouvez pas être à la fois comédienne, chanteuse et danseuse, c’est suspect...


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11 commentaires:

  1. Wouaaah... Remarquable interview Rémi ! BRAVO !
    Evelyn ? Une ✨Reine !✨
    💕

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  2. Denis GARDETTE10 mars 2018 à 21:36

    Merveilleuse comédienne qui a doublé bons nombres d'actrices dans mes "séries de chevet" comme par exemple Kim Cattrall dans l'âge de cristal. On a beaucoup de réponses à des questions que l'on se posait sur elle depuis longtemps. Merci de cette interview, sans "langue de bois".

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  3. Merci encore, bien que connaissant je crois parfaitement le personnage j'en apprends encore, je l'ai lue dix fois au moins. Bravo

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  4. bravo Evelyne je me suis régalé merci pour la vérité de tes propos et ton courage à les exprimer
    ton amie nicole favart

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  5. Merci je n'avais jamais vu cet article :! 7
    au début des années 2 000 je lui avais écrit par la Poste une longue lettre de 3 pages
    en passant par Laurent Valion qui gérait le fan club DALLAS à Paris
    qui rencontrait des comédiens de doublage et organisait des diners,
    elle ne m'a jamais répondu !

    elle avait dit à Laurent qu'elle n'avait pas de photo à envoyer aux gens !!!

    qu'est-ce qu'elle raconte en disant =
    [i]Ca m’a fait de la peine de voir ces gens qui étaient si brillants dans la première mouture devenir aussi ravagés. Larry Hagman était brillant à l’époque et là il n’avait plus sa voix ni son regard, il avait perdu beaucoup de poids, ses cheveux. Linda Gray avait déjà été traficotée à l’époque, mais on ne le voyait pas ; là avec les injections tout est ressorti, on a vu tout ce qui avait été fait avant. Il ne restait que ses tics : le mordillement des lèvres, le balancier de hanches quand elle marchait, etc.
    La fiancée de Bobby ressemblait à un mannequin en plastique qu’on voit dans les vitrines. Je me suis dit « à quoi ça sert, tout ça ? ».[/i]

    c'est n'importe quoi ! Brenda Strong ex DESPERATE est très belle et naturelle,
    tout le monde dit que Linda Gray n'est pas liftée et pas botoxée mais Selena
    elle, elle voit qu'elle est refaite ?!!

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  6. Merci pour tous les souvenirs et anecdotes évoquées plus haut chère Evelyn mais je me rappelle un autre doublage important dans WEEK END SAUVAGE(1976) avec Brenda Vaccaro que vous interprétiez ainsi que Jean Roche, Pierre Trabaud, Francis Lax, Roger Crouzier, Marc de Georgi, Claude Joseph, Serge Lhorca, Lita Reccio, Raymond Loyer... C'était un remarquable boulot de doublage. Bien à vous. A.M.

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  7. Merci de tout cœur, Rémi, pour ce magnifique témoignage, si sincère et inspirant. Moi qui re-découvre ma voix en audio sur un projet personnel, je suis ravie d'avoir à présent les mots d'Evelyne Selena pour me guider. Une grande Dame. Bien à vous. Mu

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  8. Bravo pour ce reportage sur Evelyne qui est une merveilleuse comédienne et une partenaire adorable ! 💙💙💙

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  9. Merci Josephine, je suis un de ses amis.

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  10. Chère Madame Séléna,
    A la lecture de cet interview extrêmement passionnant réalisé par Monsieur Carémel, il me vient l’espoir d’en apprendre plus sur votre rencontre et relation professionnelle avec mon oncle Claude Titre qui était également actif au sein de Radio Maroc et faisait partie d’une troupe de théâtre « Les Gais Compagnons ». Jack vous à réunis sur un même plateau bien des années plus tard. Je serais très heureux de pouvoir communiquer avec vous à ce sujet.
    Bien à vous
    Christian Giacalone

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    1. Bonjour Christian, donnez-moi vos coordonnées à danslombredesstudios@gmail.com et je les transmettrai à Evelyn

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