Perrette Pradier nous a quittés dans la nuit de mardi à mercredi à 74 ans des suites d'une crise cardiaque a-t-on appris par l'AFP. Une figure incontournable pour les téléspectateurs des années 60-80, la terrorisante voix de Madame Medusa et de nombreuses autres "sorcières" animées pour plusieurs générations d'enfants, ou simplement "P.P." pour ses amis, nombreux à lui rendre hommage sur les réseaux sociaux. Des fleurs jaunes, ses préférées, en hommage à une comédienne hors du commun...
Perrette Pradier naît le 17 avril 1938 à Hanoï (Indochine). Après avoir suivi des cours d'esthétique et de manucure, elle s'inscrit à un cours de théâtre puis étudie au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique (après avoir réussi le concours d'entrée), où elle participe à une tournée de la Comédie-Française. L'une des premières pièces qu'elle joue sur les boulevards, Boeing Boeing de Marc Camoletti, rencontre un succès phénoménal et sera adaptée dans de nombreux pays (il s'agit de la pièce française la plus jouée dans le monde) et au cinéma (avec Jerry Lewis et Tony Curtis). Remarquée pour sa beauté éblouissante et son talent, elle devient rapidement une jeune première à la mode, interprétant aussi bien des rôles de soubrettes ingénues que de femmes fatales. Au cinéma, Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie (la belle Constance Bonacieux), La Chambre ardente de Duvivier (avec Jean-Claude Brialy), Furia à Bahia pour OSS117 d'André Hunebelle, etc. Au théâtre: principalement des classiques avec une collaboration fidèle avec le metteur en scène et comédien Jean Meyer. A la télévision, beaucoup de "dramatiques", feuilletons, et bien sûr les émissions Au théâtre ce soir dont elle est l'une des principales "sociétaires". Par son statut de "starlette", elle est régulièrement interviewée par la télévision ou la presse, parfois pour parler de tout (couture, animaux) sauf de son métier de comédienne. Surfant sur son succès, Philips sort même un disque Danse Party chez Perrette Pradier, compilation de chansons et instrumentaux qu'elle recommande pour des soirées dansantes.
En dehors des planches et des plateaux de tournage, Perrette Pradier est remarquée dans la vie de tous les jours pour son humour et son sens de la répartie, capable de raconter les pires horreurs avec un naturel déconcertant. Ces qualités vont lui permettre d'être invitée dans de nombreuses émissions de divertissement en direct comme Les Jeux de 20 heures dans les années 70 ou L'Académie des 9 dans les années 80, où elle est remarquée par le grand public.
P. Pradier et B. Woringer dans Les amours de Paris |
Perrette Pradier double dans des dessins animés toute une galerie de personnages particulièrement extravagants : reines pompeuses ou dames patronnesses (la reine des souris dans Basil détective privé, Gussie Sourisfeller dans Fievel et le Nouveau Monde), méchantes hystériques (Medusa dans Les Aventures de Bernard et Bianca), vieilles sorcières gâteuses (Taram et le chaudron magique, Hercule). Dans ces personnages délirants Perrette Pradier s'épanouit pleinement, l'enregistrement est un spectacle à lui tout seul car elle reproduit la gestuelle et les grimaces des personnages. "Je crois que la belle fille très précieuse ce n'est pas trop pour moi, je pense qu'il faut y aller à la générosité" témoignait-elle pour le bonus DVD de Bernard et Bianca. En 2002, dans la continuité de ces "voix de sorcières", c'est elle qu'on choisit pour redoubler E.T dans le chef d'oeuvre de Spielberg. Il y a deux ans, Perrette Pradier participe avec Lucie Dolène et Jacques Ciron à l'enregistrement de voix de Citrouilles et vieilles dentelles, superbe court-métrage animé, primé dans plusieurs festivals, dont l'action se passe dans une maison de retraite pour personnages de contes de fées. Juliette Loubières, la réalisatrice, se souvient: "Quand je l'ai contactée par téléphone elle a été très directe:
"Oui mon p'tit, et bien quoi ? Vous cherchez une voix de vieille folle
dingue c'est ça ?" On devait lui demander l'exercice souvent..."
En 1990, Perrette Pradier devient directrice artistique de doublage sur des séries (Les Craquantes), séries d'animation (Dilbert, Bob et Bobette) et téléfilms tout d'abord. Puis de beaux films d'animation comme Aladdin, Le Roi Lion, Hercule, Mulan... où elle n'oublie pas de se "caster" occasionnellement sur des petits rôles. En directrice artistique, par son métier et un caractère parfois rude sans être méchant, elle impressionne beaucoup les nouvelles générations. La comédienne Marie-Frédérique Habert qui a travaillé avec Perrette sur les séries The Big C et Alerte à Hawaii en témoigne: "J'ai eu un trac fou la première fois que j'ai travaillé avec elle mais elle m'a fait rire pour me détendre un peu. Elle dirigeait vraiment bien, et j'avais plus l'impression de faire du théâtre que du doublage, car elle travaillait comme au théâtre, avec les intentions et les ruptures. Elle était une vraie comédienne, et quand nous lui avons proposé de jouer dans une pièce elle a dit oui tout de suite." Dans un reportage de Télérama réalisé en 2002 à Dubbing Brothers, la journaliste raconte ces "moments de travail" et semble fascinée par "P.P" dont elle relate les indications gouailleuses. En une rencontre, le doublage a certainement gagné une "partisane" pourtant issue du plus "anti-doublage" des magazines de télévision.
Perrette Pradier était donc un véritable "phare" dans le métier, et pas seulement pour les comédiens. "Comme à beaucoup de gens du métier, elle m'a tout appris" se souvient Laurence Fattelay. "Quand
j'étais chargée de prod, je l'ai regardée diriger pendant des heures. Je
l'ai entendue dire un millier de fois "la synchro, là, on s'en
fout. Regarde ce que ton comédien a dans l'oeil, et joue-le comme lui,
et tu verras, ça rentrera". Et ça rentrait. Alors que toutes les lois de
la détection et de la rythmo disaient que c'était impossible, ça
rentrait. Parce que, "quand quelqu'un te parle, tu regardes ses yeux,
pas sa bouche". Règle élémentaire qui me sert tous les jours quand
j'écris. Et quand je suis passée à l'adaptation (elle a elle-même fait de
l'adapt pendant une dizaine d'année, formée par Jacqueline Cohen), elle
est venue exprès vérifier avec moi mon tout premier épisode. Un épisode
de "Days of our lives". Autant dire qu'elle ne l'a pas fait par plaisir... Malgré
la pénibilité de l'exercice,
elle n'a rien lâché et on y a passé la journée. Les corrections, les
conseils, les astuces, les règles... tout ce qu'elle m'a appris ce
jour-là me sert encore au quotidien, six ans plus tard."
"Un gars comme toi" du film Le Bossu de Notre-Dame (1996) interprétée par Michel Mella (La Rocaille), Perrette Pradier (La Volière) et Bernard Alane (La Muraille)
Ces dernières années, Perrette Pradier dirigeait les doublages de deux excellentes séries, The Tudors et Ugly Betty. Elle nous a quittés beaucoup trop tôt.
E. Constantine et P. Pradier, Des frissons partout |
Ces dernières années, Perrette Pradier dirigeait les doublages de deux excellentes séries, The Tudors et Ugly Betty. Elle nous a quittés beaucoup trop tôt.
(Remerciements à Roger Carel, Laurence Fattelay, Marie-Frédérique Habert et Juliette Loubières. Voxographie sélective et vérifiée de Pascal Laffitte sur La Gazette du Doublage)
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