Dans le cadre du festival «Les anciens
doublages Disney » organisé avec « Film Perdu », « La
Gazette du Doublage » et « Les Grands Classiques », j’ai le
plaisir de vous présenter des extraits inédits ainsi qu’une analyse de
l’adaptation et des voix du premier doublage du chef d’œuvre de Walt Disney La Belle au Bois Dormant (1959).
Exceptionnellement, j’ai proposé à mon ami Gilles Hané de co-écrire avec moi
cet article, d'où l’emploi de la première personne du pluriel. Nos remerciements à Colette Adam, Huguette Boulangeot, Roger Carel, Jean Cussac, Serge Elhaïk, Anne Germain, Jacques Pessis, Greg Philip et Guy Severyns pour leur contribution à cet article.
Bien
qu’ayant connu un succès public et critique très mitigé à sa sortie, La Belle au Bois Dormant est considéré
par les puristes comme un film phare dans l’œuvre de Walt Disney, car
l’ambition artistique de ce projet ne sera jamais égalée par les studios Disney
dans les trois décennies suivantes. La stylisation des personnages, la beauté
des décors et la musique de Tchaïkovski, donneront aux spectateurs le souvenir
d’un film d’une grande force esthétique.
La Belle au Bois dormant a connu deux doublages français, le premier
pour sa sortie en 1959 et sa
reprise en 1971, le second pour une nouvelle sortie cinéma en 1981. Dès lors, le premier doublage est
passé aux oubliettes, et les ressorties de 1987 et 1995 ainsi que les K7 vidéo,
CD de la B.O.F, Laserdisc, DVD, et autres Blu-Ray ont repris la nouvelle
adaptation. De cet enregistrement, seuls subsisteront dans le commerce pendant des années les chansons du
film : « C’était Vous » - uniquement la partie chantée par la
princesse se terminant par ses vocalises (utilisée dans certaines compilations
en CD), et « Le Monde », « Gloire à la Princesse Aurore », « A
toi La beauté », ainsi que le premier couplet de la chanson des
Rois : « Trinque ». Ces airs figurent dans l’enregistrement
réalisé en 1959, gravé sur le disque 25 cm proposé par le label « Le Petit Ménestrel, » en collaboration avec les studios Disney, et
raconté superbement par Michèle Morgan entourée de comédiens talentueux. Cet
enregistrement de l’histoire et des chansons du film, contrairement à de
nombreux autres titres de la collection ne fut jamais réenregistré et fit
l’objet d’une longue exploitation, 30 cm, CD avec diverses couvertures, ce qui
en dit long sur sa qualité artistique. Certains airs sont repris dans le disque
17cm raconté par Caroline Cler, et dans des compilations de chansons publiées
chez le même éditeur. C’est d’ailleurs l’une des rares fois où ces chansons
sont reprises de la bande sonore du film sans être réenregistrées ou
réadaptées, pratique alors courante dans la collection le Petit Ménestrel.
Au catalogue
de Film Office en super 8mm, un
premier montage sonore des scènes finales du dessin animé, « Le
Prince et le Dragon », fut
également longtemps disponible. Bizarrement, et de manière plus brève, dans un
montage deux fois plus long de chansons populaires de films de Disney paru
après 1981, intitulé « Disney Mélodies », on pouvait encore entendre
« C’était vous » jusqu’à l’intervention du Prince. Ces articles, très onéreux à l’époque, étaient réservés à une élite sociale
équipée de projecteurs sonores, ou de passionnés, et furent donc distribués
dans un circuit plus restreint que les vinyles suscités. Un autre
montage sonore en super 8mm, de 60 m, disponible à partir des années 80 :
« Valse de la Forêt » reprenait le réenregistrement de 1981,
contrairement à ce que l’on peut trouver affirmé sur certains sites.
Il y a quelques années, deux passionnés ont diffusé plusieurs
extraits inédits du premier doublage : la forêt (Le Monde / C’était vous), la
préparation des surprises d’anniversaire, Eglantine guidée par Maléfique,
Maléfique et Philippe dans le cachot / Evasion et combat de Philippe. Très
récemment, nous avons retrouvé de nouveaux extraits très courts, ce qui a
permis à notre ami Greg Philip (Film perdu) de réaliser un montage avec le
talent qui est le sien. Nos apports sont minimes, mais plairont certainement
aux fans de La Belle au Bois Dormant
et de son premier doublage. Quels sont-ils ?
-Scène
« Eglantine guidée par Maléfique » commencée quelques secondes plus
tôt par une discussion entre les fées
-Courte
réplique de Flora (« Partons ») au chevet d’Aurore (omise dans la
version de 1981)
- Intégration
de la chanson « Trinque » et de plusieurs chœurs qui avaient été en
partie utilisés pour le disque de l’histoire du film racontée par Michèle
Morgan.
-Intégration
de l’image des génériques d’époques de
début et de fin, disponibles dans le Laserdisc du second doublage (ce qui
explique pourquoi nous avons laissé le chœur en V.O.). Notons que le générique
de début contient la distribution du premier doublage, la mention « d’après
le conte ravissant de Charles Perrault » et que le générique de fin est
différent de celui de la V.O : après un fondu au noir qui l’écourte, avant
l’extinction de la bougie, le mot « fin » est indiqué dans un carton
à part, alors que dans la V.O « The end » est en surimpression du
livre fermé, après l’extinction.
Ces nouveaux
éléments nous donnent l’opportunité de rectifier la fiche "voxographique" donnée sur le forum
de « La Gazette du Doublage » par un voxophile en 2003, recopiée avec
ses erreurs sur de nombreux sites, et même retrouvée sur le passionnant et
magnifique ouvrage que Pierre Lambert a consacré à La Belle au Bois Dormant. Ils nous permettent également de faire
une analyse comparative de l’adaptation et des voix des deux doublages :
L’ADAPTATION DES DIALOGUES
Pierre-François Caillé |
Son
adaptation est plus précise, riche et
fidèle que celle réalisée en 1981 par Natacha
Nahon (ce qui n’enlève rien aux mérites de cette dernière, d’autant que le
problème des « redoublages » chez les adaptateurs est épineux puisqu'ils sont tenus par la Sacem de faire une adaptation différente de celle
du premier doublage pour ne pas être accusés de plagiat).
Natacha Nahon a adapté plusieurs Disney dans les années 70/80 : Les aventures de Bernard et Bianca (1977), Le Petit Âne de Bethlehem (1978)… et s’est également chargée à cette même époque de la réadaptation de Dumbo (1980).
Natacha Nahon a adapté plusieurs Disney dans les années 70/80 : Les aventures de Bernard et Bianca (1977), Le Petit Âne de Bethlehem (1978)… et s’est également chargée à cette même époque de la réadaptation de Dumbo (1980).
Précise…
-
Pierre-François Caillé utilise le terme exact de baquet et non de seau pour
animer les ustensiles de ménage dans la chaumière,
- Le futur
épousé est accusé par Pimprenelle d’être « décati » (old en anglais).
C’est une exagération comique, car le Prince Philippe n’a peut être que cinq
ans de plus que la princesse Aurore et n’est pas vraiment défraichi ! En
1981 il est simplement qualifié d’« horrible », la référence à l’âge
disparaît … avec l’humour. Certes, peu d’enfants connaissent le premier
adjectif, mais désormais ils ont perdu l’occasion de le découvrir.
Riche…
- Le
sortilège final de Maléfique sur le château de Stéphane est, par
Pierre-François Caillé « Qu’une
forêt de ronces devienne son tombeau, dans un nuage de mort qu’elle croisse
inextricable, assouvis ma vengeance, je la veux implacable, que la malédiction
règne autour du château ». Plus sépulcral et vindicatif que « Qu’une forêt de ronces soit désormais
son tombeau, qu’un orage se déchaine et qu'il gronde la haut, vas, cours et porte
par-delà l’horizon, au château et alentours cette malédiction ».
Fidèle…
- Eglantine
est la traduction de Briar Rose, le pseudonyme exact utilisé par les Fées
d’après le narrateur de la V.O., et non Rose comme dans la version de 1981.
Mais les marraines utilisent le diminutif de Rose en anglais à plusieurs
reprises à l’égard de leur filleule. On imagine donc que Natacha Nahon a choisi
« Rose » pour des questions de synchronisme.
- C’est bien
« Avant le coucher du soleil, à son seizième anniversaire » et non « avant l’aube de ses seize ans » que la princesse doit
se piquer et se piquera le doigt… Ce qui maintient le suspens après la
découverte de la véritable identité d’Eglantine par le corbeau, et oblige
Maléfique à agir très vite pour que sa prédiction se réalise. Un traveling
abandonne d’ailleurs les trois Fées penchées sur le corps inanimé d’Aurore, pour
cadrer un soleil se couchant encore, dans l’embrasure de la fenêtre du donjon,
soulignant l’accomplissement de la funeste prophétie de la sorcière. Ce soleil,
enfin couché, quelques secondes plus tard est d’ailleurs le signal pour
démarrer les festivités associées au retour de la Princesse Aurore, que l’on
croit rescapée de la malédiction de Maléfique.
- En
anglais, Flora arme le bras de Philipe d’un bouclier de Vertu et d’une épée de
Vérité, ces appellations symboliques sont conservées par Pierre François
Caillé, Natacha Nahon ne donne au Prince qu’un simple bouclier, mais l’épée de
Vérité garde son nom.
Des différences de points de vue entre les
deux doublages…
-Maléfique
est toujours la Fée du Mal chez Caillé, elle invoque les forces du Mal qu’elle
commande après que son sort est accompli, et aussi quand elle se change en
dragon pour tenter d’arrêter le Prince qui a osé la défier. La référence à
l’Enfer au moment de cette métamorphose dans le deuxième doublage paraît
presque inadaptée car connotée religieusement. Le Mal est plus universel, car
moral, et plus laïque. Pourtant, si l’on suit à la lettre la Version Originale
("Now shall you deal with me O Prince, and all the powers of hell !"), …
c’est quand même Natacha Nahon qui a raison !
-Eglantine,
avec Pierre-François Caillé, qualifie le prince de ses rêves de
« romanesque » (sorti d’un roman). Il est devenu
« romantique » chez Natacha Nahon. Le terme « romantic » dans la V.O. recouvre les deux notions. Mais
il y a une différence. A qui donner raison ? Ca se discute…
Quelques imperfections dans le premier
doublage :
-Le
vocabulaire d’Eglantine est parfois un peu daté. Elle déclare qu’elle a «
roulé » ses marraines, Rose en 1981 se contente de leur
« désobéir ».
- Les
incantations de Pimprenelle lorsqu’elle fait le ménage, et de Flora concevant
la robe, sont normalement en vers en V.O. tout comme les explications de Flora
au Prince lors de sa libération du cachot du château de la Montagne Interdite.
P. F. Caillé a choisi de ne pas versifier, à la différence de Natacha Nahon
qui, elle, ne fait rimer que Flora en ces deux occasions.
Quelques incohérences dans le deuxième
doublage :
-
Pimprenelle dans la V.O. sauve la Princesse en la plongeant dans le sommeil et
non dans la mort. Mais jamais la durée de 100 ans n’est explicitement évoquée
dans ce passage de la V.O.
- Lorsque la
Princesse s’adresse en parlant à la chouette déguisée en Prince ou au prince
lui même, elle les vouvoie. Philippe continue de la vouvoyer dans la partie dialoguée.
En revanche lorsqu’ils chantent, ils n’hésitent pas à se tutoyer à tour de
rôle. La musique adoucit les mœurs, c’est bien connu !
- Maléfique
passe du tutoiement au vouvoiement lorsqu’elle s’adresse à son corbeau. « - Et toi, tu es mon dernier espoir,
prends ton vol et va enquêter… » ; mais alors qu’il vient d’être changé en
gargouille par Pimprenelle : « - Et
vous, dites à ces folles de… »
hurle Maléfique, comme si elle s’adressait à une foule éloignée d’elle.
Erreur, elle parle à son corbeau !
Les folles, ce sont ses sbires, ses créatures que Pierre-François Caillé lui fait traiter de sottes. Mais chez lui, la méchante Fée tutoie son corbeau et lui parle sans hurler, conformément à la version originale…puisque seuls cinquante centimètres les séparent !
Erreur, elle parle à son corbeau !
Les folles, ce sont ses sbires, ses créatures que Pierre-François Caillé lui fait traiter de sottes. Mais chez lui, la méchante Fée tutoie son corbeau et lui parle sans hurler, conformément à la version originale…puisque seuls cinquante centimètres les séparent !
L’ADAPTATION DES CHANSONS
En 1981, Natacha Nahon, en plus des dialogues, adapte également les chansons, elle n’a peut-être pas encore un « pedigree » équivalent. La force de l’expérience joue un peu contre elle sur l’air principal du film : « C’était vous » nous paraît mieux écrit que « J’en ai rêvé », et la prosodie utilisée sur « l’il-lu-si-on » qui parfois nous ment par Huguette Boulangeot, est parfaite.
Les offrandes des fées chantées par les chœurs au début du film sont aussi plus allégoriques et donc plus poétiques en 1959, que celles plus descriptives proposées par Natacha Nahon.
Dans cette dernière adaptation, l’adjectif joli (assez pauvre) est un peu galvaudé :
- Jolie Princesse reçoit tous nos vœux (Gloire à la Princesse Aurore)
- Sa voix sera jolie - (Les dons des Fées)
- A celui, que la nuit, je vois dans mes rêves si jolis - (Je voudrais)
- Un aussi doux rêve est un présage joli - (J’en ai rêvé)
Quelques incohérences relevées dans le 2ème
doublage :
- La chanson
« J’en ai rêvé » est chantée avec des paroles différentes par Rose et
les chœurs du début ou de fin de film : ainsi « un aussi doux rêve est un présage joli » (chœur) / « … un présage d’amour » (Rose).
Avec « amour » la rime avec « mornes et gris » qui arrive
dans les vers suivants se perd. Le remplacement d’un mot par l’autre parait
presque une erreur non remarquée lors de l’enregistrement.
LES COMEDIENS
Le directeur artistique du premier
doublage ne figure pas au générique. Il s’agissait certainement de Serge Nadaud ou Henri Allegrier-Ebstein. Le deuxième
doublage était quant à lui dirigé par la comédienne Jacqueline Porel, qui à la manière des apparitions
« hitchcockiennes » s’attribuait régulièrement quelques répliques
dans les doublages qu’elle dirigeait (dans le doublage de 1981 elle double la Reine). Le jeu des comédiens est
globalement plus théâtral en 1959, du fait des origines d’une partie de la
distribution, de la direction des comédiens à l’époque et aussi peut-être à
cause de l’adaptation plus classique. En 1981, le jeu s’est allégé…mais les
personnages y ont peut être perdu un peu de caractère, et la tension dramatique
s’en ressent.
Dans le
premier doublage, Aurore est doublée
par une certaine Irène Valois sur
laquelle nous n’avons aucune information. Il s’agit certainement d’une jeune
comédienne qui a arrêté sa carrière
assez tôt. Elle fait plus enfantine et naïve que Janine Forney (doublage de 1981), dont la voix fragile convient
bien aux jeunes adolescentes frondeuses (Pamela Franklin dans Les belles années de Miss Brodie (1969)),
ou aux jeunes femmes perturbées (Margot Kidder dans Sœurs de sang (1973)). En 1981, Aurore paraît plus malicieuse, contemporaine
mais aussi un peu moins altière que dans la version originale. Mais ni Irène Valois ni Janine Forney n’arrivent à égaler la voix de Mary Costa, plus sophistiquée, dotée d’une diction raffinée et aristocratique. Avec elle, Aurore bien qu’élevée pendant 16 ans au milieu d’une forêt, s’exprime déjà comme une princesse. Quelle distinction innée !
Jeanne Dorival |
Maléfique
reste affectée en 1981, mais plus en surface, du fait d’un texte un peu moins
riche ; mais parfois elle perd son sang-froid et va jusqu’à hurler
(notamment dans la scène finale). Sylvie
Moreau, dont la voix profite d’une bonne « réverbe » tout au
long du film, rajeunit beaucoup Maléfique et la rend presque séduisante,
élégante, voire suave (pour mémoire elle a doublé Sigourney Weaver dans Working Girl). Grâce à elle, on se rend enfin
compte de la beauté de ses traits sous ses cornes, mais, elle surjoue un peu, ses rires prolongés par
exemple, manquent parfois d’authenticité. Mais indéniablement, Sylvie Moreau apporte une touche personnelle, indélébile à la personnalité de Maléfique. Le seul soucis de continuité vocale ne peut justifier qu’elle ait été à nouveau distribuée dans ce même rôle, des années plus tard, sur le jeux vidéo Kingdom Hearts 2, et en voix-off dans la bande annonce française pour le lancement du film en Blu-Ray.
Jeanne Dorival lui donne, quant à elle, un côté plus autoritaire et sec, elle semble aussi plus âgée, cependant sa voix se rapproche davantage du timbre d’Eleanor Audley. C’est important car le rire de cette dernière a été laissé à plusieurs reprises dans les 2 VF, et donc Jeanne Dorival est plus « raccord ».
Jeanne Dorival lui donne, quant à elle, un côté plus autoritaire et sec, elle semble aussi plus âgée, cependant sa voix se rapproche davantage du timbre d’Eleanor Audley. C’est important car le rire de cette dernière a été laissé à plusieurs reprises dans les 2 VF, et donc Jeanne Dorival est plus « raccord ».
Jeanne Dorival (Duchesse d'Olivarès) et Danièle Condamin (Princesse d'Eboli)
dans Don Carlos (1957)
Flora sonne un peu plus vieille et plus
« rustique » en 1959 dans la bouche d’Henriette Marion, comédienne habituée aux personnages à fort
tempérament. Chez Disney, on la retrouve les années suivantes dans Les 101 Dalmatiens (Nanny, la
gouvernante), Merlin l’enchanteur
(Aglaé, la cuisinière d’Hector) ou bien encore Mary Poppins (la femme aux oiseaux). En 1981, le personnage sera
doublé par l’excellente Paule Emanuèle,
habituée des doublages de Jean-Pierre Dorat et Jacqueline Porel (La Reine de
Cœur dans Alice au Pays des Merveilles
(doublage de 1974), Shelley Winters/Lena Logan dans Peter et Elliott le dragon (1977), Big Mama dans Rox et Rouky (1981), Tante Sarah dans La Belle et le Clochard (doublage de
1989), etc.). Toutes les deux sont proches de la V.O (Verna Felton) tout en
apportant des nuances différentes. Henriette Marion est plus dramatique et
grave (par exemple dans de la scène de libération du Prince, où elle instaure
une vraie tension), Paule Emanuèle apporte quant à elle une dimension plus
joviale à la rondeur du personnage, particulièrement dans les préparatifs de
l’anniversaire de la princesse.
Henriette Marion (Mlle Dochet) et Jean Richard (Maigret)
dans Les Enquêtes du commissaire Maigret : La maison du juge (1969)
Colette Adam en 1932 |
Les
interprétations de Pimprenelle par Jacqueline Ferrière (et non Colette
Adam) en 1959 et Jeanine Freson en
1981 sont sensiblement identiques et conformes à l’originale : Barbara
Luddy, qui prêtait sa voix à Lady dans « La Belle et le Clochard ». C’est probablement l’unique
incursion de Jacqueline Ferrière dans le dessin animé, plus habituée aux brunes
brûlantes hollywoodiennes (Ava Gardner, Jane Russell), mais elle s’y glisse
parfaitement ; tout comme Jeanine Freson qui prêta souvent sa voix à Natalie
Wood.
Jacques Berlioz |
Grand
habitué des studios de doublages des années 40 aux années 70, Maurice Nasil double l’aboyeur de la
cour en 1959. Marc François lui
succèdera en 1981, en y mettant une touche plus « solennelle ».
LES CHANTEURS
Dans la
première version, les chanteurs sont dirigés par le grand chef d’orchestre Georges Tzipine. Chez Disney, il
officie depuis la Libération, sera remplacé par André Theurer pendant les
années 60 (du redoublage de Blanche Neige
et les sept nains en 1962 à Les
Aristochats en 1970) avant de reprendre le flambeau en 1971 avec L’apprentie sorcière jusqu’en 1979 où il
sera remplacé pour la décennie qui suit par notre ami Jean Cussac (chanteur classique, choriste dans la variété et le
doublage, membre des Swingle Singers) qui assurera donc la direction musicale
du doublage de la version de 1981.
Nous avons
pu grâce à ce dernier (qui n’a pas travaillé pour le premier doublage
mais qui est de la génération de ses chanteurs) et à Serge Elhaïk contacter les
chanteurs du premier doublage :
Huguette Boulangeot |
Danielle Licari |
La voix du Prince en 1981 est plus légère et plus
jeune que la V.O. et très caressante tant parlée (par Guy Chapelier) que chantée (par Olivier Constantin). Ici les deux timbres s’accordent parfaitement. En
1959, la voix de Philippe est plus riche en testostérone, se rapprochant ainsi
de la voix originale (Bill Shirley). C’est Guy
Severyns qui double le Prince. Comme nous connaissons peu sa carrière il
nous a fait part de quelques souvenirs : « Je suis entré en 1942 au Conservatoire, mais le classique
c’était trop sérieux pour moi, j’ai préféré faire du music-hall. Pendant la
guerre, j’ai connu Eddie Barclay qui pour contourner l’interdiction de danser
dans des bals avait ouvert un cours de danse, ce qui était autorisé. J’ai fait
mes débuts en allant de concours de chant en concours de chant: amateurs
puis semi-professionnels puis professionnels. Je faisais aussi beaucoup de
galas gratuits pour les anciens prisonniers de guerre. Un jour j’ai gagné un
concours à la radio, j’étais ex-aequo avec Jacqueline François. Ce prix-là m’a
donné deux émissions avec l’orchestre de Jo Bouillon qui était à la RTF à
l’époque. Et deux mois après je l’accompagnais comme chanteur d’orchestre avec
sa femme Josephine Baker dans toute l’Europe, notamment en Suisse et en gala
international à Berlin. J’ai aussi été chanteur d’orchestre pour Hubert
Rostaing, on a fait des galas à Oran et Alger. J’ai fait énormément de
radio : j’avais des émissions régulières comme pendant deux ans « Centrale
21-53 » avec Gisèle Paris et Robert Beauvais tous les dimanches matin en
direct du Rex. Je devais chanter ce que les auditeurs demandaient au téléphone
pour des anniversaires, des amis, etc. Pierre Spiers dirigeait l’orchestre et
je chantais un peu de tout en fonction des demandes, après avoir répété
rapidement en studio. J’ai aussi enregistré pas mal de disques pour Guy Lafarge
avec qui j’ai débuté vers 47-48, j’ai même eu un prix à Deauville avec une
chanson de lui qui s’appelait « Pour moi tout seul ».
J’ai fait un duo avec sa compagne Eliane Thibault (voix de Mary Poppins, ndlr), « Le Sable et la Mer ».Guy Lafarge m’a appris à bien articuler les chansons, il me disait « Une chanson c’est comme une petite pièce de théâtre en trois couplets, et un refrain ». C’était un temps où les chansons voulaient dire quelque chose.
J’ai fait un duo avec sa compagne Eliane Thibault (voix de Mary Poppins, ndlr), « Le Sable et la Mer ».Guy Lafarge m’a appris à bien articuler les chansons, il me disait « Une chanson c’est comme une petite pièce de théâtre en trois couplets, et un refrain ». C’était un temps où les chansons voulaient dire quelque chose.
Et puis j’ai été chanteur d’orchestre au
Claridge sur les Champs Elysées, et chanteur au Lido. Au Lido c’était une
sécurité financière car je travaillais tous les soirs mais ça m’a un peu coupé
de la radio et de la télé car j’y ai travaillé cinq ans, je finissais tous les
soirs à 2 ou 3 heures du matin, donc c’était impossible d’enchaîner le
lendemain matin avec du studio. Quand ça s’est fini j’ai essayé de me remettre
dans le circuit mais les places étaient prises. L’acteur André Pousse qui était
également impresario m’a envoyé au Liban pour faire sept mois avec la revue du
Moulin-Rouge et j’ai enchaîné avec cinq ans au Moulin-Rouge. Ca m’a permis de
faire vivre ma famille, mais on ne peut pas chanter ce qu’on veut dans ces
boîtes-là, il y a un programme imposé pour les touristes, etc. Et il ne faut
pas avoir des problèmes de voix, ça m’est arrivé une seule fois d’être aphone
et je m’en souviens encore. Comme je voyais que ma carrière n’allait pas me mener
bien loin j’ai accepté la proposition de quelqu’un (que je connaissais du temps
où je chantais des publicités à la radio) de me reconvertir : je suis
entré dans les laboratoires Vichy, d’abord comme représentant puis comme
responsable des étalages. J’ai travaillé jusqu’à soixante-cinq ans alors ça me
fait rigoler quand on parle de la retraite à soixante ans. J’ai commencé à
travailler en 39, ce n’est pas ma faute s’il y a eu la guerre (rires). »
Guy Severyns : Quelqu'un viendra demain (1957)
Quand on lui parle de doublage : « Je faisais beaucoup de radio, énormément de publicités à Radio Luxembourg avec la secrétaire du directeur qui était la maman de Jean-Loup Dabadie, car toutes les publicités étaient chantées à l’époque. Mon grand succès était Banania, Aspro aussi, les graines Vilmorin. Mais également pas mal de doublage dans les années 50, car dans beaucoup de films américains qui arrivaient pour être doublés il y avait des chansons et on me demandait. Je travaillais principalement pour Georges Tzipine, chef d’orchestre et responsable de la synchronisation. J’en ai fait une dizaine avec lui, notamment dans les studios de Gennevilliers, mais je ne me souviens plus des titres, à part La Belle au Bois Dormant, dont je n’ai malheureusement conservé aucune copie. Ca se faisait par coup de fil, il fallait pouvoir déchiffrer rapidement la musique, souvent on enregistrait séparément ce qui explique pourquoi je ne me souviens plus très bien de mes partenaires. Je me rappelle avoir doublé un chanteur-comédien-danseur très talentueux, mais il est malheureusement décédé assez jeune, donc tant pis pour moi ! (rires) ».
Un autre
élément à signaler pour les chansons est l’importance des chœurs dans la
musique du film. En 1959, ils sont interprétés par le Chœur Marguerite Murcier, cette dernière étant (selon Jean Cussac qui a
fait partie de ce chœur à ses débuts, tout comme d’autres choristes de variétés
de formation classique comme Jeanette Baucomont ou Michèle Bertin-Conti)
organiste à l’Eglise Saint-Etienne-du-Mont (Paris). Son ensemble vocal accompagnait dans les années
50 bon nombre de chanteurs comme Edith Piaf ou Luis Mariano, et participait à
des musiques de films et des doublages. Il était constitué de chanteurs
lyriques issus notamment de l’Opéra-Comique, toute une génération balayée à la
fin des années 50 par l’arrivée des choristes « modernes » avec des
voix non lyriques inspirées par le jazz vocal. Si les chanteurs du Chœur
Murcier ne sont plus engagés dans la variété dans les années 60, certains
continueront en revanche à faire quelques chœurs dans des doublages comme
Pierre Marret ou Georges Théry (Mary
Poppins (1964), etc.), fondateurs du groupe Les Compagnons de la Barrique.
Dans la
première version française de La Belle au
Bois Dormant, les chœurs sont fidèles à la V.O, mais roulent les
« r », comme cela était encore à la mode, et de ce fait, sonnent
un peu « vieillots ». Les chœurs de 1981 dirigés par Jean Cussac sont beaucoup plus
euphoniques, particulièrement harmonieux, il n’y a qu’à écouter leur splendeur
dans la chanson de l’endormissement du château. On y retrouve notamment
Danielle Licari, Anne Germain (qui nous a indiqué que, fait exceptionnel car le
doublage des chansons se faisait normalement sans répétition, une répétition
avait eu lieu dans une salle à Vincennes pour mettre en place les chœurs de La Belle au Bois dormant), Claudie
Chauvet, la magnifique et inégalable voix de basse profonde de Jean Stout (voix
de Baloo), et bien d’autres chanteurs, parmi lesquels un « renfort »
évident de choristes classiques (certainement André Meurant, Michel Richez,
etc.).
LES EXTRAITS
Voici
maintenant les extraits. La restauration du son, la synchronisation et le
montage sont le fait de notre ami Greg
Philip (blog Film Perdu).
FICHES RECAPITULATIVES
Doublage français d'origine (sortie
française 16 décembre 1959) :
Société : Société Parisienne de Sonorisation (S.P.S.) 1
Studio : ?
Direction artistique : ?
Direction musicale : Georges Tzipine 2
Adaptation des dialogues : Pierre-François Caillé 1
Adaptation des chansons : Henry Lemarchand 1
Enregistrement : ?
Princesse Aurore / Eglantine : Irène
Valois 3 (Dialogues)
Princesse Aurore / Eglantine : Huguette
Boulangeot 3 (Chant)
Prince Philippe : Guy Severyns 3
(Chant, et certainement dialogues)
Maléfique : Jeanne Dorival 3
Flora : Henriette Marion 3
Pâquerette : Colette Adam 4
Pimprenelle : Jacqueline Ferrière 5
Roi Stéphane : Jacques Berlioz 6
Roi Hubert : Raymond Rognoni 3
Aboyeur de la cour : Maurice Nasil 6
Choristes : Chœur Marguerite Murcier 1
Second doublage français (sortie française
25 mars 1981) :
Société : Société Parisienne de Sonorisation (S.P.S.) 1
Studio : ?
Direction artistique : Jacqueline Porel 1
Direction musicale : Jean Cussac 1
Adaptation dialogues et chansons
: Natacha Nahon 1
Enregistrement : ?
Princesse Aurore / Rose : Janine
Forney 1 (Dialogues)
Princesse Aurore / Rose : Danielle
Licari 1 (Chant)
Prince Philippe : Guy Chapelier 1
(Dialogues)
Prince Philippe : Olivier Constantin 7(Chant)
Maléfique : Sylvie Moreau 1
Flora : Paule Emanuèle 1
Pâquerette : Marie-Christine Darah 1
Pimprenelle : Jeanine Freson 1
Roi Stéphane : René Bériard 1 (Dialogues)
Roi Stéphane : Henry Tallourd 8(Chant)
Roi Hubert : Roger Carel 1 (Dialogues
et chant)
La Reine : Jacqueline Porel 4
Le Narrateur : Hubert Noël 1
Aboyeur de la cour : Marc François 9
Un sbire de Maléfique : Marc François 9
Choristes : Jean Cussac 8,
Anne Germain 8, Danielle Licari 8, Claudie
Chauvet 8, etc.
Fiches voxographiques de La Belle au Bois Dormant réalisées par
François Justamand (La Gazette du Doublage), Rémi C. (Dans l’ombre des
studios), Greg P. (Film perdu) et Olikos (Les Grands Classiques). Ces fiches
ont été vérifiées par plusieurs spécialistes mais peuvent contenir des erreurs.
Pour toute reprise de ces informations, veuillez noter en source ce lien.
Sources : 1Carton Laserdisc/VHS/DVD/CD,
2Hercule / Nouveau forum doublage francophone
(d’après CD québécois), 3F. Justamand / La gazette
du doublage (d’après
archives CNC), 4Gilles Hané / Dans
l'ombre des studios
(remerciements à Colette Adam), 5Bastoune / Dans l'ombre
des studios,
6Jean-Pierre Nord / Dans
l'ombre des studios, 7FX/ La gazette du
doublage , 8Rémi / Dans l'ombre des
studios (remerciements à Gilles Hané, Anne Germain,
Jean Cussac et Claudie Chauvet),9Darkcook / Nouveau forum doublage francophone
(confirmé par David Gential)
BONUS
LE FESTIVAL
Reprise de "C'était vous mon rêve" par Mathé Altéry
LE FESTIVAL
Article publié dans le cadre du
mini-festival internet « Les anciens doublages Disney », un événement
proposé par Greg P./Film Perdu (restauration sonore et montage, archives
presse), Rémi C./Dans l’ombre des studios (co-écriture des articles, coordination
de l’événement, des archives et des identifications de voix), FJ /La Gazette du
Doublage (archives) et Olikos/Les Grands Classiques.
Avec le soutien précieux de Jean-Pierre
Nord et Bastoune (identification des voix), Sébastien Roffat (histoire de
l’animation), Gilles Hané et Christian (collectionneurs).
Découvrez les autres articles du
festival : lundi 2 juin Pinocchio
sur Film Perdu, mardi 3 juin Bambi sur Les Grands Classiques, mercredi 4 juin Alice au Pays des Merveilles sur La Gazette du Doublage et jeudi 5 juin La Belle au Bois Dormant sur Dans l’ombre des studios.
Vous êtes collectionneur et possédez des
bobines contenant l’intégralité ou des extraits d’anciens doublages
Disney ? Prière de nous contacter à danslombredesstudios@gmail.com
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