(Plan: Partie 1: enfance, formation, chanteuse d'orchestre; Partie 2: choeurs pour des chanteurs de variété; Partie 3: enregistrements solistes; Partie 4: groupes vocaux; Partie 5: musiques de films; Partie 6: doublage, compositions)
Dans l’ombre des studios : J’aimerais
qu’on aborde maintenant les différents groupes vocaux dont vous avez fait
partie…
The Swingle Singers en studio |
Les groupes
vocaux d’alors étaient constitués des mêmes chanteurs interchangeables. Mon
premier groupe important après le « baptême » chez Franck Pourcel ce
furent les Riff avec Hubert Rostaing
chez Philips, puis il y a eu les Angels de Christian Chevallier chez Pathé où
je remplaçais quelques fois des « titulaires », puis les Barclay, un
groupe beaucoup plus fourni –douze hommes et douze femmes- ce qui causait de la
difficulté à ne prendre que des choristes de « variétés ». Il y eut donc quelques
camarades venus des chœurs classiques de
la radio qui ont d’ailleurs participé aussi à des doublages comme André Meurant
ou Michel Richez, de charmants camarades. Jean Cussac et Jeanette Baucomont tout comme Janine de Waleyne et Danielle Licari venaient du classique mais ils
s’étaient parfaitement adaptés au style variété. Dans les Barclay il y a eu
aussi des chanteuses de cabaret comme Francesca Solleville ou Claire Leclerc.
Et parfois pour « faire le nombre » ont été convoqués des instrumentistes
venant « faire chanteur » pour l’occasion comme le jeune Jean-Claude
Casadesus à peine sorti du conservatoire de percussions, le violoniste Roger
Berthier ou Jean-Claude Dubois harpiste à la Garde Républicaine, futur patron
des studios de la Grande Armée.
Il faut dire
aussi que dans ces séances de variété venaient aussi pour jouer des
instrumentistes de haut niveau comme Jean-Luc Ponty, Didier Lockwood, Emmanuel
Krivine futur chef de l’Opéra de Lyon, Michel Portal, Patrice Fontanarosa et
aussi la merveilleuse harpiste Lily Laskine si gracieuse avec nous et si
simple : lorsque nous étions assises à côté d’elle dans certaines séances
et que nous lui disions « Madame », elle nous reprenait « Ah non ! Pas de Madame, nous
faisons le même métier … » -pas tout à fait au même niveau quand
même !- «… c’est "Lily" et c’est
tout ! ». Quel exemple ! Il y en a beaucoup qui auraient pu
prendre modèle !
Les Barclay: Qu'il fait bon vivre (1960)
Claude et Anne Germain au centre, dos à dos.
Partie gauche: Christiane Legrand et Jacques Denjean, Margaret Helian et Franck Thore, Claudine Meunier et Michel Richez, Jean-Claude Dubois et Jeanette Baucomont, Rita Castel et ?
Partie droite: Danielle Licari et ?, Francesca Solleville et André Meurant, Bob Quibel et ?, ? et Michèle Bertin-Conti?, Nicole Binant et ?, Jean Cussac et Geneviève Roblot ?
DLODS : Un autre groupe important pour
vous : les Swingle Singers.
Répétition pour le 2ème album des Swingle |
Oui ça a été
important ne serait-ce que par la beauté du répertoire, le succès mondial –les
disques se vendent toujours dans le monde entier- mais dans un groupe on reste
quand même anonyme, à preuve des changements plusieurs fois d’éléments hommes
et femmes qui n’ont pas empêché le groupe de continuer.
Il y a eu
évidemment pour ce groupe français l’extraordinaire engagement pour aller
chanter à la Maison-Blanche au cours d’un concert donné afin de marquer la fin
du deuil du Président Kennedy. Ce fut vraiment un événement mémorable à
raconter aux petits enfants ! A la suite, concerts à Washington et à New
York pour la campagne du Parti Démocrate –nous avons fait de la politique
malgré nous !-, télés à Hollywood dans la foulée, à notre disposition
voitures officielles avec chauffeur, etc. Des stars, quoi ! Je disais à
mes partenaires « Attention, le
retour en France… » ! Il est vrai que dans les studios personne
ne nous a tressés de couronnes et que nous avons repris notre travail de
simples choristes comme avant.
DLODS : Je crois qu’en arrivant à Washington
vous avez eu une surprise en entrant dans la chambre d’hôtel…
Oui, on
était installé dans un grand hôtel où étaient logés tous les ambassadeurs et
les personnalités de la politique qui devaient venir à la Maison Blanche. On
entre dans la chambre, je pose mes valises, et j’ai l’idée de mettre tout de
suite la radio américaine en me disant « Voyons
ce qu’on écoute aux Etats-Unis », j’allume le poste… et c’est ma voix que j’entends !
Juré ! J’appelle Claude et son frère José qui étaient dans une chambre
voisine « Venez !
Venez ! ». Ils passaient un enregistrement que j’avais fait en
soliste pour le chef d’orchestre Armand Migiani. Le disque était sorti chez
Decca aux Etats-Unis sous le nom de The fabulous
voice of Anne Germaine (rires). Il y a deux cent cinquante chaînes de
radio, j’ouvre la radio et je m’entends moi ! C’est fou ! Je me
disais « C’est de bonne
augure ».
The Swingle Singers : Sinfonia (Partita No. 2 BMV 826) (1966)
1er plan: Christiane Legrand
2ème plan: Jeanette Baucomont, Anne Germain, Alice Herald
3ème plan: Jean Cussac, José et Claude Germain, Ward Swingle
DLODS : Cinquante ans avant les Daft
Punk, les Swingle Singers, groupe français, a été récompensé par quatre
Grammy Awards (en 1963, 1964, 1965 et 1969) et trois autres nominations
aux Grammy!
Les Swingle Singers à New-York |
Oui,
d’ailleurs, on en a gardé un à la maison, que Ward nous avait donné. Les Double
Six avaient également eu un prix, ils avaient été nommés meilleur groupe vocal
de jazz du monde. Mais mon mari et moi nous n’avons jamais eu la grosse tête, l’essentiel
pour nous était d’être devant un micro avec la partition, de bien chanter ce
qui était écrit et que le résultat soit satisfaisant. Ca c’était important.
On a bien sûr été très surpris quand il
y a eu cet appel pour chanter à la Maison-Blanche, c’était inattendu,
exceptionnel. Je ne suis pas sûre qu’Yves Montand ou Charles Aznavour y aient
chanté. Il y a eu aussi un beau concert au Carnegie Hall en partageant
l’affiche avec Oscar Peterson Trio ! Nous sommes les seuls choristes de
France à avoir fait ce parcours prestigieux, enfin, pour des petits musiciens
de studio.
DLODS : Dans les photos de concerts
des Swingle vous êtes toutes et tous habillés avec une grande classe…
A l’époque
Ward Swingle avait accompagné Jeanne Moreau au piano et c’est grâce à elle et à
son intervention auprès de son ami Pierre Cardin que celui-ci a accepté de nous
habiller pour un prix cadeau !
DLODS : Parlons maintenant d’un autre
groupe vocal : Les Parisiennes…
Oui, j’ai
enregistré quelques titres dont le fameux « Borsalino » avec Michelle
Dornay, Annick Rippe et Catherine Garret pour faire un petit soutien aux
Parisiennes avant qu’elles n’enregistrent elles-mêmes car c’étaient avant tout
des danseuses. Claude Bolling avec qui nous avons souvent travaillé notamment
pour Brigitte Bardot faisait leurs arrangements et nous avait demandé pour ce
petit coup de pouce. Danielle Licari en a fait aussi avec d’autres filles.
Après, c’était le travail de l’ingénieur du son de tout mixer mais en gardant
leurs timbres en premier plan.
J’ai
également fait des séances de soutien pour les Surfs (produits par les
Salvador) pour qu’ils enregistrent après avec plus de sûreté et de confiance,
et les garçons dont mon mari ont apporté aussi du soutien pour les Poppys, un
groupe de très jeunes garçons chez Barclay.
DLODS : Pouvez-vous me parler d’un
groupe vocal qui vous tient particulièrement à cœur, à savoir Les Masques ?
Yves Chamberland,
le créateur des studios Davout, avait été très marqué par les Double Six dont
il avait été l’un des premiers ingénieurs du son et il avait envie de produire
un groupe vocal à son idée. Il produisait alors un ensemble brésilien, le Trio
Camara, et a eu l’envie de constituer un groupe vocal avec des chansons
d’inspiration brésilienne avec ce trio en accompagnement. Francis Lemarque a
été intéressé par le projet et a coproduit le disque avec Yves Chamberland
tandis que mon mari écrivait la plupart des morceaux et arrangements, et Alice
Herald les paroles. Yves Chamberland a voulu un autre son que les Double Six et
il a demandé Nicole Croisille qui n’était pas encore vedette et deux autres
filles, Annie Vassiliu et France Laurie, inconnues elles.
INEDIT (avant sortie CD en 2003): Les Masques: Samba Sao
Pour écouter la reprise de Paul Mauriat, cliquez ici
Pour écouter un titre des Masques plus "chanté", cliquez ici
DLODS : Pourquoi le nom des « Masques » ?
C’est en
référence au Carnaval de Rio, et aussi parce que ceux qui commençaient une
carrière de soliste (Nicole Croisille et José Bartel) ne voulaient pas faire de
scène. Il n’y a pas eu de photos non plus sur les pochettes de disque. Cela a
aussi permis comme pour les autres groupes vocaux de changer les éléments quand
les premiers ne purent plus continuer les enregistrements. Parmi les titres
composés par mon mari, il y en avait un intitulé « Samba sao » ce qui
ne veut rien dire mais collait bien comme une sorte d’onomatopée sur une phrase
de la musique, chantée mais sans autre paroles. Ce titre a été entendu par Paul
Mauriat dont les disques avaient beaucoup de succès aux Etats-Unis et surtout
au Japon et Paul a voulu ce morceau en exclusivité pour le nouveau disque qu’il
était en train de réaliser, mais cette fois sans intervention vocale et avec un
nouveau titre « Silver fingertips » car il y avait une très brillante
partie de clavecin jouée d’ailleurs dans les deux versions par l’ami Maurice
Vander. La première version « Samba sao » qui n’apparaît donc plus
dans le disque des Masques à cause de l’exclusivité accordée à Paul Mauriat s’est retrouvée
mystérieusement figurer il y a une dizaine d’années dans une compilation de
musiques brésiliennes où les Masques sont rebaptisés « Mascara ». Futé,
non ?. Où et comment les « créateurs » de ce disque ont-ils eu
la bande originale ? Je ne sais pas et n’ai aucun moyen d’éclaircir ce
mystère. Yves Chamberland peut-être, en tant que producteur ? A suivre…
DLODS : Vous avez également fait
partie des Jumping Jacques…
Jacques
Hendrix, ancien des Angels, avait eu envie lui aussi de monter un groupe ne
chantant que des onomatopées. C’était très original, produit chez Barclay, mais
cela n’a pas marché. Il paraît que cela a servi comme indicatif à la radio ou
la télé. Dommage pour le travail et l’idée…
Les Stardust: A la Saint-Médard (1981)
Avec Jo Noves et Anne Germain (solistes), Jean Salamero, Jean Stout et José Germain
DLODS : Vous avez été aussi la soliste
du groupe Les Stardust qui accompagnait en 80-81 les artistes programmés par Jacques
Martin dans la première année de son
« thé dansant »…
C’est Jean
Stout qui m’a convoquée. Lui-même avait été contacté par Bob Quibel car
Jean-Claude Briodin ne voulait pas le faire à cause des Troubadours auquel il
appartenait. Il y a donc eu outre Jean, José Germain et Jo Noves, ex-Swingle, et mon
mari Claude qui écrivait aussi les arrangements pour le groupe. Lorsque Claude
est parti c’est Jean Salamero qui l’a remplacé. C’était harmonisé comme les
quintets vocaux américains de ces années 50-58, ce qu’avait voulu faire Jacques
Martin puisque ce thé dansant était censé se dérouler en 1953 ! De la
variété d’avant la vague rock’n’roll. Mais je constate à l’écoute de certaines
radios qu’il y a toujours des amateurs pour cette variété-là, de même qu’il y a
toujours des amoureux du « musette » heureusement pour la musique
fut-elle la plus modeste, car pour moi rock, rap, techno et compagnie c’est
plus du bruit qu’autre chose ! Réac Anne Germain ? Ah oui et sans
complexe !
Pour lire la suite de l'entretien, vous pouvez cliquer ici.
(Plan: Partie 1: enfance, formation, chanteuse d'orchestre; Partie 2: choeurs pour des chanteurs de variété; Partie 3: enregistrements solistes; Partie 4: groupes vocaux; Partie 5: musiques de films; Partie 6: doublage, compositions)
Suivez toute l'actualité de "Dans l'ombre des studios" en cliquant sur "j'aime" sur la page Facebook.
Pour lire la suite de l'entretien, vous pouvez cliquer ici.
(Plan: Partie 1: enfance, formation, chanteuse d'orchestre; Partie 2: choeurs pour des chanteurs de variété; Partie 3: enregistrements solistes; Partie 4: groupes vocaux; Partie 5: musiques de films; Partie 6: doublage, compositions)
Suivez toute l'actualité de "Dans l'ombre des studios" en cliquant sur "j'aime" sur la page Facebook.
Merci pour le contenu très intéressant sur les "masques" et "Jumping Jacques"!!
RépondreSupprimerNous ferons part à Jean Cussac (ami et voisin) de cet article consacré au Swingle, sa plus belle aventure... humaine et artistique :-)
RépondreSupprimer