Pour leurs proches ou les gens du métier qui ont eu le bonheur de
travailler avec elles, difficile de parler de Danielle Licari sans évoquer
Jackye Castan, et inversement. Danielle et Jackye ? La soprano et la
contre-alto, qui avec d’autres choristes ont « façonné » le son de la
variété française des années 60. Mais aussi la chanteuse soliste virtuose (voix
de Catherine Deneuve dans Les Parapluies
de Cherbourg et première interprète du célèbre Concerto pour une voix de Saint-Preux) et sa pianiste surdouée qui
fut l’une des très rares femmes arrangeuses. Plus de cinquante ans de vie
commune et de collaboration musicale, que je vous propose de retraverser avec
elles dans ce « portrait croisé ».
(Entretiens réalisés entre le 15 novembre 2015 et le 21 décembre 2018. Remerciements
à Gilles Hané et Jean-Luc Meyster)
Enfance et débuts de Danielle Licari
Danielle Licari |
Le 30 novembre 1936, les bonnes fées se
donnent rendez-vous à Boulogne-sur-Mer pour offrir une voix d’or à la petite
Danielle Licari (de son nom de jeune fille Danielle Cuvillier) qui vient de
naître.
A l’âge de trois ans, la France est en
guerre, et Boulogne-sur-Mer bombardée. « Grâce à un
marin, maman et moi sommes parties chez ma marraine à Plouha en Bretagne. Nous
avons traversé une partie de la Manche sur un dragueur de mines, nous étions
sur le pont, exposées à la pluie et au vent, car il n’y avait pas de cabines.
Mon père, qui était cheminot, est resté à Boulogne, réquisitionné comme ses
collègues. Puis plus tard nous avons déménagé à Paris. »
Danielle baigne dès l’enfance dans un
environnement musical. En dehors de son métier de cheminot, son père joue en
semi-professionnel de la trompette, du violon et des timbales dans différents
orchestres et Danielle assiste à ses concerts. A six ans, elle prend des cours
de piano et de solfège chez une voisine d’immeuble et chante dans une chorale réservée
aux enfants de cheminots, tout en suivant une scolarité ordinaire dans son
école de quartier.
« A l’école, nous avions un professeur de chant. Lors d’une rentrée
il a été remplacé par une nouvelle professeure qui nous a tous fait chanter un
par un pour répertorier nos voix. Quand elle m’a entendue elle m’a dit
« Toi, il faut que tu rentres à la Maîtrise ! ». J’avais onze
ans et demi, et la Maîtrise je ne savais pas du tout ce que c’était, je lui ai
répondu « Ah non, je veux rester dans la Chorale des Chemins de Fer »
(rires). Elle a vu mes parents et leur a
proposé de me faire travailler afin de me faire intégrer la Maîtrise. »
Maîtrise de la RTF |
La Maîtrise de la
Radio-Télédiffusion-Française, créée en 1946, permet à des jeunes filles (et
quelques garçons) de suivre une école alternant enseignement classique et
enseignement musical (chant, solfège, etc.).
« La rentrée à la Maîtrise était déjà passée depuis un mois, donc je
devais postuler hors-concours. Ma voix n’avait jamais été travaillée, ma
professeure m’a fait travailler si intensément que le jour de l’audition
j’étais complètement enrouée. Heureusement, comme j’avais un bon niveau en
solfège, j’ai réussi l’examen, et on m’a proposé de repasser l’audition de
chant une semaine après, où là j’ai été prise. Ça a enchanté mes
parents, et moi aussi. »
Danielle se plaît à la Maîtrise, où
elle a parmi ses meilleures copines d’école Nicole Robin (que les voxophiles
connaîtront plus tard comme voix française chantée de Charmian Carr (Liesl) dans La Mélodie du Bonheur (1966)). Chaque année, un
examen de passage permet de continuer la Maîtrise… ou de la quitter. Danielle y
reste jusqu’à ses dix-huit ans.
A l’issue de la Maîtrise, la voie
classique est généralement d’intégrer les chœurs de l’O.R.T.F. C’est ce qu’elle
fait avec d’autres camarades, et participe à de nombreux enregistrements et
concerts symphoniques, pour des grands chefs comme Herbert Van Karajan.
Le Quatre de Coeur |
De ces Baladins, le pianiste Oswald d'Andrea en garde les quatre filles (et épousera Nicole Filoze, alors mariée au chef d'orchestre Georges Cour), pour créer en 1962 Le Quatre de Cœur, à la couleur plus "pop". Le destin des Baladins de Paris et du Quatre de Coeur sera tragiquement abrégé par la
disparition prématurée de Catherine Sarassat, lors d’un accident de voiture. Danielle
restera pendant longtemps très marquée par le décès de celle qui fut un temps
sa meilleure amie.
Autre groupe vocal à la même époque: Les Balladines avec Danielle, Nadine Doukhan, Suzy Hallyday (future Gam's) et Sylviane Renard.
Autre groupe vocal à la même époque: Les Balladines avec Danielle, Nadine Doukhan, Suzy Hallyday (future Gam's) et Sylviane Renard.
Contrairement à ce qu’on peut parfois
lire, Danielle Licari n’a jamais fait partie des Djinns, ensemble vocal créé
après son départ de la Maîtrise. Elle suit en revanche le groupe lors d’une
tournée. « C’est là,
lors de la préparation d’un concert à Auch, que des filles m’ont dit
« Regardez, il y a une fille au piano ». Des femmes pianistes c’était
extrêmement rare, je suis allée regarder avec les autres, et j’ai vu une fille
en robe et grands talons. Cette fille, c’était Jackye. C’est la première fois
que je l’ai vue, sans lui parler. Elle était pianiste de l’orchestre des Cha
Cha Boys, qui faisait un gala au même endroit. »
Les Barclay (1960) |
A l’époque, les choristes lyriques
sont parfois demandés en renfort pour des séances de variétés, c’est comme ça
que Danielle est repérée par Christiane Legrand et intègre en 1960 Les Barclay,
ensemble vocal constitué d’une douzaine à une trentaine de chanteurs en
fonction des enregistrements. Dans Les Barclay se retrouvent, en fonction des
séances, des choristes de variétés (Jean-Claude Briodin, Claudine Meunier, etc.)
et des musiciens sachant chanter (Jacques et Claude Denjean, Jean-Claude
Dubois, Bob Quibel, Jean-Claude Casadesus, etc.). Les coordonnées de Danielle circulent, et elle est
immédiatement appelée dans les séances de chœurs pour des artistes de variétés,
séances tellement nombreuses qu’elle arrête progressivement le classique.
Dans les séances d’enregistrement de
la période 1960-1963, les sopranos qui ont le « lead » des chœurs et
décrochent des soli sont alors principalement Janine de Waleyne, Christiane
Legrand, et deux futures alti (Anne Germain et Claudine Meunier). Un événement,
ou plutôt un film, va bousculer cet « ordre ».
« Christiane
m’a dit un jour « Tu veux passer des essais pour un film ? Mon frère Michel
va faire la musique, ils ont besoin d’une fille pour chanter le rôle de
l’infirmière ». Quand j’ai auditionné chez Jacques Demy pour le rôle secondaire
de Madeleine, Michel Legrand (qui m’accompagnait au piano) et lui ont dit
« C’est la voix de Geneviève, il faut que ce soit elle qui fasse le rôle
principal » ».
D. Licari, C. Legrand et C. Meunier déchiffrant les partitions des Parapluies de Cherbourg |
L’orchestre des Parapluies de Cherbourg est enregistré à Charcot/Europasonor, et
les voix au Poste Parisien, en juillet 1963. « Charcot faisait très hall de gare, c’était difficile
d’enregistrer dans de bonnes conditions les voix et l’orchestre en même temps,
ou alors il aurait fallu d’immenses paravents. On a donc fait les voix au Poste
Parisien, qui se trouvait à côté du Cinéma Normandie, sur les Champs-Elysées.
Il n’y avait pas de répétitions, tous les chanteurs (José Bartel, Christiane
Legrand, etc.) lisaient très bien la musique et pouvaient chanter avec les
paroles immédiatement. Comme le film n’était pas encore tourné, Jacques Demy
nous indiquait ce qu’il se passait scène par scène afin qu’on y mette les
intentions qu’il fallait : « là c’est la scène du départ, elle est en
larmes, etc. ». Dès qu’on avait compris ce qu’il voulait et que ça
convenait, c’était dans la boîte. J’ai enregistré le rôle de Geneviève en cinq
jours (du 8 au 12 juillet 1963 inclus, NDLA) ».
Des disques sont ensuite pressés pour que les
acteurs puissent répéter de nombreuses fois afin d’être parfaitement synchrones
avec les voix lors du tournage.
Si plusieurs acteurs du film, comme Nino
Castelnuovo (Guy) ou Danièle Ajoret (qui devait interpréter Madeleine, avant
d’être remplacée par Ellen Farner pour des raisons de coproduction), assistent
aux séances d’enregistrement pour s’imprégner du texte et guider les chanteurs,
Catherine Deneuve, elle, travaille de son côté.
D. Licari et M. Legrand |
« Moi
en revanche je suis allée sur le tournage, car j’étais dans les environs à ce
moment-là, et nous nous sommes également croisées par hasard à Noirmoutier,
elle était en vacances dans le moulin de Jacques Demy et Agnès Varda, et j’avais une maison là-bas. A l’époque, la production n’a jamais voulu qu’on
dise que ce n’était pas elle qui chantait dans le film. Michel Legrand, bien
des années plus tard, m’a invitée à chanter en duo avec lui à la télévision la
chanson des Parapluies « L’adieu à la gare ». »
Le film étant 100% chanté (donc sans une seule
fois la vraie voix de Catherine Deneuve), on peut dire que le rôle de Geneviève
doit son succès à 50% au travail de Danielle. Et pourtant son nom est tronqué
au générique (« D. Licari »), elle n’est pas invitée aux événements liés
au film (Festival de Cannes, où il reçoit la Palme d’or), et sa participation est
pratiquement « cachée ». Quand
on lui demande si elle n’a pas été frustrée par cette situation, Danielle relativise :
« C’est la vie, ça ne me gêne pas, j’ai
fait mon excellent travail de chanteuse. Et à côté de ça, Michel Legrand nous a
fait signer une feuille attestant que nous n’avions aucun droit sur les disques
vendus. On a eu un cachet pour faire notre travail en studio, et terminé !
Ce n’est pas terrible ! Ce n’est vraiment pas bien moralement.»
Si le grand public en 1964 ne connaît pas le
nom de Danielle Licari, les gens du métier et notamment les arrangeurs (qui
font la pluie et le beau temps dans le monde des studios de l’époque) se
rendent compte du potentiel de sa voix, à la fois puissante, aux aigus
parfaitement assurés, et une interprétation mélodieuse et d’une grande
sensibilité.
La plupart des arrangeurs en activité font
appel à elle, et en particulier Jacques Denjean, qui l’associe avec son amie Nadine
Doukhan et une certaine… Jackye Castan.
Enfance et
débuts de Jackye Castan
Jackye Castan |
Jackye Castan (de son vrai nom Jacqueline
Castan, et longtemps orthographiée Jackie Castan sur les pochettes de disque)
naît le 20 mars 1938 à Montpellier. Son père, antillais, étudiant en médecine à
la faculté de Montpellier, ne la reconnaît pas à sa naissance. Elevée seule par
sa mère (jusqu’à ce que celle-ci se remarie six ans après), la petite Jackye subit
le racisme de ses camarades. « A
l’époque, il ne devait y avoir que quelques personnes de couleur à Montpellier,
donc à l’école on me traitait de bâtarde et de négresse. Pour faire face au
rejet des autres, je me suis créé mon petit monde à moi, notamment en me
lançant à fond dans le piano, que j’avais découvert étant petite fille grâce à
un oncle qui jouait du piano « de routine » comme on disait avant, à
savoir qu’il ne savait pas lire la musique mais quand il écoutait une chanson
il pouvait la refaire au piano. »
Vers l’âge de six ans, elle entre au
conservatoire, suit des cours de solfège, de piano, et de violoncelle,
instrument pour lequel elle reçoit un prix d’excellence à l’unanimité.
Elle reçoit un premier prix de solfège, et
surtout un prix d’accessit de piano qui lui permet d’accompagner les vedettes
de passage dans les casinos de la région : « Pendant que je travaillais l’après-midi au Casino de Palavas
pour faire répéter les attractions, je voyais à travers les grandes baies
vitrées les jeunes filles de mon âge jouer au volley-ball, se baigner, etc.
Cela me faisait envie. Mais d’un autre côté, bosser cela me permettait d’aider
financièrement mes parents à qui je donnais l’intégralité de mon salaire, papa
étant hémiplégique. A l’époque, nous n’avions pas beaucoup d’aides. Ils étaient
heureux de savoir que j’étais là leurs côtés ».
Ses compétences de « lectrice » sont
nécessaires afin de déchiffrer rapidement les partitions pour les concerts du
soir.
« Après
la guerre, beaucoup de musiciens se sont mis à faire du jazz, avec plus ou
moins de talent. C’était la porte ouverte à l’improvisation. Ca faisait
« américain » pour certains. Pour d’autres c’était « au secours,
rendez-vous à la coda ! ». Mais je pense qu’après ce qu’avaient vécu
les Français, leurs oreilles étaient d’une très grande complaisance.»
Mac Kac |
La rencontre avec les batteurs Philippe
Combelle et Mac Kac, de passage au Casino de Palavas à quelques semaines
d’intervalle, va être déterminante. Tous deux la convainquent de
« monter » à Paris. « Inconsciemment
j’en avais un peu marre de Montpellier car je tournais en rond, j’avais fait
tous les orchestres et je m’ennuyais musicalement. Mes parents m’ont dit
« on a trois mois de sous pour te payer le voyage et un petit
hôtel », et je suis partie à Paris vers 1958 ».
« A
Paris, je suis allée au Club Saint-Germain, où Mac Kac m’avait fait entrer.
Mais je n’y jouais pas. Les pianistes étaient René Urtreger, Georges Arvanitas
et Maurice Vander, j’avais des étoiles plein les yeux. J’étais la « groupie
des pianistes ». »
Dans un autre club, Le Caméléon, elle retrouve Philippe Combelle qui lui propose de devenir pianiste dans l’orchestre de son père, le grand saxophoniste et chef d’orchestre Alix Combelle. Le début d’une grande aventure. A l’époque, les musiciennes sont peu nombreuses dans les orchestres classiques (à part pour des instruments particuliers comme la harpe ou les ondes Martenot) et encore moins dans le jazz. Jackye est à ce moment-là l’une des premières et seules femmes pianistes de jazz en France: « Le monde des orchestres était à 99% masculin, à part les chanteuses d’orchestre. Il m’est arrivée de me retrouver seule femme en tant que pianiste avec huit ou dix musiciens, croyez-moi ce n’est pas triste ! Les conversations : filles, bouffe, foot et politique pour les intellos. Somme toute, comme c’était toujours pareil, c’était assez reposant. Sauf deux ou trois fois, je n’ai jamais eu à me plaindre de gestes déplacés. Mon arme secrète: je les menaçais de leur apprendre le solfège (rires).»
Jackye se souvient de sa première répétition avec l'orchestre Combelle: « Le premier jour, répétition place Blanche où Alix
avait un très grand appartement, et un studio de répétition. C’étaient mes
débuts à Paris: j’ai pris le métro toute seule à Odéon à 13h et je me suis
retrouvée toujours toute seule à 14h... à Odéon. Je suis arrivée 1h30 en retard à
la répétition, avec honte et appréhension. Je sonne à la porte, et là une femme à la Marilyn Monroe m’ouvre la porte. Je n’avais jamais vu en vrai une femme aussi
belle, et en plus gentille et souriante. Il faut dire que moi de mon côté j’avais une
dégaine qui sentait bon le terroir: un manteau vert deux pièces fait par maman,
tout parfait, quoi. Claude Nesle, la femme d’Alix Combelle, ayant senti mon
désarroi, m’a mis tout de suite à l’aise. Arrivée à l’étage qui dominait la
Seine, j’ai vu tout l’orchestre, et le pianiste que je devais remplacer, Jacky Knudde, qui est mort en Inde quelques temps plus tard. La répétition terminée, Alix m’a prise à
part, et nous avons joué plusieurs thèmes. J’étais très jeune mais j’avais déjà
de la bouteille. Il m’a donc engagée. C’était un vrai swingman, chorusman et
une belle personne.»
La vie de tournée avec un orchestre n'est pas morose: «Alix avait son car personnel avec à
l’intérieur dix-huit couchettes. Après les galas qui se terminaient vers 2
heures du matin selon les mairies, nous n’avions pas d’autres choix que d’aller nous allonger
comme à l’armée, trois couchettes superposées, avec un petit hublot pour voir
dehors, et la lumière pour lire. Je passe sous silence beaucoup de bruits
incongrus pour dire que la chaleur aidant, ces messieurs se découvraient au fur
et à mesure, ce qui fait que le matin, allongés sur leurs couchettes, au hasard
des regards nous n’avions que le choix (rires) ! Avec la chanteuse de l'orchestre, Danièle Bonal (femme d’un très grand guitariste de jazz, Jean Bonal, qui jouait à l’époque
de Moustache), nous avons préparé une petite vengeance féminine bien méritée. En arrivant sur
la place du village un matin, nous avons laissé les portes du fond du car
ouvertes, et comme ils dormaient tous avec des boules quiès et des masques, ils
n’ont rien vu ni rien entendu. Les villageois qui allaient au marché, surtout
les femmes, profitaient d’un spectacle gratuit et exceptionnel. Ce n’était pas
bien méchant, mais les musiciens nous ont fait la gueule pendant tout le gala. »
Jackye se rend une fois par semaine au fameux
« marché aux musiciens » entre la place Blanche et Pigalle, où tous les
musiciens parisiens se retrouvent pour s’échanger des bons plans et décrocher
des engagements : galas dans des casinos de province, bals, événements
privés, cabarets, etc.
Lisant bien la musique et bonne en jazz, elle court
le cachet et enchaîne les orchestres comme par exemple Leo Clarens,
Jacques Hélian, etc. Elle fait répéter (dans l’hôtel où elle vit alors, rue
Gay-Lussac) des chanteurs comme Francis Linel, Jacqueline Danno ou P.A.O.L.A.,
fait des remplacements pour des galas (spectacle de Fernand Raynaud à
Clermont-Ferrand)… ou des revues dans des cabarets plus ou moins
recommandables. « Un jour un
pianiste m’a demandé de le remplacer une semaine dans un cabaret. J’ai accepté,
il fallait bien manger. Il n’y avait que des maquereaux et des prostituées. Un
soir quelqu’un a tiré un coup de revolver, je me suis planquée derrière le
piano. Ce pianiste que j’avais remplacé faisait dépression sur dépression, j’ai
compris pourquoi. »
Dans les clubs de jazz, elle joue
régulièrement au Caveau de la Huchette avec François Jeannot, remplace
occasionnellement Georges Arvanitas (« On
s’aimait beaucoup ; mais je n’avais pas autant de talent que lui »),
et joue au Keur Samba (dans un groupe constitué notamment de Pierre Dutour,
Jacques Nouredine et Jacky Césaire, fils du grand poète Aimé Césaire), où elle
finit tous les matins à cinq heures.
Un événement va lui faire changer de trajectoire :
dans l’orchestre des Cha Cha Boys, où Jackye joue du piano, le chef lui demande
un jour de chanter une chanson en antillais. Saxophoniste dans l’orchestre (et
choriste déjà important dans les studios parisiens, et membre des Double Six),
Jean-Claude Briodin repère ainsi Jackye et donne son numéro de téléphone à
plusieurs choristes.
« Un
jour, je venais de rentrer chez moi à 5h du matin, et je reçois un coup de fil
de Jeanette Baucomont (choriste, et ex-Swingle Singers). Elle m’appelle de la
part de Jean-Claude, et me supplie de la remplacer pour une séance à 9h.
J’arrive en retard au studio, la voix un peu fatiguée, mais j’assure quand même.
Alors, petit à petit on a commencé à m’appeler quand il y avait des trous. Christiane
Legrand convoquait souvent les chœurs dans les séances, et j’ai eu le privilège
de travailler avec elle. Elle avait parfois du mal à chanter car je sortais des
blagues monstrueuses et elle était très rieuse. Comme j’avais vécu dans un
univers uniquement masculin je ne me rendais pas compte des énormités que je
disais. Christiane savait, elle connaissait la mentalité des musiciens.»
Parmi les premiers artistes qu’elle
accompagne, Henri Salvador. « Il
m’appelait « petite sœur », avec lui j’ai fait notamment les chœurs sur
« Le travail c’est la santé », entrecoupé de rires. On a eu du mal à
enregistrer car il faisait des plaisanteries. »
En studio, la choriste Michèle Dorney lui
parle de Danielle Licari comme de l’une des plus belles voix du moment, mais il
faut attendre une séance fin 1963-début 1964 où Danielle et Jackye sont toutes
deux convoquées par Janine de Waleyne, pour qu’une vraie rencontre ait lieu. « Danielle était mariée à ce moment-là.
Je la faisais mourir de rire. Je crois que ça change les femmes de rire. Et ça
fait cinquante-quatre ans que nous sommes ensemble. »
Pour lire, la suite de l'article (Partie 2), cliquez ici.
(Partie 1/3: Enfance et débuts de Danielle Licari et Jackye Castan, Partie 2/3: Les Fizz et les grandes années studio, Partie 3/3: Le Concerto pour une voix et l'après-Barclay)
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(Partie 1/3: Enfance et débuts de Danielle Licari et Jackye Castan, Partie 2/3: Les Fizz et les grandes années studio, Partie 3/3: Le Concerto pour une voix et l'après-Barclay)
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Merci pour ce travail important pour les nostalgiques comme moi.
RépondreSupprimermerci Rémi pour tous ces souvenirs qui me rappellent tant de merveilleux moments, avec ces deux formidables "collegues" musicales.
RépondreSupprimerUn immense merci pour cet article. J'ai eu le bonheur d'être une élève de Danièle et Jackie au Studio des Variétés en 1987. 2 femmes que je n'ai jamais oubliées...
RépondreSupprimerMerci pour vos recherches sur ces grands artistes de l'ombre. Je viens grâce à vous de faire connaissance de Jackie Castan, si souvent cittee et admirée par Claude Étienne saxophoniste de talent, récemment disparu. Bien cordialement Paul Jean Louis Gabino.. AGDE Hérault
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